Roger Guérin © Pierre Kitmacher

Roger Guérin

Visage de l’intégrité de Sorbonne Université

La science c’est l’incertitude, et l’intégrité c’est réinsérer cela dans une époque qui veut de la certitude.

Falsification, plagiat, mensonge… La science n’échappe pas aux travers de l’humanité. Pour s’en prémunir, il existe aujourd’hui des instances chargées d’évaluer la probité des travaux de recherche. À Sorbonne Université, c’est la tâche du référent à l’intégrité scientifique, incarné depuis peu par l’hydrogéophysicien Roger Guérin.

Produire de fausses données, en déduire de faux résultats ou copier un article déjà publié en le paraphrasant sont trois exemples de ce qu’il ne faut pas faire en science au risque de nuire durablement à la crédibilité de cette dernière et d’attiser la défiance vis-à-vis de ses résultats. Qu’il soit accepté ou non par le plus grand nombre, un fait scientifique est un fait scientifique, dont la véracité s’appuie sur une démarche scientifique, la même pour tout chercheur. Après la philosophe Anouk Barberousse, c’est à un hydrogéophysicien qu’incombe la tâche d’analyser ces litiges au sein de Sorbonne Université.

Pourtant, Roger Guérin n’aurait pas imaginé devenir un jour professeur à l’université. Passionné par la physique, il complète son cursus par des cours de sciences de la Terre et s’oriente naturellement vers la géophysique, « qui est la physique des géosciences », précise-t-il.

En 1987, il effectue son Service national en tant que coopérant, enseignant les mathématiques et la physique pendant un an et demi, dans un lycée du Caire qui accueille des enfants égyptiens francophones. À son retour, il veut plus que jamais enseigner, mais pas dans le secondaire, à l’université. Pour cela, il lui faut une thèse qu’il effectue au sein de la Compagnie générale de géophysique (CGG), basée à Massy. « Mon sujet de thèse était de traiter des données de magnétotellurique1 pour des problématiques environnementales et géothermiques ». En 1992, à l’issue de sa thèse, ayant créé un code numérique pour ses travaux, il est embauché par l’entreprise en tant que développeur informatique. La CGG lui propose d’aller prospecter sur le terrain, lui préfère son métier de développeur, qui lui permet de garder le contact avec le milieu académique.

Il candidate dans plusieurs universités mais sa thèse dans le privé est un handicap. En 1996, il est enfin recruté, par Sorbonne Université, en tant que maître de conférences dans un tout jeune laboratoire combinant hydrogéologie et géophysique où il se sent « comme un poisson dans l’eau ». Il obtient son habilitation à diriger des recherches en 2004 et est recruté en tant que Professeur des universités en 2007 pour devenir responsable de la spécialité Sciences de la Terre de Polytech Sorbonne, la formation d’ingénieurs de l’université qu’il dirige pendant plus de quinze ans.

À l’été 2022, la présidence de Sorbonne Université cherche un remplaçant à sa référente à l’intégrité scientifique, sur le départ. « J’ai hésité mais en tant que citoyen, je me sentais obligé de défendre la science. Je suis fier d’être scientifique et je trouve horrible la façon de certains de mépriser la science. » Arrivé en fin de carrière, Roger Guérin estime « intéressant que quelqu’un dans [sa] situation occupe ce poste », en raison de l’indépendance qu’elle confère. Sa carrière de chercheur lui a appris l’humilité et il fait sienne la citation, raccourcie, du physicien Stephen Hawking : « Plus on en sait, moins on en sait ». L’intégrité scientifique parente du doute. « Les certitudes me font peur. La science c’est l’incertitude, et l’intégrité c’est réinsérer cela dans une époque qui veut de la certitude », conclut-il.


1 Technique utilisant le champ magnétique induit par les courants électriques naturels circulant dans la croûte terrestre


La délégation à l'intégrité scientifique