Lina El Hajji

Lina El Hajji

Doctorante, passionnée de vulgarisation scientifique et lauréate d'un prix L'Oréal-Unesco pour les femmes et la science

J’aime transmettre, montrer ce que je fais au laboratoire, que la science peut être appliquée, utile, concrète, en lien avec la vie de tous les jours.

Lina El Hajji est doctorante de l’école doctorale Chimie physique et chimie analytique de Sorbonne Université. Lauréate d'un prix Jeunes Talents France pour les Femmes et la Science de la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’UNESCO, elle a été invitée le 12 octobre dernier à prendre part à la cérémonie de remise des prix tandis que le 15 et 16 du même mois, elle a participé pour la deuxième fois à la Fête de la Science et a fait découvrir la fluorescence, son sujet de thèse, au grand public à cette occasion.

Quel est votre parcours ?
Lina El Hajji : Je suis originaire du Maroc, où j’ai été au lycée français. J’ai décidé de poursuivre mes études en France et je suis arrivée en 2015. J’ai fait les classes préparatoires au Lycée Poincaré de Nancy et ensuite intégré le département de chimie de l’ENS de Paris où j’ai rencontré Arnaud Gautier, professeur à Sorbonne Université. Il a d’abord été mon tuteur en seconde année de master avant d’être mon encadrant de thèse.

Parlez-nous de votre sujet de thèse.
L. E. H. : Je travaille sur la fluorescence. Je cherche à développer des rapporteurs fluorescents pour l’imagerie biologique. Les rapporteurs sont en quelque sorte des « mouchards ». Nous pouvons les accrocher à des protéines que nous souhaitons visualiser dans les cellules. Ces rapporteurs peuvent être des outils utiles pour la recherche en biologie pour comprendre certains processus.

Vous avez participé à la Fête de la Science pour la deuxième fois. Quelles sont vos motivations ?
L. E. H. :
Effectivement c’est la deuxième fois que je participe à la Fête de la Science. En 2021, j’avais présenté un atelier autour du thème Chimie et couleur. Cette année, quand le laboratoire a fait le relais de l’appel à projet – j’ai sauté sur l’occasion car je trouvais que la thématique se prêtait bien à un atelier.

Les biomolécules étaient à l’honneur. Plus précisément, comprendre quelles sont les biomolécules impliquées lors d’une pratique sportive. Le but est de faire le lien entre chimie, fluorescence, corps humain, sport et de montrer que nous avons désormais des outils pour observer l’activité des biomolécules en temps réel.

Ma motivation ? Je m’intéresse à la vulgarisation scientifique. J’aime transmettre, montrer ce que je fais au laboratoire, que la science peut être appliquée, utile, concrète, en lien avec la vie de tous les jours.

Comment sont organisés les ateliers ?
L. E. H. :
La Fête de la Science se déroule durant deux jours, sur le campus Pierre et Marie Curie. Nous proposons des ateliers d’une heure entre 12 h et 18 h – soit environ 6 ateliers par jour. Les gens peuvent réserver un créneau. Nous sommes une équipe de 6 à le faire.  Comme en 2021, j'ai été la porteuse du projet mais nous avons conçu ensemble l’atelier à base d’expériences connues ou inventées. Le parcours a été construit à partir de choses de la vie de tous les jours. Pour 2023, l'atelier a traité de l’oxygénation du sang et de l’énergie dans les cellules.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
L. E. H. :
L’atelier a été découpé en trois parties. En première partie, nous avons parlé de l’acidité, induite par le CO2, dans le corps. Pour détecter l’acidité, le chou rouge est un bon indicateur de pH. Il devient rose en milieu acide.  Les gens devaient tester, avec des solutions de chou rouge, divers produits comme le vinaigre, le bicarbonate, le jus de citron. Nous avons demandé ensuite aux participantes et participants de deviner le pH de différents organes et fluides du corps (sang, estomac …) et de les classer par ordre d’acidité.

La deuxième partie a été consacrée à l’oxygénation du sang, il y avait un quiz interactif et une maquette permettant d’illustrer les différents états d'oxygénation de l'hémoglobine et d’expliquer la couleur du sang. La troisième partie a traité de l’ATP (Adénosine TriPhosphate) et de la visualisation au microscope à fluorescence des mitochondries. Nous avons expliqué leurs différentes fonctions biologiques, en particulier celles liées à l'énergie et au sport. Nous avons montré qu'en utilisant un microscope à fluorescence, nous pouvions suivre l'ATP. Le microscope devient alors un outil de visualisation des processus dynamiques. Nous avons aussi évoqué le processus de fluorescence.

Participer à la Fête de la Science est une expérience très enrichissante. Ce n’est jamais le même atelier. En fonction du public, les questions et intérêts changent. À chaque fois, nous déconstruisons les croyances fausses, les stéréotypes des auditeurs et auditrices vis-à-vis des chercheurs et chercheuses. Cela permet de parler de sa thèse au quotidien ; de la vie au laboratoire.

Quel est votre projet professionnel ?
L. E. H. :
J’aimerai entrer dans la recherche académique, faire un post-doctorat pour entrer ensuite au CNRS ou être maitresse de conférences. Pour le moment, je ne sais pas où je ferai ce post-doc mais je vais étudier prochainement les différentes opportunités qui s’offrent à moi.

Vous avez récemment reçu le prix Jeune Talents France de L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science. Comment cela s’est-il passé ?

L. E. H. : Suite à la parution de l'appel à projet en février 2023, j'ai préparé un dossier de candidature, relatant mon parcours académique ainsi que mes motivations pour postuler au prix et parler de mes projets à venir. Je suis extrêmement honorée d'avoir été choisie parmi les lauréates. J'ai assisté à la cérémonie de remise des prix le 11 octobre 2023. À cette occasion, j’ai reçu une médaille et j’ai présenté mes travaux sous forme de poster. C'était une très belle expérience.

En parallèle, le programme For Women in Science propose des formations que j'ai suivies avec les autres lauréates du 6 au 10 octobre. Nous avons rencontré le 12 octobre, des lycéennes et lycéens à la Cité des sciences et de l'industrie lors de l'exposition « La science déploie ses Elles ». Nous avons échangé avec les élèves à propos de  recherches ainsi que d'orientation, toute la journée.

Quels conseils pourriez-vous donner aux doctorantes et doctorants plus jeunes que vous ?
L. E. H. :
Profitez de chaque étape et de ce que vous pouvez faire à côté, comme les missions complémentaires, l’enseignement, la vulgarisation. Ne grillez pas les étapes. Communiquez bien avec votre entourage dans le laboratoire et avec votre encadrant ou encadrante. Et surtout, ne faites pas que votre thèse – cela vous mettra dans de bonnes dispositions.

Et vous, que faîtes-vous en dehors de votre thèse ?
L. E. H. :
Je me suis investie dans du bénévolat en relation avec la médiation scientifique. J’ai fait du tutorat dans des collèges en première année et je travaille avec l’Ecole à l’hôpital, une association assurant la continuité pédagogique de jeunes malades (du plus jeune âge jusqu’à 25 ans). Des enseignants bénévoles dispensent des cours. Personnellement, je ne dispose pas d’une demi-journée par semaine pour faire un cours mais je fais ponctuellement des ateliers. Puisque ces jeunes ne peuvent pas se déplacer à la Fête de la Science, c’est la Fête de la Science qui se déplace vers eux…