Christophe Prazuck

Christophe Prazuck

Un marin à la barre de l’Institut de l’Océan

Les défis océaniques liés au climat, à la biodiversité, aux ressources durables et à la géopolitique imposent des regards croisés.

Depuis 2015, l’Alliance Sorbonne Université a créé neuf instituts destinés à regrouper des compétences scientifiques de tous horizons sur des thématiques précises. Et quoi de mieux que de confier les rênes de l’Institut de l’Océan à un marin ? Rencontre avec Christophe Prazuck, ex-amiral de la Marine nationale.

Après plus de 40 ans de service dans la Marine nationale, Christophe Prazuck a changé de cap mais gardé le pied marin pour prendre la tête du tout jeune Institut de l’Océan de l’Alliance Sorbonne Université en 2021. Objectif : rapprocher les acteurs des sciences océaniques de l’Alliance pour développer des projets transdisciplinaires dans la recherche, la formation et les relations avec la société. « Les défis océaniques liés au climat, à la biodiversité, aux ressources durables et à la géopolitique imposent des regards croisés », explique-t-il.

En 1979, Christophe Prazuck a 19 ans et termine sa deuxième et dernière année de classes préparatoires au lycée Saint-Louis, à Paris. Comme tous les étudiants, il se pose la question de son avenir professionnel et rêve de découvrir le monde. « C’est un peu par hasard que j’ai choisi d’intégrer l’École navale ». Deux ans auparavant, il découvrait la vie aventureuse d’un équipage de la Marine dans Le crabe tambour. Le film le marque durablement. « Ma principale motivation était surtout d’être utile et l’idée déformée que je me faisais du métier d’ingénieur ne satisfaisait pas ce souhait. » Il passe le concours de l’École navale et y entre en tant qu’élève officier. Il veut naviguer, le plus loin possible.

Lors de sa formation initiale en ingénierie, il fait un tour du monde d’un an pendant lequel il découvre la vie en équipage et met en pratique ce qu’il a appris à terre. À l’issue des trois ans d’école, il est affecté sur des patrouilleurs qui naviguent entre Mayotte et la Réunion. Il a 22 ans, est officier en second.
Dans la Marine, la formation continue tient une place importante. Les officiers sont régulièrement renvoyés « à l’école », militaire ou civile, pour parfaire leurs connaissances théoriques. En 1989, il est ainsi envoyé en Californie, à l’Université de Monterey, un des campus de la Marine américaine, pour une thèse en océanographie physique. « Une superbe expérience !, se souvient-il, et pas que pour la proximité des idylliques plages de l’océan Pacifique. Je ne connaissais pas le milieu universitaire et n’avais jamais été formé dans un cadre de recherche. Se retrouver devant une question, des données dont on ne connaît pas le sens et devoir se débrouiller pour trouver les outils, les méthodes et les concepts pour conduire son travail était extrêmement motivant. J’ai ainsi mieux compris les phénomènes physiques en jeu dans l’océan. ». Encadré par un enseignant-chercheur de Sorbonne Université, il étudie pendant deux ans la dérive des glaces de l’Arctique vers l’océan Atlantique.

Sa carrière le mène sur tous les océans, dans des sous-marins, les forces spéciales et au commandement de navires. Il devient ensuite DRH de la Marine avant de la diriger, avec le grade d’amiral, jusqu’en 2020. « Au cours de ma carrière, j’ai vécu beaucoup de choses enthousiasmantes, extrêmement variées, qui n’avaient rien à voir avec ce que j’imaginais. On fait des choix pour des raisons de jeune et on conduit sa vie pour des raisons d’adulte. »

Nouveau voyage

Pour autant, Christophe Prazuck ne compte pas s’arrêter-là. Alors que sa carrière militaire touche à sa fin, il apprend que Sorbonne Université crée un Institut de l’Océan. Lui qui connaît bien les acteurs du monde maritime embrasse « un rôle d’animateur pour rapprocher ce monde de celui de la recherche et de l’enseignement supérieur ». Un mois plus tard, à 60 ans, il en devient directeur du nouvel institut. « Les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui ne peuvent être ni abordés ni résolus si on ne les considère que sous un seul angle. L’excellence dans chaque discipline est nécessaire mais pas suffisante, il faut aussi de l’interdisciplinarité. »

L’ex-militaire est déjà dans le bain. « Je ne suis plus un militaire et je ne suis pas un chercheur, je suis un citoyen et un marin. J’ai vécu avec l’océan et travaille désormais à préparer notre société et les générations futures à faire face à ses défis. » Marin un jour, marin toujours !

On fait des choix pour des raisons de jeune et on conduit sa vie pour des raisons d’adulte

2021, année de la mer ?

Avec ses cinq stations maritimes, l’Alliance Sorbonne Université pointe à la 3e place du podium mondial, à la 1re au niveau européen, des universités de recherche maritime. Alors que débute la Décennie des océans, la création de l’Institut de l’Océan coïncide aussi avec la nomination pour trois ans de Sorbonne Université à la tête du réseau français des universités marines.

L’Institut ouvrira cette année le diplôme universitaire NEMMO et a créé, avec la Fondation de la mer, un Prix de la première publication scientifique de thèse.