Les bouleversements induits par l'irruption de la technologie du matching, dans toutes ses dimensions, réactualisent des enjeux majeurs de nos sociétés. La société du matching n'est pas le futur de nos sociétés modernes, c'est son présent. L'ambition de cet essai est de comprendre ce qu'il change dans nos vies.

À plusieurs étapes décisives de nos vies, nous confions notre sort à des algorithmes qui trient les individus selon un schéma très singulier : on choisit et on est choisi en même temps. L'accès à des ressources aussi essentielles que la formation (avec Parcoursup ou Affelnet), le partenaire amoureux (Tinder, Meetic et tant d'autres), certains soins ou un emploi dépend de cette technologie.

Contrairement à la relation marchande où payer suffit, ou aux prestations sociales qui sont versées de droit, le matching suppose une relation sociale inédite : nous exprimons nos vœux selon les informations à notre disposition et c'est à partir des données que nous fournissons que la sélection s'opère.

Ce principe modifie en profondeur notre rapport au collectif. Parce qu’il nous impose de dire le vrai de nous-mêmes, de nos espoirs, de nos désirs, il accélère l’avènement d’une société singulariste.

Philippe Steiner est professeur émérite de sociologie à Sorbonne Université et membre honoraire de l'Institut universitaire de France.

Melchior Simioni est docteur en sociologie de Sorbonne Université, normalien, agrégé de sciences économiques et sociales.