EHNE
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EHNE : la marche numérique de l’histoire

Rendre l’histoire universitaire accessible à tous, c’est le pari de l’encyclopédie numérique développée à Sorbonne Université. Avec bientôt un premier rôle pour l’intelligence artificielle (IA).

En 2012, le projet de Laboratoire d’Excellence (LabEx) « Écrire une histoire nouvelle de l’Europe » (EHNE), porté par Paris-Sorbonne, démarre avec une enveloppe de 6 millions d’euros dans le cadre des Investissements d’Avenir. Sous la direction d’Éric Bussière, professeur à l’Université Paris-Sorbonne, il est alors organisé en 7 équipes, 6 à Paris et une à Nantes – celle du Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique –, ancrage en région oblige. À son lancement effectif, en 2013, un des objectifs est la création d’une encyclopédie en ligne, qui prend le nom du LabEx et s’appuie sur le travail de chacune des 7 équipes. Tâche que les chercheurs et doctorants mèneront jusqu’au terme du LabEx, en 2020.

L’EHNE propose alors un peu plus de 200 textes universitaires, traduits en anglais, et quelque 500 visiteurs par jour. « Elle est alors considérée comme un outil important mais un outil comme un autre du LabEx », explique Olivier Dard, qui dirigeait l’équipe centrée sur l’histoire politique de l’Europe avant de prendre la direction du projet au départ à la retraite d’Éric Bussière, peu avant la fin du LabEx. Pour anticiper cette fin, le nouveau directeur fait alors le choix de concentrer les reliquats de ce financement sur l’encyclopédie numérique en la greffant sur l’Initiative Interculturalités Europe (encadré) et en pariant sur les potentialités de la jeune alliance européenne 4EU+, que Sorbonne Université a participé à créer en 2017.

La continuité dans le changement

La première décision prise sera de changer le nom du projet… enfin, pas tout à fait : EHNE signifie désormais Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe. Une histoire numérique ou en numérique ? « L’encyclopédie est numérique, puisqu’elle est en ligne, mais on propose aussi une réflexion sur les humanités numériques, précise Mathieu Marly. On entend promouvoir les deux sens du terme. » L’objectif initial reste le même : diffuser le savoir universitaire en histoire. De nouvelles thématiques sont ajoutées, comme l’environnement et l’enseignement, on fait appel à des experts en pédagogie et en communication pour en faire un outil majeur unique en histoire. En deux ans, le nombre de textes est multiplié par 2 et le nombre de visiteurs par 6. L’intérêt grandit et avec lui les propositions d’articles sur des questions de société fondamentales : genre, décolonisation, transhumanisme…

Le public suit, « des enseignants du secondaire, des étudiants en 1ère et 2e année d’histoire, indique Mathieu Marly, et des curieux intéressés par des thématiques très précises. » Le référencement sur les moteurs de recherche et le travail éditorial sont aussi mûrement réfléchis, de sorte que les notices de l’EHNE apparaissent dans les premières occurrences sur nombre de sujets. L’équipe parvient même à définir un modèle, plutôt singulier, entre Wikipedia, pour le côté gratuit, en accès libre et privilégiant les formats courts, et les nombreuses revues scientifiques d’histoire en ligne, pour l’expertise. Mais pour toucher un public plus large encore, ils comptent sur le savoir-faire éditorial des médias en ligne The Conversation et Retronews. Car certains des textes de l’EHNE résonnent avec l’actualité, comme cette notice sur la traite des Noirs dont la consultation a explosé suite à l’affaire George Floyd. « Un Community Manager nous aide sur les réseaux sociaux dans notre démarche pour trouver de nouveaux publics, ajoute Olivier Dard. Peut-être faut-il aussi jouer davantage sur des logiques d’anniversaire d’événements. » Ou encore s’attarder sur le phénomène des fake news.

L’histoire au futur

Mais ce qui peut renouveler et enrichir l’histoire selon les deux chercheurs, c’est l’IA. Et justement, Sorbonne Université est une des universités européennes en pointe sur le sujet avec son laboratoire d’informatique Lip6. Par reconnaissance automatisée des éléments d’une photographie, l’IA permettrait aux historiens de classer par thème ou époque, selon les visages, les objets ou encore les paysages les centaines de milliers de clichés du fonds du lycée Colbert mis à la disposition de l’EHNE, en s’affranchissant des légendes et classifications existantes. « Elle pourra même analyser la fréquence d’utilisation d’un cliché dans une photothèque de presse », conclut Mathieu Marly.

Initiative Interculturalités Europe (IIE)

En 2020, le LabEx EHNE arrivant au terme de son contrat, se pose la question de sa suite. L’Alliance 4EU+ créée en 2017 par Sorbonne Université et 5 universités européennes est un cadre idéal pour pérenniser un projet sur l’histoire de l’Europe. Ainsi naît l’IIE, adossée elle aussi à l’encyclopédie, en prolongement du LabEx. Elle en reprend les missions en y ajoutant l’innovation numérique et la diffusion du savoir à plus grande échelle via des événements autour de cette histoire commune.