• Communiqué de presse

L’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud, portes d’entrée probables du coronavirus en Afrique

L’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud seraient les pays les plus à risque d’importation du coronavirus Covid-19 en Afrique en raison de l’importance des échanges aériens avec les provinces chinoises contaminées. Mais ces pays sont aussi parmi les mieux équipés du continent pour détecter rapidement les nouveaux cas et les prendre en charge. Dans d’autres pays d’Afrique, le risque d’importation du virus est plus faible mais les carences sanitaires font craindre une diffusion rapide. Ces travaux de modélisation menés par l’équipe de Vittoria Colizza, directrice de recherche Inserm dans l’unité 1136 Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université), en collaboration avec l’Université libre de Bruxelles, The Oxford Martin Programme on Pandemic Genomics et l’Université de Californie Los Angeles, viennent de paraître dans la revue The Lancet.

Le coronavirus Covid-19 continue de se propager en Chine et des cas ont été déclarés dans plus de 25 pays. Le continent africain est resté longtemps épargné jusqu’à ce qu’un premier cas soit tout récemment déclaré en Égypte. Vittoria Colizza, directrice de recherche à l’Inserm, et son équipe de l’unité 1136 Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/ Sorbonne Université), en collaboration avec l’Université libre de Bruxelles, the Oxford Martin Programme on Pandemic Genomics et l’Université de Californie Los Angeles, viennent justement d’évaluer le risque d’importation du virus en Afrique pays par pays, et les capacités de chaque pays à le détecter et à y faire face.

Pour établir ces prévisions, les chercheurs ont évalué le risque d’importation du virus d’après le nombre de cas déclarés par province chinoise, et en fonction du trafic aérien entre les trois principaux aéroports de chacune de ces provinces (en dehors de Hubei en raison de la suspension des vols) et chaque pays africain. En parallèle, ils ont analysé le potentiel de chaque pays à faire face au risque de propagation d’une maladie contagieuse à partir de données de l’OMS et d’éléments officiels fournis par ces mêmes pays.

Chaque pays fait, en effet, auprès de l’OMS, une déclaration annuelle obligatoire de ses ressources pour faire face à une épidémie (State Party self-assessment annual reporting tool – SPAR). Cette déclaration inclut vingt-quatre items pondérés en un score global compris entre 0 et 100, 100 attestant d’une forte préparation à affronter rapidement une épidémie. Ces indicateurs décrivent la législation, l’adhésion aux référentiels de l’OMS, le savoir-faire des laboratoires, le personnel médical, l’organisation des urgences, la sécurité alimentaire, le niveau d’équipement des centres de soins ou encore la communication publique.

Les chercheurs ont également tenu compte du score IDVI (pour Infectious Disease Vulnerability Index) également noté sur 100, 0 correspondant à une extrême vulnérabilité et 100 à la plus faible vulnérabilité. L’IDVI tient compte de facteurs non directement liés au système sanitaire mais pouvant influer sur la réponse apportée à une épidémie : l’importance de la population, le niveau socio-économique ou encore la stabilité politique.

Ainsi, des scores IDVI et SPAR élevés sont indicatifs d’un pays peu vulnérable à l’épidémie et bien préparé pour y répondre.

Les résultats montrent que l’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud sont les pays les plus exposés au risque d’importation du virus en Afrique en raison d’échanges commerciaux plus importants avec la Chine. En revanche, leurs scores SPAR et IDVI sont parmi les meilleurs du continent, ce qui permet d’espérer une détection et un confinement plus efficaces du virus. D’autres pays, notamment le Nigeria, l’Éthiopie, le Soudan, l’Angola, la Tanzanie, le Ghana ou encore le Kenya, présentent eux un risque plus faible d’importation du virus mais leurs scores SPAR et IDVI sont moins bons, faisant craindre la non-détection des possibles cas importés et une propagation locale, voire nationale.

Enfin, les chercheurs ont regroupé les pays africains à risque en trois groupes selon les liaisons aériennes de provinces chinoises spécifiques avec ces pays. Ainsi, un premier groupe comprenant 18 pays serait plus vulnérable en cas d’épidémie majeure dans la province de Pékin, un second comprenant 7 pays serait davantage exposé en cas de forte croissance de l’épidémie dans la province de Guangdong et un troisième groupe comprends deux pays risquant une importation uniquement depuis la province de Fujian.

« Ce travail permet de se projeter en fonction de l’évolution de la situation en Chine. Il permet aussi d’alerter les pays les plus exposés sur la nécessité de se préparer à l’éventualité d’introduction du virus. Or, on voit bien la difficulté de détecter rapidement les cas importés à l’étranger, y compris dans les pays développés. Pour plusieurs pays africains ayant de faibles ressources pour gérer une épidémie, les risques sont importants de ne pas disposer de l’organisation et des infrastructures pour la détection, le confinement, la prise en charge des malades, ce qui fait craindre un risque d’épidémie sur le continent », conclut Vittoria Colizza.

Contact chercheurs

Vittoria Colizza

Directrice de recherche Inserm - Unité 1136 Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique

Equipe « Maladies transmissibles : surveillance et modélisation » (SUMO)

+33 (0)1 44 73 84 59

Marius Gilbert

Laboratoire d’Epidémiologie spatiale, SPELL - Université libre de Bruxelles, ULB

+32 (0)2 650 37 80


Sources

Preparedness and vulnerability of African countries against importations of COVID-19: a modelling study

Marius Gilbert1,2,*, Giulia Pullano3,4, Francesco Pinotti3, Eugenio Valdano5, Chiara Poletto3, Pierre-Yves Boëlle3, Eric D’Ortenzio6,7, Yazdan Yazdanpanah6,7, Serge Paul Eholie8.9, Mathias Altmann10,11, Bernardo Gutierrez12, Moritz U.G. Kraemer12,13,14,*, Vittoria Colizza3

 

1 Spatial Epidemiology Lab (SpELL), Université Libre de Bruxelles, Brussels, Belgium

2 Fonds National de la Recherche Scientifiques, Brussels, Belgium

3 Insem, Sorbonne Université, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, IPLESP, Paris, France

4 Sociology and Economics of Networks and Services lab at Orange Experience Design Lab (SENSE/XDLab) Chatillion, Paris, France

5 Center for Biomedical Modeling, The Semel Institute for Neuroscience and Human Behavior, David Geffen School of Medicine, University of California Los Angeles, Los Angeles, United States

6 Université de Paris, IAME, Inserm, F-75018 Paris, France

7 Bichat Claude Bernard Hospital, APHP, Paris, France

8 Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, Centre Hospitalier Universitaire de Treichville, Abidjan, Côte d'Ivoire

9 Département de Dermatologie-Infectiologie, Unité de Formation et de Recherche des Sciences Médicales, Université Félix Houphouet-Boigny, Abidjan, Côte d'Ivoire

10 IDLIC - Maladies infectieuses dans les pays à ressources limitées, Inserm U1219, Bordeaux, France

11 Bordeaux Population Health, University of Bordeaux, France

12 Department of Zoology, University of Oxford, Oxford, UK

13 Harvard Medical School, Harvard University, Boston, United States

14 Computational Epidemiology Group, Boston Children’s Hospital, Boston, United States

*equal contribution


The Lancet : https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30411-6