• Communiqué de presse

Le télescope spatial James-Webb révèle le rôle central des galaxies de faible masse dans le processus de réionisation de l’Univers

Le télescope spatial James-Webb (JWST), développé par la NASA et l’ESA, vient d’obtenir les premiers spectres de galaxies de très faible masse moins d’un milliard d’années après le Big Bang. Une prouesse technologique rendue possible par la combinaison unique de la sensibilité du JWST et de l’effet de lentille gravitationnelle de l’amas Abell 2744 : les galaxies proches agissent comme des loupes cosmiques, déformant l’espace et amplifiant la lumière des galaxies d’arrière-plan. En démontrant que les petites galaxies sont très probablement à l’origine de la réionisation de l’univers, cette découverte représente une percée majeure dans notre connaissance du cosmos. Les résultats ont été décrits par une équipe de recherche internationale impliquant l’Institut d’Astrophysique de Paris (Sorbonne Université / CNRS) dans un article paru dans Nature le 28 février 2024. 

  • Hakim Atek, astrophysicien à Sorbonne Université, chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris

La réionisation, survenue environ 500 à 900 millions d'années après le Big Bang, marque une période cruciale de l'histoire de l'Univers, succédant à celle de la recombinaison. Elle représente la transformation de l'hydrogène neutre, qui prédominait dans l'Univers, en gaz ionisé. L'identification des sources responsables de cette réionisation cosmique a donné lieu à diverses hypothèses. Parmi celles-ci, les trous noirs supermassifs contenant des disques d’accrétion de gaz qui éjectent un rayonnement très énergétique ; les grosses galaxies dont la masse excède le milliard de masses solaires, ou alors les petites galaxies dont la masse est inférieure à un milliard de masses solaires. La confirmation de l'hypothèse liée aux galaxies de faible masse s'est avérée particulièrement ardue en raison de leur faible luminosité.

Pour la première fois, une équipe de recherche internationale impliquant l’Institut d’Astrophysique de Paris (Sorbonne Université / CNRS) a réussi à percer le mystère en obtenant des observations spectroscopiques de ces galaxies au cours de la période de réionisation. En analysant ces galaxies de très faible masse, comparables aux galaxies naines de l'Univers local, les scientifiques ont démontré que les petites galaxies ont joué un rôle prépondérant dans la réionisation cosmique. La combinaison des observations profondes du télescope JWST et de l'amplification par lentille gravitationnelle de l'amas de galaxies Abell 2744 permet aujourd’hui de déterminer l’abondance des petites galaxies et leurs propriétés ionisantes au cours du premier milliard d'années de l'Univers.

Hakim Atek, astrophysicien à Sorbonne Université et chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris est le premier auteur de cette étude. Il explique : « Nous avons constaté que les petites galaxies sont environ cent fois plus nombreuses que les galaxies massives durant cette époque de réionisation de l’Univers. Ces observations inédites révèlent également que ces petites galaxies ont produit une quantité considérable de photons ionisants, dépassant de quatre fois les valeurs canoniques habituellement supposées pour les galaxies lointaines. Cela signifie que le flux total de photons ionisants émis par ces galaxies dépasse largement le seuil nécessaire pour la réionisation. » 

Les chercheuses et chercheurs souhaitent désormais étendre cette étude à plus grande échelle afin de confirmer que cet endroit particulier est représentatif de la distribution moyenne des galaxies dans l’Univers. 
Au-delà du processus de réionisation, leurs observations sont essentielles pour comprendre la formation des toutes premières galaxies, qui, plus de 12 milliards d’années plus tard, constitueront nos galaxies actuelles.

L'amas de Pandora (Abell 2744) utilisé comme loupe pour étudier les galaxies les plus faibles à l'époque de la réionisation. Cette image en couleur du JWST montre des amas de galaxies dans un clair brillant, tandis que les galaxies lointaines en arrière-plan sont rouges et souvent déformées par l'effet de lentille gravitationnelle. Crédits : (NASA, ESA, CSA, I. Labbe (Swinburne University of Technology), R. Bezanson (University of Pittsburgh), H. Atek (IAP), A. Pagan (STScI)