• Communiqué de presse

Faut-il remettre en cause le principe cosmologique ?

Paris, le 15 mars 2021

Une équipe de recherche internationale réunissant deux chercheurs de l’Institut d’Astrophysique de Paris (Sorbonne Université/CNRS) a participé à la découverte d'un résultat qui interroge sur la validité du modèle cosmologique standard, voire du principe cosmologique, supposant qu’ « à grande distance l'Univers est homogène et isotrope ». Ces travaux ont été publiés le 20 février 2021 dans la revue Astrophysical Journal Letters.

En 1964, la découverte fortuite du fond diffus cosmologique, aussi appelé Cosmic Microwave Background (CMB) — un rayonnement électromagnétique produit au tout début de l'Univers — a confirmé la théorie du Big Bang : l’origine de notre Univers il y a environ 14 milliards d’années. Dans ce modèle cosmologique, il est supposé qu’à grande échelle, l’Univers présente les mêmes caractéristiques (il est dit homogène et isotrope).

Si les premières données semblaient effectivement montrer une intensité identique de ce rayonnement dans toutes les directions, des observations plus précises ont révélé une asymétrie dipolaire d’environ 1 partie sur 1 000 dans la distribution de la température du CMB.
Cette faible asymétrie a toujours été attribuée au mouvement du repère lié au soleil par rapport au repère cosmique dans lequel le CMB est vraiment isotrope. La cause de ce mouvement résulterait d'effets gravitationnels inhomogènes locaux dus aux grands superamas de galaxies. Un test clé de cette hypothèse est qu’un dipôle similaire devrait être observé dans la distribution de lointaines sources cosmologiques.

Si les premières investigations à l’aide d’un catalogue d’environ 600 000 radiogalaxies1 ont bien mis en évidence un tel dipôle dans la même direction que celui du CMB, la vitesse de l'observateur, à l'origine de ce dipôle, est beaucoup plus élevée que prévu.

Pour confirmer cette curieuse anomalie, les chercheurs ont extrait, d’un relevé infrarouge fourni par les missions spatiales WISE et NEOWISE, un nouveau catalogue « ciel complet » de 1 355 352 quasars2.
Ce nouvel outil a permis à l’équipe de recherche de confirmer une valeur du dipôle anormalement élevée, mais cette fois avec une très grande probabilité3. Cette anomalie maintenant confirmée pourrait conduire à une réévaluation fondamentale du modèle cosmologique standard.

Répartition sur le ciel de la densité de 1 355 352 quasars issus du catalogue CatWISE. Des masques ont été appliqués et représentés ici par des zones blanches pour supprimer les sources locales (plan de la Galaxie) ou en raison de la baisse de sensibilité de l'identification des sources. Le dipôle symbolisé par les couleurs rouge et bleu est clairement visible.

 1 Catégorie de galaxies émettant essentiellement dans le domaine de rayonnement radio.
 2 Sources extrêmement lumineuses situées à des milliards d'années-lumière.
3 Ce résultat a 5 chances sur 10 millions d'être dû au hasard, les physiciens parlent alors d'une probabilité de 4,9 s

Référence

A Test of the Cosmological Principle with Quasars, Nathan J. Secrest, Sebastian von Hausegger, Mohamed Rameez, Roya Mohayaee, Subir Sarkar and Jacques Colin, The Astrophysical Journal Letters, 20 February 2021.
DOI : https://doi.org/10.3847/2041-8213/abdd40