• Communiqué de presse

Découverte d’extraits d’un catalogue astronomique perdu

Des chercheurs du CNRS, de Sorbonne Université et de la Tyndale House affiliée à l’Université de Cambridge viennent de retrouver des fragments du catalogue d’étoiles composé par l’astronome grec Hipparque au cours du IIe siècle avant notre ère. Ces textes avaient été effacés d’un manuscrit pour en réutiliser des pages à l’époque médiévale et ont pu être mis au jour grâce aux technologies d’imagerie multispectrale. L’étude de ces extraits, publiée dans le Journal for the History of Astronomy le 18 octobre 2022, apporte un éclairage nouveau sur l’astronomie dans l’Antiquité.

Les vieux grimoires peuvent renfermer des secrets convoités, même par les esprits les plus cartésiens. A l’exemple de fragments d’un traité astronomique antique perdu depuis des siècles : le catalogue d’étoiles d’Hipparque. Rédigé entre -170 et -120 avant notre ère par l’astronome grec Hipparque, il s’agit de la plus ancienne tentative connue dans l’histoire de l’humanité de déterminer précisément les positions des étoiles fixes en leur associant des coordonnées numériques.

Ce texte n’était connu qu’au travers des écrits de Claude Ptolémée, un autre astronome antique ayant composé son propre catalogue près de 400 ans après Hipparque, jusqu’à maintenant. Des chercheurs du Centre Léon Robin de recherche sur la pensée antique (CNRS/Sorbonne Université) et leur collègue britannique de la Tyndale House à Cambridge viennent de déchiffrer les descriptions de quatre constellations venues du catalogue d’étoiles d’Hipparque.

Cette découverte provient du Codex Climaci Rescriptus1, un ouvrage constitué de parchemins effacés et réutilisés pour réécrire par-dessus, également appelé palimpseste. Par le passé, ce Codex contenait un poème astronomique en grec ancien avec, parmi les éléments de commentaire de ce poème, des fragments du catalogue d’Hipparque.  Ce texte effacé à l’époque médiévale a pu être révélé grâce à l’imagerie multispectrale2 réalisée sur le palimpseste par l’équipe de l’Early Manuscripts Electronic Library, du Lazarus Project et du Rochester Institute of Technology. ».

Les fragments du catalogue d’étoiles sont les plus anciens connus à ce jour et apportent des avancées majeures dans sa reconstruction. Ils permettent tout d’abord de réfuter une idée répandue, qui voudrait que le catalogue d'étoiles de Claude Ptolémée ne soit qu’une « copie » de celui d'Hipparque, car les observations des quatre constellations sont différentes. En outre, les données d’Hipparque sont vérifiées au degré près, ce qui rendrait son catalogue nettement plus précis que celui de Ptolémée, bien qu’il ait été composé plusieurs siècles avant.

Pour l’équipe de recherche, cette découverte majeure apporte un éclairage nouveau sur l’histoire de l’astronomie dans l’Antiquité, et sur les débuts de l’histoire des sciences. Surtout, elle illustre également la puissance des techniques de pointe, comme l’imagerie multispectrale, dont l’application à des palimpsestes illisibles pourrait sauver de l’oubli des textes de philosophie, de médecine ou d’horticulture disparus.

Un feuillet du Codex Climaci Rescriptus. © Peter Malik
Un feuillet du Codex Climaci Rescriptus © Peter Malik
Notes
[1] Le Codex Climaci Rescriptus est conservé au Museum of the Bible à Washington DC (États-Unis) et provient vraisemblablement du monastère de Sainte-Catherine du Sinaï (Égypte), un des plus anciens monastères du monde encore en activité. Il est composé notamment de feuillets issus d’un manuscrit grec du Ve ou VIe siècle de notre ère.
[2] L’imagerie multispectrale consiste à mesurer la lumière renvoyée par un objet à différentes longueurs d’onde du spectre électromagnétique, au moyen d’éclairages artificiels et de capteurs à haute dynamique. Les données ainsi recueillies sont ensuite traitées informatiquement pour en extraire les informations pertinentes, par exemple les traces d’écriture effacées, et les présenter sous forme d’images.

 

Référence :

New Evidence for Hipparchus' Star Catalogue Revealed by Multispectral Imaging. Victor Gysembergh, Peter J. Williams et Emanuel Zingg. Journal for the History of Astronomy, le 18 octobre 2022. DOI:10.1177/00218286221128289