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Cécile Guieu

Directrice de recherche CNRS au laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer

J'ai toujours voulu faire progresser la connaissance scientifique.

Spécialiste en biogéochimie marine, Cécile Guieu cultive un appétit pour les sciences depuis son plus jeune âge. Celle qui a co-coordonné le projet et l’expédition océanographique Tonga en 2019 poursuit ses recherches sur l’océan Pacifique au sein du laboratoire d’océanographie de l’Institut de la Mer de Villefranche-sur-Mer (Sorbonne Université/CNRS).

Les sciences ? Une affaire de famille pour Cécile Guieu dont les parents étaient tous deux naturalistes : « Quand j’étais enfant, on se baladait beaucoup, en famille, dans la nature. Mon père, passionné de géologie, m’apprenait comment les paysages se forment et ma mère m’expliquait quelles étaient les plantes que l'on trouvait en chemin ». C’est en Afrique que la jeune Cécile s’intéresse plus particulièrement au pouvoir de l’eau. Elle n’a alors que 9 ans. « Nous avons suivi mon père, muté à Dakar. C’est là-bas que j'ai pris conscience de l’importance de l'eau. J’ai voulu être hydrogéologue pour construire des puits et pouvoir aider les gens à avoir de l’eau... ». Un métier étonnant à l’âge où de nombreux enfants rêvent plutôt d’être médecin ou star de cinéma !

Chemin faisant, Cécile Guieu s’oriente en tout logique vers les sciences naturelles. « C’est une succession de rencontres et d’opportunités qui m’ont amené de la géologie à la biogéochimie marine, raconte-t-elle. Dès que j’ai mis les pieds dans l’eau, je ne les ai plus enlevés ! J’apprécie mon parcours académique, car tout est lié… Je vois la science comme un ensemble de modules imbriqués ».

Bac scientifique en poche, Cécile Guieu part étudier pendant deux ans la biologie et la géologie à Aix-Marseille Université, passe sa licence et maîtrise en sciences de la terre et de l’eau à l’université de Montpellier, et finit son cursus avec un doctorat à Sorbonne Université, qu’elle obtient en 1991, dans un domaine tout nouveau à l'époque : l'importance des dépôts atmosphériques de nutriments dans les cycles biogéochimiques océaniques.

« J’ai toujours voulu faire progresser la connaissance scientifique. C’est fascinant de savoir qu'il reste tant à découvrir, d’autant plus aujourd'hui dans un contexte de changement climatique. L’océan est en pleine mutation », expose la chercheuse. Au sein du laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV) où elle officie en tant que directrice de recherche CNRS, Cécile Guieu concentre une partie de ses travaux sur l'impact des sources hydrothermales peu profondes sur l’activité biologique du plancton dans les eaux de surface de l’océan Pacifique. Tout un programme ! Elle explique : « Une grande partie de cet océan est un véritable désert marin, c'est-à-dire que l’activité biologique y est très faible. Or dans ce désert marin, on observe de véritables oasis de vie. Mon travail, c'est d’essayer de comprendre si des éléments nutritifs - en particulier le fer - amenés par des sources hydrothermales peu profondes permettent de soutenir les floraisons intenses de phytoplancton. Ces petits organismes sont très importants puisqu’ils fixent du CO2 atmosphérique dont une partie va être stockée au fond de l'océan ».

À la recherche des volcans sous-marins

Pour étudier ce phénomène, quoi de mieux que de se rendre sur le terrain ! En 2015, Cécile Guieu embarque sur la mission OUTPACE au cours de laquelle elle mesure, de façon inattendue, dans les eaux de surface du sud-ouest Pacifique, de très fortes concentrations en fer, un élément chimique indispensable au développement du phytoplancton. 
Afin de confirmer cette hypothèse, elle monte, quatre ans plus tard, la mission Tonga avec Sophie Bonnet, son ancienne étudiante en thèse et maintenant directrice de recherche IRD à l'Institut méditerranéen d'océanologie (MIO Aix-Marseille Université/CNRS/ IRD/Université de Toulon). 

Fin 2019, les deux scientifiques entourées d’une équipe internationale d’une trentaine de chercheurs, ingénieurs et étudiants embarquent sur L’Atalante, un navire de la Flotte océanographique française. Ensemble, ils vont parcourir 6 000 km entre Nouméa et l’Arc volcanique des Tonga afin d’étudier le rôle des fluides émis par les volcans sous-marins sur les micro-algues vivant dans les eaux de surface de l’océan et sur la capacité de l’océan à piéger le dioxyde de carbone de l’atmosphère. « On a pu mesurer un grand nombre d'éléments chimiques, dont le fer, mais aussi des stocks et des flux biologiques. Il y a un véritable puits de carbone dans cette zone de l'océan Pacifique  », souligne Cécile Guieu.
La campagne en mer n’aura duré « que » 36 jours, mais une ligne de mouillage ancrée dans la zone d’étude a permis de suivre, pendant un an, la capacité de cet océan à séquestrer du CO2. Une première dans cette zone !

En parallèle, dans le cadre du projet éducatif Adopt a Float porté par la médiatrice scientifique Carolyn Scheurle, des robots de type flotteurs-profileurs largués durant la campagne océanographique ont été adoptés par deux classes en Nouvelle-Calédonie et aux Émirats arabes unis où Cécile Guieu était alors en déplacement. 

Si la chercheuse a désormais posé ses valises à Villefranche-sur-Mer, elle compte repartir en expédition prochainement, les résultats de l’expédition Tonga soulevant d’autres questions scientifiques. « J’adore travailler sur un bateau. Pendant une expédition, on a l'expertise, le matériel, les échantillons en direct et tout notre temps est consacré à un objectif unique, muri de longue date. À terre, c’est très différent », conclut-elle.

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