Camille Racca

Camille Racca

Étudiante en médecine et présidente de l'association "DRAW YOUR FIGHT"

À travers les dessins que j’expose j’essaie de faire comprendre les maux des personnes et les répercussions de leur handicap dans des situations de la vie courante

À  23 ans, Camille Racca incarne la détermination face à l'adversité. Etudiante en 6e année de médecine et fondatrice de l'association "DRAW YOUR FIGHT", elle se bat pour donner à voir le handicap invisible, une cause qu'elle connaît intimement depuis l'âge de 16 ans.

Le parcours de Camille Racca débute avec la découverte précoce du monde du soin et du handicap. Avec une incapacité reconnue de 50 à 79%, Camille vit avec des douleurs chroniques suite à une opération chirurgicale subie à l’âge de 16 ans. À l'adolescence, elle est confrontée à l'errance et aux violences médicales, une expérience qui forge sa volonté de devenir médecin pour éviter à d'autres les épreuves qu'elle a endurées. Malgré les doutes émis par certains sur la faisabilité de poursuivre des études de médecine avec son handicap, elle réussit brillamment le concours de PACES dès la première année.

« Sans aménagement je n'aurai pas pu faire mes études. L'université offre des aménagements essentiels, souligne-t-elle, avec des horaires adaptés et l'exemption de gardes ». Mais malgré cela, le choix de sa spécialité reste une délicate équation entre passion et contraintes liées au handicap : « J’ai obtenu un classement qui me permet de choisir la spécialité que je veux où je veux, mais je sais qu’en internat il est difficile d’obtenir des aménagements adaptés. Je suis donc obligée de renoncer aux spécialités qui me plaisent particulièrement, comme la médecine interne, au profit d’autres avec des horaires plus facilement aménageables. »

Dessiner les maux invisibles

Depuis plusieurs années, Camille transcende ses douleurs par sa passion pour le dessin, devenu un refuge et un moyen d'expression. Elle utilise son talent pour sensibiliser, illustrer les maux invisibles et surmonter les préjugés. Il y a quatre ans, elle a lancé le projet "Draw Your Fight" pour mettre en lumière le quotidien de ceux qui vivent avec des maux invisibles. Avec un compte Instagram dépassant les 20 000 abonnés, elle a fait évoluer son projet, en 2022, en association rassemblant aujourd’hui plus de 40 bénévoles à travers toute la France. Son objectif : sensibiliser aux handicaps invisibles et accompagner les personnes touchées et leurs proches aidants. « Les gens ne se rendent pas compte du handicap parce qu'il est invisible¸ explique-t-elle. Pouvoir le dessiner aide à briser les tabous en l’abordant de façon simple. »

L'association "DRAW YOUR FIGHT" produit des livrets d'information et des outils de médiation avec des professionnels de santé. Elle organise des campagnes de sensibilisation sur la douleur chronique ou encore des tables rondes coanimées par des soignants et des patients pour libérer la parole. « Nous avons déjà animé 8 tables rondes cette année dans différents hôpitaux. Nous avons aussi développé des cercles de paroles et nous collaborons avec des soignants autour de l'éducation thérapeutique afin d’aider les patients à mieux comprendre leur maladie, mieux la vivre, et se sentir moins seul. » L’association forme aussi les professionnels de santé au handicap invisible afin qu’ils dépassent les préjugés et qu’ils accompagnent au mieux les patients, notamment dans leurs démarches administratives.

Illustration de Camille Racca

Illustration de Camille Racca

En parallèle, Camille Racca a créé une exposition itinérante intitulée "Les Reflets du Handicap Invisible" qui retranscrit, à travers des illustrations, les témoignages de personnes en situation de handicap invisible. Lancée en mai 2023, l’exposition a déjà été installée dans dix villes en France et dans plusieurs entreprises. « À travers les dessins que j’expose j’essaie de faire comprendre les maux des personnes et les répercussions de leur handicap dans des situations de la vie courante – études, famille, quotidien... Le but est de partager la réalité du terrain pour que les choses s'améliorent.  Nous essayons aussi de sensibiliser les entreprises aux difficultés d'insertion professionnelle des personnes handicapées et à l’importance de mettre en place pour elles des aménagements », souligne-t-elle.

L’engagement de Camille l'a amenée à participer à des congrès médicaux, mais aussi à intervenir à l'Assemblée. En 2024, elle ambitionne de créer un colloque sur les maux invisibles en intégrant davantage les patients dans les débats médicaux. « Les patients experts ont cette capacité à apporter une connaissance de la vie de tous les jours, des traitements, du poids de la maladie... qui est précieuse pour les autres patients, mais aussi pour les soignants », précise-t-elle.

L’étudiante intervient également dans différentes universités pour des campagnes de sensibilisation. « Certains établissements ne disposent même pas de services dédiés au handicap, déplore-t-elle. Dans le monde des études supérieures, il est rare de parler du handicap. Il faut rappeler que seulement 4 femmes sur 10 en situation de handicap sont en activité, et parmi elles, seulement 7% occupent des postes de cadres ou de professions intellectuelles supérieures. » Pour Camille Racca, les universités ont donc un rôle majeur à jouer en tant que tremplins vers l'insertion professionnelle. « Sensibiliser celles et ceux qui seront les futurs dirigeants, managers d'entreprises, chefs de service, etc., c'est favoriser à l’avenir une meilleure insertion professionnelle des personnes en situation de handicap », défend-elle.

Malgré la difficulté à mener de front cours, stages, rendez-vous médicaux et travail associatif, Camille Racca s’est ouvert de nouveaux horizons, grâce à son combat, en côtoyant des médecins, en rencontrant des patients, en se formant à l'éducation thérapeutique… « Il a fallu que je créé cette association pour que je rencontre des personnes comme moi atteinte de douleur chronique. Aujourd’hui, avec ce projet, j’ai un vrai sentiment d'utilité qui m’aide au quotidien à aller au bout de mes études et même d’envisager une thèse en science », conclut-elle.