Borna Scognamiglio

Borna Scognamiglio

Égyptologue et startuper

J’ai pitché devant deux Présidents de la République : Francois Hollande et Emmanuel Macron.

Alumnus en égyptologie à la faculté de Lettres, Borna Scognamiglio a lancé en 2016 sa startup Pixis. Son ambition : mettre l’intelligence artificielle au service de l’orientation scolaire.

Au milieu des babyfoots, des sculptures de Murakami et de Jeff Koons, et des bruits de flippers, c’est dans le Share, la partie de la station F ouverte au public, que nous attend Borna Scognamiglio. Voilà un an que cet Italo-croate de 31 ans arpente l’immense nef de béton aux allures futuristes qui abrite, dans ses alvéoles de verre, la plus grande pépinière de startups du monde, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Pourtant, rien ne prédestinait cet égyptologue de formation à devenir l’un des startuppers les plus en vogue de cette ruche hyperconnectée.

De Naples à Champollion

Originaire de Naples, non loin des sites de Pompéi et d’Herculanum, Borna s’intéresse très tôt à l’archéologie. Issu d’une génération de médecins, il rompt avec la tradition familiale pour suivre à Lecce une double licence en lettres et en histoire de l’art et archéologie qu’il complète par une formation en management de la culture. Sa passion pour le Moyen-Orient, les voyages et l’expédition napoléonienne l’amène à se spécialiser en égyptologie. Un goût pour les fouilles qu’il confirme dès sa deuxième année de licence lors d’une mission archéologique en Egypte. « Je suis retourné en Egypte au moins treize fois, notamment en 2011 lorsque la révolution arabe a éclaté, se souvient le trentenaire. Alors en mission avec l’université de New-York, nous avons été exfiltrés vers Dubaï à bord d’un jet privé affrété par Hillary Clinton. J’en garde un souvenir très cinématographique. »

Plutôt qu’Hollywood, Borna se tourne vers la langue de Champollion et choisit de passer 6 mois en Erasmus dans ce qu’il considère comme l’un des temples de l’égyptologie : la Sorbonne. Il arrive à Paris le 21 janvier 2010 par le train de nuit avec, dans sa valise, une grammaire de français des années 1970 qu’il avait achetée chez un bouquiniste du Caire. Troquant son vieux manuel pour des cours intensifs de langue, il s’intègre facilement à la vie parisienne et décide d’y rester pour suivre un master au centre de recherches égyptologiques de Sorbonne Université. « C’était une véritable fierté pour moi d’étudier à la Sorbonne, de parcourir ses couloirs chargés d’histoire, d’admirer ce bâtiment mythique et de côtoyer d’éminents égyptologues », se rappelle Borna.

N'envisageant pas alors d’autres perspectives que la recherche, il décroche, en 2013, une bourse doctorale.

Borna Scognamiglio

Borna Scognamiglio © Sorbonne Université - Pierre Kitmacher

Des bancs de Sorbonne Université au jardin d’hiver de l’Elysée

Mais c’était sans compter sur ses amis startuppers qui lui instillent une curiosité grandissante pour l’innovation. Au bout de quelques mois, le virus de l'entrepreneuriat commence à incuber en lui. En autodidacte, il se forme au marketing, à la gestion de projet, au management. Puis, il intègre les cours du soir de l'ESCP où il rencontre, tous les jeudis, des managers, des chefs d'entreprise et d'autres chercheurs. Parmi eux, il fait la connaissance de Wissam Sammouri, un docteur en data mining libanais qui deviendra son premier associé.

Dans la perspective d’aider les jeunes diplômés à concrétiser leurs projets de création d'entreprise, se créé au même moment à Sorbonne Université un Pôle étudiant pour l'innovation, le transfert et l'entrepreneuriat (Pépite). Il est le premier étudiant à en franchir la porte. Pour l’aider à développer son esprit d’entreprendre, les référentes entreprenariat de la faculté des Lettres, en partenariat avec Agoranov et la Satt Lutech, lui proposent un bootcamp militaire. Une expérience décisive pour le jeune égyptologue. « Cela m’a permis d’apprendre à gérer mon stress dans des situations d’urgence, à collaborer efficacement, à développer des compétences de créativité, mais aussi de résilience », explique Borna.

Pixis : l’intelligence artificielle au service de l’orientation scolaire

Quelques mois plus tard, germe, chez Borna, l’idée de mettre l’intelligence artificielle au service de l’orientation scolaire. « La question de l’orientation chez les jeunes est compliquée et stressante, constate le startupper. Lorsque je donnais des cours magistraux pendant mon doctorat, j’ai vu de nombreux étudiants abandonner leur formation dès la première année. »

Avec son associé, Wissam Sammouri, développeur et enseignant, il partage cette même observation et décide de monter le projet « MeshUp Education », une plateforme pour faire « matcher » les compétences des étudiants avec la demande des entreprises. En 2015, ils postulent avec 700 autres candidats, au French Tech Ticket, un programme pour aider les entrepreneurs étrangers à lancer leur startup en France. MeshUp qui s’appellera bientôt Pixis, « boussole » en grec, fait partie des 23 lauréats et obtient une subvention de 75 000 euros. Cerise sur le gâteau, les deux jeunes entrepreneurs se retrouvent à présenter leur projet, le 4 mars 2016, dans le jardin d’hiver de l’Elysée. « J’ai pitché devant deux Présidents de la République : Francois Hollande et Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Économie. Après cela, je me dis que je peux parler devant n’importe qui », sourit Borna.

La machine Pixis est lancée et compte bientôt deux nouveaux associés. Avec eux, ils développent un moteur de recherche interactif, la galaxie des métiers, pour aider les jeunes à se repérer dans les milliers de formations et de professions disponibles. L’originalité de cette plateforme ? Associer à la description des métiers plus de 10 000 articles de presse et vidéos en lien avec les 17 objectifs de développement durable de l’ONU. « Grâce à ces exemples inspirants, nous espérons créer une étincelle chez les jeunes et faire tomber leurs stéréotypes en leur montrant qu’un boulanger comme un astrophysicien, peut avoir un impact sur la société, indique le résident de la station F. Nous voulons les aider à définir qui ils sont vraiment et quel rôle ils veulent jouer dans le XXIe siècle. »

Pour aider les jeunes à mieux se connaitre et évaluer leurs compétences, Borna et ses collaborateurs travaillent depuis un an sur le développement d’un assistant conversationnel, Pixie. Régulièrement enrichi par les retours des ateliers autour de l’orientation qu’organise la startup dans les écoles, ce chatbot propose un bilan d’orientation entièrement accessible sur smartphone et axé sur le développement personnel.

Toujours à l’affût des dernières créations pédagogiques, Borna et ses associés ont levé cette année 1,7 million d'euros pour travailler avec des ONG sur les Open Badges, un système de badges numériques permettant de certifier les compétences informelles (réalisations, engagements, valeurs, etc.) des étudiants.

Un ticket d’entrée pour l’exposition universelle Dubaï 2020

Toutes ces innovations, Borna compte bien les mettre en avant lors de l’Exposition universelle de Dubaï 2020 dont le thème « Connecter les esprits, construire le futur » semble écrit pour lui. « Pixis est la seule startup française lauréate de l’Innovation Impact Grant, un programme de financement en lien avec l’Expo 2020 Dubaï qui nous a permis de recevoir 100 000 dollars pour développer notre activité », détaille-t-il.

Lauréate de nombreux prix dont l’European Youth Awards décerné par la Commission Européenne, Pixis vient de décrocher une place dans l’Impact AI, un collectif de 38 entreprises porté par Microsoft France autour de l’intelligence artificielle et du code pour tous. Dans ce cadre, les jeunes entrepreneurs pourront compter sur un mécénat de compétences de leur mentor Cap Gemini pour continuer à innover en matière d’orientation. 

Les grandes dates

1987 : Naissance à Naples
2009 : Licence d'histoire de l’art et d’archéologie à l'université de Lecce
21 janvier 2010 : Arrivée à Paris
2012 : Master 2 en égyptologie à Sorbonne Université
2015 : Lauréat du French Tech Ticket
2016 : Lancement de Pixis
2019 : Levée de fonds de 1,7 million d'euros
2020 : Expo 2020 Dubaï