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Covid-19. Entretien avec Anne-Geneviève Marcelin, professeure en virologie

Professeure à la faculté de Médecine et virologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

. Covid-19. Entretien avec Anne-Geneviève Marcelin, professeure en virologie

Anne-Geneviève Marcelin est également chercheuse à l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (IPLESP) où elle co-dirige l’équipe TheraVir dédiée aux stratégies thérapeutiques de l'infection par le VIH et des maladies virales associées. Avec son équipe, elle a réorienté ses forces sur les recherches liées au Covid-19.

L’équipe que vous codirigez travaille sur le VIH. Comment s’est-elle mobilisée dans la lutte contre le Covid-19 ?

Anne-Geneviève Marcelin : Avec l'arrivée de l'épidémie, nous avons recentré nos activités de recherche sur le Sars-CoV-2, le virus responsable du Covid-19. En tant que virologue, j’ai très vite été impliquée dans le diagnostic de l'infection chez les patients et mes autres collègues cliniciens, infectiologues et cancérologues, ont également été mobilisés à l’hôpital auprès des malades. Le fait que notre équipe de recherche réunisse des profils très différents (virologues, infectiologues, cancérologues, épidémiologistes, statisticiens) est une force. Cette pluridisciplinarité permet de développer une recherche translationnelle allant des études in vitro aux essais cliniques en passant par des stratégies de santé publique.

Grâce à cette interaction disciplinaire, nous avons pu mettre en place très rapidement, au sein de l’équipe, des recherches sur le Covid-19 que ce soit via le développement de modèles murins, d’études physiopathologiques chez l'homme ou d’essais cliniques. Le centre de méthodologie et de gestion de l’agence nationale de recherches sur le Sida et les hépatites virales (ANRS), qui fait partie de notre équipe, est d’ailleurs en charge de la conduite et de la méthodologie de plusieurs essais cliniques en cours. 

Le projet Pathocov que vous codirigez avec Danielle Seilhan a été sélectionné suite à l’appel à projet dédié au Covid-19 lancé par la faculté de Médecine et financé par Sorbonne Université. Pouvez-vous nous expliquer ses objectifs ?  

A.-G. M. : Au fil du temps, nous nous apercevons que les symptômes du Covid-19 sont extrêmement variés. En plus de la fièvre, la plupart des patients toussent et ont une gêne pour respirer témoignant de la présence du virus dans les poumons. Mais les données cliniques montrent que certains patients présentent également des symptômes non respiratoires, tels que des atteintes rénales, cardiaques ou encore des signes neurologiques comme la perte du goût ou de l’odorat. Des atteintes cutanées sont également décrites. Ces éléments impliquent que le virus pourrait donc envahir d’autres organes. 

Pour mieux comprendre l’origine de ces troubles engendrés par le Covid-19, nous avons monté, avec la neuropathologiste Danielle Seilhan, le projet Pathocov qui vient de démarrer. Il s’agit d’une étude physiopathologique dont l’objectif est d’identifier la présence ou non du virus dans différents organes, à partir de prélèvements post-mortem sur différents tissus (poumon, cœur, rein, foie, cerveau, etc.) de patients décédés du Covid-19. 

Nous allons en particulier étudier la présence du virus dans le système nerveux central et notamment dans le bulbe olfactif et les différents centres de contrôle de la respiration. Nous espérons ainsi analyser les causes des atteintes neurologiques liées au virus.

Quelles hypothèses pourraient expliquer pourquoi, parmi les personnes sans facteurs de risque atteintes du Covid-19, certaines ont des formes bénignes tandis que d’autres développent des formes graves ? 

A.-G. M. : Nous ne savons pas encore pourquoi certains patients vont développer une forme grave de la maladie alors qu’ils ne présentent pas de comorbidités particulières au départ, comme l’obésité, le diabète, une maladie cardiovasculaire, une insuffisance respiratoire, etc. 

La réponse immunitaire, c’est-à-dire la façon dont notre organisme se défend face au virus, est une composante essentielle dans l'évolution de la maladie. Chez la plupart des personnes, il suffit de quelques jours pour que les cellules maîtrisent l’infection. Mais pour d’autres, le système de défense réagit de façon disproportionnée vers le 7e jour de la maladie, entraînant une réaction hyperinflammatoire de l’organisme. Dans certaines formes graves, cette réaction s’emballe au point de détruire les tissus et les organes. Mais l’origine de cet emballement reste encore inconnu. 

Parmi les nombreuses hypothèses permettant d’expliquer l’évolution de la maladie, nous pouvons citer également le terrain génétique ou encore la prise de certains médicaments. La prise de corticoïdes au long cours, par exemple, semble être un facteur de mauvais pronostic. D’autres traitements, comme les immunosuppresseurs, pourraient, au contraire, éviter l’emballement de la réaction immunitaire. Mais pour l’instant, les données ne sont pas suffisantes pour tirer des conclusions.

Il ne faut négliger aucune piste pour essayer de comprendre quels sont, en dehors des comorbidités, les facteurs aggravants ou protecteurs. Notre équipe est d’ailleurs impliquée dans plusieurs études de suivi de patients sur ce sujet.

Certaines études mettent en doute le fait que cette maladie soit immunisante. Que sait-on aujourd'hui sur cette immunité à long terme ? 

A.-G. M. : Les données actuelles montrent que la majorité des malades du Covid-19 produisent des anticorps dirigés contre le virus. Leur présence témoigne de l’exposition au virus, mais il reste des incertitudes sur leur pouvoir neutralisant et l’immunité protectrice qu’ils confèrent. Des données récentes montrent que les anticorps neutralisants apparaissent entre le 7e et 14e jour après le début des symptômes, mais nous ignorons encore combien de temps ils vont persister.  

Dans notre équipe, nous allons étudier la réponse immunitaire développée par les patients. En mettant en contact les anticorps de patients avec du virus cultivé en laboratoire, nous allons mesurer la capacité des anticorps à neutraliser le virus, c’est-à-dire à l’empêcher d’infecter les cellules. Cette « séro-neutralisation » est un marqueur indirect de la protection des patients vis-à-vis d'une réinfection.