Bertrand Bellier
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Retrovactol, un nouvel espoir pour soigner les maladies auto-immunes

Un groupe de recherche de la faculté de Médecine développe des vaccins "tolérogènes", une technologie innovante pour lutter contre les dysfonctionnements immunitaires.

Professeur d’immunologie au sein du laboratoire Immunologie – Immunopathologie – Immunothérapie1 , Bertrand Bellier a reçu, en février dernier, un trophée décerné par la Satt Lutech2  pour son projet Retrovactol. Un projet qui a pour ambition de développer un vaccin thérapeutique contre les maladies auto-immunes.

« Je m'intéresse aux immunopathologies dans lesquelles le système immunitaire est trop actif et nécessite d’être contrôlé », affirme Bertrand Bellier. Avec son équipe, cet immunologiste a mis au point une technologie vaccinale permettant de bloquer l’activité du système immunitaire de façon ciblée. Un espoir pour les millions de patients souffrant de maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques (SEP), le diabète de type 1, l’intolérance au gluten, le psoriasis, etc.

Troisième cause de morbidité dans le monde, ces maladies sont des pathologies dans lesquelles le système immunitaire s’attaque aux propres constituants de l’organisme (les « auto-antigènes »). Pour soigner ces maladies, l’enjeu est donc de réduire la réponse immunitaire et l’inflammation. Les traitements actuellement disponibles reposent sur l’utilisation d’immunosuppresseurs, des médicaments qui gèlent l'activation du système immunitaire, mais qui ont l’inconvénient d’agir de façon non spécifique sur l’immunité, créant ainsi des complications et des risques d'infections.

Des vaccins "tolérogènes" pour réduire la réponse immunitaire de façon ciblée

Face à ce constat, le groupe de recherche qu’anime Bertrand Bellier a développé une solution thérapeutique vaccinale ciblée. Cette technologie repose sur l’utilisation d’une pseudo particule virale baptisée VLP3  sur laquelle les scientifiques ont greffé des antigènes4  et des molécules régulant le système immunitaire.

Ces vaccins dit « tolérogènes » ont d’abord été développés par l’équipe dans le cadre de l’allergie en 2014. « Nous avons greffé sur les VLP des allergènes5  que nous avons associés à des molécules capables de contrôler l’activité du système immunitaire  », explique le chercheur. Grâce à cette association, seule l’activité des cellules immunitaires qui reconnaissent l’allergène est inhibée, permettant ainsi de diminuer les symptômes de l’allergie sans affecter le bon fonctionnement du reste du système immunitaire face aux autres pathogènes.

Après avoir fait la preuve de concept de cette vaccination contre l’allergie chez la souris, le groupe de Bertrand Bellier a utilisé ce même principe dans le cadre du modèle murin de la SEP, une maladie auto-immune neurodégénérative qui touche plus de 2,3 millions de personnes dans le monde. « Nous avons remplacé, dans les VLP, les allergènes par des auto-antigènes de la SEP qui sont des molécules de l’organisme attaquées par le système immunitaire dans le cadre de cette maladie ».

Les premiers résultats sont très encourageants. « Avec ce nouveau vaccin tolérogène, nous avons observé chez les souris une diminution des symptômes et une stabilisation de la maladie », se réjouit le chercheur. « Nous avons maintenant pour objectif d’évaluer si ce vaccin ne diminue pas la réponse immunitaire face à d’autres pathogènes, comme le virus de la grippe, et présente donc bien une action spécifique. »

Un accompagnement de la Satt Lutech du laboratoire au marché

Dès le début du projet, l’équipe a bénéficié du soutien de la société d’accélération de transfert de technologie (Satt) Lutech. « Nous avons mis en place, depuis 2017, un programme de maturation qui a permis de financer les travaux de recherches de l’équipe dans une perspective de transfert de technologie », indique la cheffe de projet Fabienne Billiard, qui a suivi le projet Retrovactol depuis son origine. Nous les avons guidés pour définir leurs priorités, leur modèle expérimental et leurs protocoles en fonction des données nécessaires pour convaincre les industriels d’un potentiel transfert de technologie. Nous les accompagnons également sur les études de marché, la stratégie de propriété intellectuelle, la recherche de partenaires industriels et sur l’ensemble du processus de valorisation. »

Un accompagnement qui a amené l’équipe de Bertrand Bellier à changer ses habitudes de travail. « Nous avons souhaité préparer nos vaccins dans les mêmes conditions de laboratoire que celles exigées en phase clinique par les industriels, souligne le responsable du projet. Nous allons également réaliser une étude de toxicité, une analyse complémentaire que nous n’avons pas forcément l'habitude de faire pour les publications scientifiques. »

Si le processus de valorisation a également impliqué un certain nombre de concessions pour protéger l’invention (délai sur la publication scientifique et la participation à des congrès afin de pouvoir déposer préalablement une demande de brevet ; soutenance de thèse à huis clos, etc.), Bertrand Bellier ne regrette pas de s’être lancé dans cette aventure : « L’accompagnement par la Satt nous a permis de développer les premières étapes d’une technologie de rupture qui pourrait, à terme, traiter des milliers de personnes. L’objectif aujourd’hui est qu’un partenaire industriel prenne une licence d’exploitation du brevet, accompagne le programme de maturation ou cofinance des recherches permettant de répondre aux questions qui se posent encore avant l’utilisation de ces nouveaux vaccins. »


1 UMRS 959 - Sorbonne Université - Inserm

2  La société d’accélération de transfert de technologie (SATT) Lutech (Sorbonne Université, CNRS, l’université de technologie de Compiègne, le Muséum national d’Histoire naturelle, l’université Panthéon-Assas, l’École nationale supérieure de création industrielle, Bpifrance).

3 Une VLP (virus like particules) est un virus auquel on a retiré le matériel génétique pour supprimer le risque de recombinaison, d'infection ou de réplication.

4 Un antigène est une molécule qui, lorsqu’elle est reconnue par le système immunitaire d’un organisme, est capable de déclencher une réponse immunitaire.

5 Un allergène est une molécule capable de déclencher une réponse immunitaire particulière en suscitant des anticorps spécifiques de l’allergie. Ces molécules, appelées « inhibiteurs de point de contrôle », activent des cellules (les lymphocytes T régulateurs) capables d'avoir une action inhibitrice sur le système immunitaire.