Jean Bouvier d'Yvoire
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Rencontre avec le chargé de mission Pour une science en confiance, responsable et ouverte,

Jean Bouvier d’Yvoire revient sur les enjeux et l’importance, pour notre université, d'être attentive à la démarche scientifique dans une société en pleine mutation.

Comment votre mission a-t-elle vu le jour ?

Jean Bouvier d’Yvoire : Ces dernières années, Sorbonne Université a concrétisé son engagement en faveur de valeurs, droits et principes auxquels elle tient par la mise en place de missions et dispositifs spécifiques. C’est le cas des missions égalité, lutte contre les discriminations, handicap, ou encore de la mission développement durable et transition environnementale.

La mission « Pour une science en confiance, responsable et ouverte » s’intéresse, quant à elle, à la démarche scientifique qui est au cœur de l’activité de l’université et de ce qu’elle apporte à la société en termes de formation, recherche et valorisation. Elle s’appuie sur cinq axes portés chacun par un référent. Chacun dans son domaine contribue à agir en faveur d’une science en confiance, responsable et ouverte.

Quels en sont les principaux acteurs ?

J. B. Y : Le référent intégrité scientifique, Roger Guérin, veille au respect des règles, valeurs et bonnes pratiques qui régissent les activités de la recherche. Le comité d’éthique de la recherche présidé par Mohamed Chetouani instruit les demandes d’avis sur les protocoles de recherche impliquant la personne humaine non interventionnelle. Le référent déontologue, Pierre Valleix, conseille tous les agents publics sur des questions telles que le cumul d’activités ou le conflit d’intérêts.

La science ouverte, pour laquelle Anne-Catherine Fritzinger conseille la présidente, accompagne les chercheurs dans la gestion de leurs données et la publication en libre accès de leurs résultats : elle favorise la traçabilité, la reproductibilité et le partage des productions de la recherche. La médiatrice, Anne-Marie Tièges, en tiers impartial, propose un dispositif de prévention ou de résolution des différends par le dialogue.

Dans un rôle de coordination, ma mission vise à faciliter leurs interactions, à aborder des problématiques émergentes ou des sujets qui sont à leurs interfaces et suscitent parfois des injonctions contradictoires. Il s’agit aussi d’inciter au partage d’informations et d’initiatives, au profit d’une vision commune qui soit celle de la communauté universitaire dans toutes ses composantes.

Que recouvre l’expression « science en confiance, responsable et ouverte » ?

J. B. Y : Confiance, responsabilité et ouverture sont des qualités essentielles, constitutives de la science. Dans la grande diversité des savoirs qu’elle recouvre, la science ne relève pas d’une autorité supérieure et  se doit de construire la confiance : l’esprit critique, la discussion contradictoire et la confrontation à l’expérience, poussés aussi loin que possible, sont des leviers pour construire la confiance au sein des communautés disciplinaires. Elle responsabilise celles et ceux qui s’y impliquent. Elle publie ses résultats une fois validés par les pairs et ainsi fiabilisés pour le public.

Le contexte cependant a changé. En quelques décennies, les technologies numériques, issues du progrès des sciences, sont devenues un des vecteurs majeurs d’une « révolution » aux multiples dimensions (économique, politique, sociale, culturelle, cognitive…), comparable à celles qu’ont été l’invention de l’écriture, de la monnaie ou de l’imprimerie.

A côté d’une science axée sur les contenus, les disciplines et une organisation du travail par communautés relativement stables fondées sur la reconnaissance mutuelle, le numérique ouvre la voie à une science axée sur des défis, en lien à des contextes en rapide évolution, qui mobilise des compétences, et repose sur des interactions et des formes de travail collaboratif en réseaux à différentes échelles. Il ouvre la voie à de nouvelles formes d’intelligence collective, mais aussi de production artificielle de savoirs (Cf. la toute récente intelligence artificielle et le débat qu'elle suscite).

L’espace-temps des pratiques scientifiques comme les conditions de la confiance et de la responsabilité s’en trouvent bousculés. La science ouverte, l’intégrité et l’éthique de la recherche deviennent ainsi des enjeux importants qui, au-delà des communautés disciplinaires et de la communauté scientifique dans son ensemble, relèvent d’une « nouvelle donne » des rapports entre science et société.

Quels sont les enjeux de cette mission ?

J. B. Y : Il s’agit d’abord de raviver l’attention que nous devons porter à ce qui est au cœur de notre activité et de nos missions : la démarche scientifique dans ses exigences et ses questionnements, la diversité de ses déclinaisons et des savoirs qu’elle produit, et ce qu’elle apporte à la société par la formation, la recherche et la valorisation.

C’est là un levier de dialogue, de réflexion sur les spécificités disciplinaires et d’interactions bénéfiques entre communautés et entre métiers. Cette mission devrait contribuer à donner sens à l’implication, individuelle et collective, de tous les membres de la communauté en rappelant pour quoi et pour qui on travaille.

Cette mission a pour enjeu une professionnalisation des activités et pratiques de recherche qui ne se fasse pas au détriment de la liberté que requiert la démarche scientifique. Il s’agit de veiller, dans les dispositifs, processus et échanges, à la bonne articulation entre services d’appui et scientifiques.

Enfin, elle devrait constituer une capacité d’expertise et de réflexion prospective, qui réunisse et dépasse celles de chacun des référents dans leur champ d’intervention propre.

Pourquoi est-elle importante aujourd’hui pour une université telle que la nôtre ?

J. B. Y : Dans le contexte des mutations profondes qui touchent aux pratiques scientifiques, il est important, pour notre université récemment créée, que les enjeux d’une science en confiance soient l’objet d’attentions, de dialogues et d’échanges. Il faut favoriser une meilleure connaissance et reconnaissance réciproque des différentes communautés scientifiques qu’elle réunit.

Sorbonne Université se doit d’être exemplaire en matière d’intégrité scientifique et de déontologie, d’éthique de la recherche et de science ouverte. Elle l’est sur plusieurs aspects. Elle doit l’être sur tous.

Comment va-t-elle se traduire concrètement ?

J. B. Y : Tout d’abord par des actions de communication pour que le sens de cette mission et les périmètres des référents soient bien identifiés par l’ensemble de la communauté et déclinés par les facultés sur la base de leurs spécificités disciplinaires.

Nous allons également développer, en direction de la communauté, des étudiants et du public, des actions de sensibilisation par des exemples qui interpellent, et, pour les membres de la communauté, des formation aux exigences et questionnements portés par chacun des référents et aux enjeux d’une science en confiance. Un référentiel de compétences est en voie de finalisation.