Musée du site archéologique de Pachacamac (Pérou)
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Les couleurs du dieu Inca Pachacamac enfin révélées

Des chercheuses et chercheurs du CNRS, de Sorbonne Université, de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, du Muséum national d'Histoire naturelle et du Musée du quai Branly - Jacques Chirac viennent de mettre en évidence les couleurs peintes autrefois sur l’idole de Pachacamac, dieu et oracle Inca à partir du xve siècle. Couplés à la première datation au carbone 14 de l’objet, ces résultats publiés dans PLOS ONE le 15 janvier 2020 nous éclairent sur les pratiques de la couleur, et leur importance dans les Andes par le passé.

La légende de Pachacamac n’est pas prête de s’éteindre. D’abord, des chroniqueurs hispaniques du xvie siècle ont prétendu qu’Hernando Pizarro avait détruit l’idole du dieu lors de sa conquête de l’empire Inca dans les Andes. Puis, un mât en bois sculpté représentant Pachacamac a finalement été découvert sur le site archéologique du même nom en 1938, laissant penser que les Espagnols s’étaient trompés ou que la destruction de l’idole n’avait pas été complète. Reste qu’un nouveau mystère était apparu : quelle est la nature des colorations rouges observées sur l’objet ? Du sang, reste de pratiques sacrificielles ?

Grâce à une collaboration étroite avec le musée du site archéologique de Pachacamac (Pérou), une équipe de recherche internationale1 a pu mener des premières analyses inédites, non invasives et non destructives, de la polychromie de l’idole. Celles-ci ont tout d’abord révélé que le rouge n’est pas la seule couleur présente sur la pièce de bois : on trouve du blanc sur les dents d’un personnage et du jaune sur certaines coiffes.

Plus intéressant encore, les chercheuses et chercheurs ont pu déterminer la composition chimique des pigments et montrer que le rouge n’est pas du sang mais du mercure, sans doute issu de cinabre, un minerai de mercure connu depuis plus de 2.000 ans dans la région. Or, les sources de cinabres des Andes se trouvent à près de 400 km de Pachacamac, en altitude. L’idole a donc bien été peinte avec une intention, sans doute celle de montrer un pouvoir économique et politique en acheminant un pigment d’une région lointaine alors que d’autres étaient disponibles sur place.

Idole de Pachacamac

Idole de Pachacamac. Sur la dernière image, les flèches rouges marquent la présence de pigments rouges à base de mercure. © Marcela Sepulveda/Rommel Angeles/Museo de sitio Pachacamac

Enfin, l’idole de Pachacamac a été datée au carbone 14 pour la première fois. L’objet a été façonné aux alentours de 731 après JC, probablement par les Waris, soit environ 700 ans avant l’apogée de l’empire Inca. Cela confirme que le site de Pachacamac avait déjà une importance rituelle locale avant l’arrivée des Incas, qui en feront par la suite l’un de leurs principaux centres de pèlerinage, au point d’abriter un oracle conseillant l’empereur lui-même.

Ces résultats s’inscrivent dans une large étude des objets et murs peints du site archéologique de Pachacamac visant à mieux comprendre les matériaux, pratiques et connaissances liés à la couleur dans les Andes, au cours de la période préhispanique.

Source : communiqué de presse du CNRS


1. En France, ont participé des scientifiques du Laboratoire d'archéologie moléculaire et structurale (Lams - CNRS/Sorbonne Université), du laboratoire "Archéologie des Amériques" (Archam - CNRS/université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), du laboratoire "Histoire naturelle de l'Homme préhistorique" (CNRS/Muséum national d'Histoire naturelle / Université de Perpignan - Via Domitia) et du Musée du quai Branly - Jacques Chirac.