La serre géodésique
  • Développement durable

La serre géodésique, nouveau laboratoire vivant du campus de Saint-Cyr-l’Ecole

À l’occasion de la visite inaugurale du campus de Saint-Cyr-l’Ecole le 30 avril dernier, Sorbonne Université et Polytech Sorbonne dévoilent une serre géodésique télé-opérable, conçue comme un lieu interdisciplinaire et innovant. Un projet pédagogique et environnemental inédit, fruit d’une réflexion commune à toutes les spécialités de l'école d'ingénieurs.

Créer un projet commun et durable

« Quand nous avons pris nos fonctions en 2021, nous avons souhaité décloisonner les spécialités », explique Patrice Meimoun, directeur adjoint de Polytech Sorbonne. Agroalimentaire, matériaux, sciences de la terre, génie mécanique, robotique, électronique informatique, mathématiques appliquées : il fallait un objet concret permettant à ces sept spécialités de travailler ensemble tout en intégrant des valeurs fortes autour du développement durable et de la responsabilité sociétale. « Nous avons cherché un projet centré sur l’alimentation de demain, en phase avec nos valeurs et privilégiant une ingénierie « right tech ». Ni low-tech ni high-tech énergivore, c’est une technologie sobre et adaptée précisément aux besoins réels. », poursuit Patrice Meimoun.

C’est Emmanuel Gendreau, enseignant-chercheur à Polytech Sorbonne et spécialiste de l'agro-alimentaire et de l'écologie urbaine, qui a eu l'idée de cette serre géodésique télé-opérable. Lancé début 2022, le projet s’est concrétisé cette année. Aujourd’hui, la serre est opérationnelle et les premiers projets pédagogiques sont lancés.

L'inauguration

« La serre géodésique reflète en tout point l’ADN de Sorbonne Université, déclarait Nathalie Drach-Temam, présidente de Sorbonne Université, lors de son inauguration. Par son caractère pluridisciplinaire, d’abord, avec des étudiantes et étudiants de spécialités différentes qui ont participé à sa conception. Elle pourra compter sur l’apport de notre Institut de la Transition Environnementale pour poursuivre cette dynamique. »

La présidente de Sorbonne Université a également insisté sur son caractère innovant : « Conçue dans une démarche éco-responsable, elle est un modèle d’innovation pour l’agriculture de demain.»  Pour Nathalie Drach-Temam, cet outil d'enseignement adossé à la recherche porte « l’ambition de la gouvernance en matière de développement durable et transition environnementale, inscrite dans notre nouveau projet d’établissement. »

 

La serre géodésique

La serre géodésique

Une culture pluridisciplinaire

La serre géodésique, d'un diamètre de 10 mètres, accueille déjà ses premières cultures. Chercheurs et étudiants de la filière agroalimentaire y expérimentent la production végétale de protéines et d’huiles destinées à l’alimentation. Ils privilégient des plantes locales, robustes, capables de pousser avec un minimum d’engrais ou grâce à des techniques innovantes permettant de limiter les intrants.

« Nos étudiants expérimentent actuellement la co-culture, une méthode issue des principes de permaculture, où deux espèces végétales, par exemple le colza et la vesce, sont cultivées ensemble afin qu'elles s'entraident dans leur croissance. Cette année, ils cultivent aussi le lin, utilisé comme biomarqueur pour évaluer le niveau d'humidité des sols », explique Patrice Meimoun.

D’autres expérimentations sont menées sur les plantes afin d'étudier leur croissance, leur développement, ainsi que la qualité et la composition des graines destinées à l'alimentation, notamment leur teneur en huile et en protéines. L'installation de capteurs développés par les étudiantes et étudiants de la spécialité Électronique et Informatique (EI) va permettre un suivi précis et à distance de différents paramètres biologiques et physiques.

Les sept spécialités de Polytech Sorbonne seront toutes mises à contribution à travers des axes de développement innovants de la serre : l’étude de matériaux pour optimiser l’utilisation des ressources en eau ; l’exploitation des biomatériaux issus des cultures dans une logique de zéro déchet ; le développement d’outils permettant de cartographier les ressources en eau en lien avec les architectures racinaires ; ou encore la conception de robots capables de visualiser les cultures et de réaliser des interventions mécaniques simples. Un travail de modélisation mathématique sera également entrepris pour comprendre et anticiper le développement des végétaux en fonction des données mesurées, dans l’objectif d’améliorer les rendements et la gestion des cultures.

 

Projet de la serre géodésique

Projet de la serre géodésique

Une serre télé-opérable depuis le campus Pierre et Marie Curie

L’une des innovations clés de la serre est la possibilité de la contrôler à distance depuis le living lab du campus Pierre et Marie Curie « Les données récoltées par les sondes électroniques et informatiques sont accessibles depuis Polytech à Jussieu, explique Patrice Meimoun. Cette télé-opération permet aux collègues de s’impliquer pleinement sans avoir à se déplacer systématiquement à Saint-Cyr-l’Ecole ».

Dans un futur proche, une salle de contrôle sera installée dans le bâtiment Esclangon à Paris. Elle permettra la surveillance en temps réel des cultures ainsi que le contrôle et la manipulation des objets connectés développés dans la serre. « On pourra gérer à distance la luminosité, l’éclairage, la température, l’humidité, etc. Des robots connectés équipés de caméras, pourront être télécommandés grâce à la 5G, et circuleront sur des rails développés par les étudiants en génie mécanique », indique le chercheur.

Les applications concrètes dans l’agriculture urbaine

À plus long terme, l’un des objectifs serait de développer une serre autonome intelligente, capable d’assurer le suivi complet des cultures, de la graine à la graine, c’est-à-dire en intégrant l’ensemble du cycle de vie végétal, depuis la germination jusqu’à la production de nouvelles semences.

Ce type de dispositif permettrait d’optimiser chaque étape du développement des végétaux, en pilotant automatiquement les conditions environnementales et les interventions mécaniques nécessaires. « Les robots autonomes seraient capables d’automatiser l’intégralité des cycles de culture, depuis la plantation jusqu’à la récolte », précise Patrice Meimoun. Ces systèmes pourraient être contrôlés à distance, fonctionner en réseau avec des capteurs et caméras intelligents, et s’intégrer dans une infrastructure agricole urbaine connectée. Ce genre de technologie existe déjà dans certains contextes expérimentaux, mais l’enjeu ici serait d’adapter ces innovations à une agriculture urbaine durable, en limitant leur consommation énergétique et leur impact écologique.

Une ouverture vers la recherche et la société

Si la dimension pédagogique de la serre prime actuellement sur la recherche pure, Patrice Meimoun imagine déjà de futures collaborations avec des laboratoires de Sorbonne Université et au-delà : « À 800 mètres du campus, nous avons des collègues chercheurs de Sorbonne Université intégrés à l'INRAE de Versailles. Ils pourraient être intéressés pour déployer des activités de recherche ou accueillir des doctorants et post-docs à proximité ». L’université de Limoges a également installé une serre similaire et des collaborations pourraient être envisagées.

Si cette serre constitue un formidable outil pédagogique, elle est aussi un excellent support de médiation scientifique, notamment auprès des scolaires. « L’objectif serait de proposer des visites du campus de Saint-Cyr pour découvrir la serre, mais aussi les ruches connectées ou encore les panneaux photovoltaïques situés sur le campus. Son potentiel pour sensibiliser différents publics aux enjeux environnementaux est donc particulièrement prometteur », conclut l'enseignant-chercheur.