Eleni Diamanti
  • Interview

Du laboratoire à la start-up : Eleni Diamanti discute des technologies quantiques et de leur commercialisation

Eleni Diamanti est l'une des fondatrices de Welinq, une start-up basée sur le campus de la faculté des Sciences de Sorbonne Université, qui se propose d'apporter du matériel essentiel aux infrastructures d'informatique et de communication quantiques. Suite à un premier tour de financement réussi, la directrice de recherche CNRS a échangé avec nous sur les motivations, les ambitions et les enjeux de Welinq.

Félicitations pour cette première levée de fonds. Qu'est-ce que cela signifie pour le développement à court terme de Welinq ? Quelles actions vont être enclenchées ?

Merci ! Ce financement permettra à Welinq d'accélérer sa croissance. L'équipe élargie travaillera au développement du premier produit et commencera à préparer les prochaines étapes de la feuille de route.
 
Qu'est-ce qu'une mémoire quantique et que signifie sa commercialisation ?

Une mémoire quantique est un dispositif qui peut stocker à la demande des informations codées dans les propriétés quantiques de la lumière. Celles-ci peuvent ensuite être récupérées pour être utilisées dans une tâche de communication ou de calcul. Cette fonction est au cœur de l'interconnexion et de la synchronisation des ordinateurs quantiques. Son développement industriel et sa commercialisation est un élément clé permettant à la fois une architecture modulaire pour les processeurs quantiques et un accès à distance à leurs capacités pour les utilisateurs du réseau.
 
Qu'est-ce qui vous a motivée à faire passer cette technologie d'un laboratoire à une start-up ?

Effectuer des recherches dans un laboratoire universitaire est extrêmement enrichissant et cela mène à de merveilleuses découvertes scientifiques, comme celles qui ont permis d'enregistrer des performances de mémoire quantique élevées au Laboratoire Kastler Brossel (LKB)1 et celles qui ont démontré un avantage quantique pour les tâches de communication et de calcul au Laboratoire d'informatique de Sorbonne Université (LIP6)2. Dans un laboratoire, cependant, ces découvertes scientifiques s'arrêtent souvent à l'étape de la preuve de concept.

Avec sa feuille de route technologique suivie par des collaborateurs hautement qualifiés et un important soutien financier, une start-up peut surmonter cette étape, poussant l'ingénierie et le développement à un niveau qui n’est pas compatible avec la recherche académique. Être témoin de l'avancement de la technologie à travers ces étapes est très stimulant et peut avoir un impact très positif sur nos laboratoires de recherche.
 
Les technologies révolutionnaires développées par Welinq sont le résultat de votre travail au LIP6, ainsi que du travail de vos collègues du LKB. Quelle est l'importance de cette collaboration dans votre domaine de travail ?

Les travaux collaboratifs à l'interface entre les différentes disciplines impliquées dans les technologies quantiques (physique théorique et expérimentale, informatique, ingénierie, matériaux, etc.) sont à mes yeux le seul moyen d'avancer réellement dans le domaine, notamment dans un objectif de commercialisation.

Pour ma part, j'ai toujours poursuivi mes recherches avec de solides collaborations et je crois que c'est l'un des aspects les plus enrichissants de notre travail.

Quelle est votre ambition globale pour Welinq ?

J'aimerais que Welinq devienne le champion des interconnexions quantiques pour les processeurs et les appareils en réseau. Je souhaite qu'elle soit une entreprise innovante et responsable, apportant une réelle valeur ajoutée à l'informatique et à la communication quantiques tout en étant exemplaire et accueillante pour ses collaborateurs.
 
En plus de Welinq, qu'est-ce qui vous passionne le plus dans vos recherches ?

Tous les nouveaux projets m’enthousiasment ! Actuellement, je travaille avec mon équipe sur de nombreux projets comme l'utilisation de l'intégration photonique pour les tâches de cryptographie et d'informatique quantiques, la démonstration de protocoles de réseau avancés basés sur l'intrication multipartite et le déploiement d'un banc d'essai de communication quantique en France avec des liaisons terrestres et satellitaires. Ces projets ont beaucoup d’enjeux. Ils rendent nos journées passionnantes !
 
À l'approche de la Journée internationale des femmes, avez-vous constaté un changement dans le nombre ou la représentation des femmes travaillant dans le quantique ?

J'ai remarqué que le nombre de mes jeunes collègues féminines fluctue. J'espère qu’il continuera de croître. Je suis très fière d'avoir accompagné plusieurs d’entre elles et j’espère qu’elles poursuivront dans le milieu !
En ce qui concerne mes collègues senior, elles sont plus présentes dans certains pays et dans certains sous-domaines des technologies quantiques. En France, nous avons un environnement plutôt équilibré que j'apprécie beaucoup. La représentation s'améliore constamment et je suis assez optimiste. En sensibilisant davantage et en débattant des questions connexes, cela ne fera que s'améliorer, même s'il est important de poursuivre nos efforts.

1  Le Laboratoire Kastler Brossel (LKB), acteur majeur de la physique fondamentale des systèmes quantiques, avec un historique de 3 prix Nobel et 5 médailles d'or du CNRS.
2  Le Laboratoire d’Informatique de Sorbonne Université (LIP6), un centre de recherche pluridisciplinaire et le plus grand laboratoire d'informatique de France.

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