• Communiqué de presse

Stratégie de biocontrôle : l’évolution d’un papillon ravageur de cultures mise en lumière

Des scientifiques d’INRAE et de Sorbonne Université, en collaboration avec l’Institut de protection des plantes de Pékin, ont retracé l’évolution d’un récepteur olfactif spécifique de la noctuelle du coton, un papillon ravageur de cultures. Indispensable pour la reproduction du papillon, ce récepteur permet aux mâles de reconnaître le composé essentiel de la phéromone sexuelle de la femelle. Les scientifiques ont pu retracer le parcours évolutif de ce récepteur apparu il y a environ 7 millions d’années et ont identifié 8 acides aminés essentiels pour la liaison entre le récepteur et la phéromone. Leurs résultats, publiés le 8 mai dans la revue PNAS, ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement de stratégies de biocontrôle contre ce papillon ravageur.

La noctuelle du coton (Spodoptera littoralis) est un papillon invasif en France, présent dans tout le bassin méditerranéen, mais aussi en Afrique et au Moyen-Orient. Très polyphages1, les chenilles de ce papillon sont connues pour provoquer des dégâts sur de nombreuses cultures (comme par exemple le maïs, les légumineuses, le coton, les tomates, les poivrons…). Dans un contexte de réduction nécessaire de l’utilisation des pesticides en agriculture, le développement de moyens de lutte par le biocontrôle est indispensable. Parmi ces moyens, on trouve la confusion sexuelle et le piégeage grâce à l’utilisation de phéromones par lesquelles les papillons communiquent, notamment pour se reproduire. Mais la synthèse de phéromones coûte cher, et il est important de disposer d’autres méthodes de lutte. C’est pourquoi la connaissance des récepteurs olfactifs de ce papillon est essentielle.

En 2019, la même équipe de recherche avait identifié un récepteur olfactif de la noctuelle du coton, nommé OR5, qui reconnaissait le composé principal de la phéromone émise par la femelle. Dans cette étude, les scientifiques ont retracé l’évolution de ce récepteur dans l’arbre des papillons du genre Spodoptera, afin de mieux comprendre son fonctionnement et sa spécificité. Pour cela, ils ont combiné la résurrection de récepteurs ancestraux fonctionnels en laboratoire, grâce à des analyses informatiques, et la modélisation de leur structure en 3D. Ils ont ainsi pu reconstruire le parcours évolutif du récepteur OR5 qui serait apparu il y a environ 7 millions d’années. Ils ont également mené des expériences de mutagénèse dirigée2 sur le gène à l’origine de ce récepteur. Grâce à cela ils ont pu identifier 8 acides aminés impliqués dans la spécificité de sa liaison avec le composé majoritaire de la phéromone. Ce dernier résultat est particulièrement original dans l’histoire évolutive des récepteurs aux phéromones, car jusqu’à présent seule une voire deux substitutions d’acides aminés avaient été démontrées comme suffisantes pour provoquer un changement de fonction dans des récepteurs importants d’un point de vue écologique.

Comprendre l’évolution des récepteurs olfactifs et l’acquisition de leur spécificité est primordial pour anticiper d’éventuelles résistances aux traitements par phéromones. Par ailleurs, ces résultats permettent de mieux comprendre la fonction du récepteur OR5, spécifique et essentiel à la reproduction de deux espèces de Spodoptera, la noctuelle du coton ainsi que la noctuelle rayée présentes en Asie et qui s’attaque également à de nombreuses cultures. Cette étude va permettre d’accélérer la mise au point de nouvelles stratégies de biocontrôle par le développement de molécules agonistes, qui pourront se fixer au récepteur à la place du composé phéromonal, ou de molécules antagonistes, qui vont bloquer le récepteur.

Noctuelle du coton

Cette étude est le fruit d’une collaboration entre l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris (iEES, sous tutelle d’INRAE, de Sorbonne Université, du CNRS, de l’IRD, de l’UPEC et de l’université Paris Cité) et l’institut de protection des plantes de Pékin, dans le cadre du LIA BIPi.


[1] Polyphage : organisme qui se nourrit sur un grand nombre d’espèces différentes.
[2] Mutagénèse dirigée : induction d'une ou plusieurs mutations dans un gène, de façon précise et volontaire en laboratoire, afin d’étudier sa fonctionnalité et les fonctions de la protéine issue de ce gène.

 

Références :

Li Z., Capoduro R., Bastin–Héline L. et al. (2023). A tale of two copies: evolutionary trajectories of moth pheromone receptors. PNAS, 120 (20), 2221166120.
DOI : https://doi.org/10.1073/pnas.2221166120