• Communiqué de presse

Paludisme : une nouvelle méthode pour identifier l’âge des moustiques vecteurs de la maladie grâce à l'IA et à la spectrométrie de masse

Le paludisme est une maladie transmise seulement par des moustiques âgés. Une méthode novatrice, alliant l'intelligence artificielle à l'analyse des protéines chez les moustiques vecteurs du paludisme, a permis d'estimer leur âge avec une précision de 2 jours. Cette méthode, mise au point par la maîtresse de conférence et chercheuse Cécile Nabet, la docteure en intelligence artificielle Noshine Mohammad et leurs collaborateurs à l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (Sorbonne Université, AP-HP et Inserm) et au laboratoire d’Informatique Médicale et d’Ingénierie des connaissances pour la e-santé (Sorbonne Université, AP-HP et Inserm), ouvre de nouvelles perspectives dans la lutte contre le paludisme et la compréhension de la biologie des vecteurs. Cette méthode novatrice fait l’objet d’un article publié dans Science Advances.

  • Claire de Thoisy-Méchin, service presse Sorbonne Université
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Les maladies transmises par les moustiques sont en hausse mondiale et les changements climatiques pourraient aggraver cette situation. Le paludisme reste une menace avec plus de 200 millions de cas et près d'un demi-million de décès chaque année. La lutte anti-vectorielle est donc cruciale et connaître l'âge d'un moustique revêt une importance particulière, car seuls les moustiques qui survivent assez longtemps (plus de 10 jours) peuvent transmettre le paludisme. Pourtant, estimer avec précision leur âge dans la nature reste un défi majeur ; les méthodes disponibles (comme la dissection des ovaires ou le marquage de moustiques) sont imprécises, nécessitent une expertise considérable et sont inapplicables à grande échelle. De plus, la résistance croissante aux insecticides, autrefois efficaces pour réduire la survie des moustiques, rend encore plus urgente la nécessité de développer des méthodes de surveillance et de contrôle efficaces.

Dans ce sens, Cécile Nabet, Noshine Mohammad et leurs collaborateurs à l’Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique (Sorbonne Université, AP-HP et Inserm) et au laboratoire d’Informatique Médicale et d’Ingénierie des connaissances pour la e-santé (Sorbonne Université, AP-HP et Inserm) ont développé une méthode novatrice pour estimer l'âge des moustiques. Cette approche combine la spectrométrie de masse1 avec l'intelligence artificielle pour détecter les variations des profils protéiques des moustiques en fonction de leur âge. En collaboration avec le laboratoire d’Écologie Vectorielle et Parasitaire de l'université Cheikh Anta-Diop de Dakar au Sénégal, cette méthode a été mise au point en utilisant des moustiques anophèles (vecteurs du paludisme) collectés au stade larvaire dans divers environnements du Sénégal, urbain et rural, puis élevés en insectarium pour connaître leur âge.

Les performances de l’algorithme (jeu de données de test) ont permis une estimation de l’âge des moustiques avec une précision remarquable, jusqu’à 2 jours près, sur toute la durée de vie du moustique. Les simulations confirment que cette méthode d’estimation d’âge pourrait révéler des changements dans la structure d’âge des populations de moustiques à la suite d’interventions efficaces telles qu’une moustiquaire imprégnée d’insecticides. 

« Cette nouvelle méthode pourrait être utilisée même dans les régions aux ressources limitées car elle est rapide, peu coûteuse et facile à mettre en œuvre sur le terrain. Elle pourrait jouer un rôle crucial dans la surveillance du paludisme et l’évaluation de l'efficacité des interventions de lutte antivectorielle dans les régions vulnérables, notamment lors d’essais de nouvelles stratégies », explique la docteure Cécile Nabet.  

Cette méthode, pour l’instant applicable aux moustiques anophèles, pourrait également être étendue à d'autres moustiques vecteurs, comme les Aedes, ouvrant à la lutte contre des maladies telles que le Zika, le Chikungunya et la Dengue. 

Ce travail de recherche a été soutenu par la Région Ile-de-France et Cerba Healthcare, dans le cadre du projet DIM One Health.

1 Technique de séparation des protéines selon leur masse couramment utilisée en microbiologie

Pour en savoir plus : 
•    https://www.youtube.com/watch?v=KzgsIvkbdXM&t=17s