• Communiqué de presse

Des robots capables de changer leur orientation grâce à leur morphologie


En robotique, les essaims de robots sont utilisés pour accomplir des tâches nécessitant une coopération entre plusieurs individus. À ce jour, ils fonctionnent exclusivement en environnement dilué, évitant les collisions. À l’inverse, la flexibilité propre aux organismes vivants[1]  suggère que des comportements primitifs simples suffisent à obtenir des comportements collectifs dans des milieux dilués comme très denses. Partant de ce constat, des chercheurs de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR, Sorbonne Université / CNRS) et du laboratoire Gulliver (ESPCI Paris - PSL / CNRS) ont étudié les interactions physiques pouvant ainsi être utilisées à l’avantage d’un essaim, y compris s’il est constitué de robots. Ils ont conçu des robots capables de changer leur orientation simplement en se cognant les uns contre les autres, et ce, en fonction de leur morphologie uniquement. À l’interface entre la robotique, l’informatique et la physique, leurs recherches font l’objet d’un article publié le 22 février 2023 dans la revue Science Robotics.

 

  • Nicolas Bredeche, professeur à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique

Dans cet article, les auteurs tirent parti d'une réponse mécanique générique : la tendance qu'a une particule à se réorienter en réponse à une force extérieure. Ils y révèlent l'importance de cette réponse morphologique dans différentes tâches robotiques, tant pour un robot seul que pour un essaim de robots. Leurs recherches démontrent que la façon dont les robots réagissent en cas de collisions dépend de leur corps, et leur permet de s'aligner avec ou contre une force externe telle qu’un autre robot, un objet ou un mur. En comprenant l'effet des interactions physiques entre les robots et leur environnement, il devient alors possible de définir le comportement collectif qui résultera des multiples collisions entre robots de l'essaim. Selon l'exosquelette qui habille les robots, on peut ainsi observer qu'un robot s'alignera à une force externe tandis qu'un autre s'y opposera. En cas de collision, un robot peut ainsi pousser, ou glisser le long d'un obstacle ou d'un autre robot, et ce uniquement grâce à la dynamique passive induite par sa conception mécanique.

Les chercheurs ont également montré qu'il était possible d'apprendre à exploiter les interactions entre robots pour réaliser des tâches de robotique collective nécessitant de la coopération, comme l'agrégation collective dans une zone lumineuse de l'environnement. Pour ce faire, ils décrivent un algorithme d'apprentissage par renforcement décentralisé inspiré de l'apprentissage social : les robots suffisamment proches échangent des informations concernant les stratégies de comportement les plus efficaces pour accomplir la tâche assignée à l'essaim de robots. Les meilleures stratégies se diffusent ainsi de robot à robot, ce qui permet d'exploiter au mieux les propriétés physiques et les capacités de calcul des robots de l'essaim.

Ces travaux ont été menés dans le cadre du projet ANR ‘Morphofunctional Swarm Robotics’, remporté par l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (Sorbonne Université / CNRS) et le laboratoire Gulliver (ESPCI Paris - PSL / CNRS). Ce projet implique un post-doctorat et une thèse financée par le Sorbonne Center for Artificial Intelligence (SCAI).

 


[1] Tels que les cellules, les colonies de bactéries ou de fourmis, les bancs de poissons, les nuées d’oiseaux ou encore les humains.
Coopération entre 64 Morphobots pour une tâche de phototaxie (recherche de lumière).
Les morphobots qui se trouvent dans la zone illuminée forme un agrégat qui croît au cours du temps, en exploitant les propriétés données par leurs morphologies. En cas de collision, chaque Morphobot se réoriente naturellement pour faire face à l'objet à l'origine de la force subie. La formation d'un agrégat dans la zone lumineuse résulte simplement d'un ralentissement de la vitesse de déplacement des Morphobots, qui s'opère si l'intensité lumineuse dépasse un seuil appris au cours du temps. La morphologie fait le reste. Crédit : Matan Yah Ben Zion

Référence :

Morphological computation and decentralized learning in a swarm of sterically interacting robots, Matan Yah Ben Zion, Jeremy Fersula, Nicolas Bredeche and Olivier Dauchot, Science Robotics, 22 Feb 2023, Vol 8, Issue 75
 DOI: 10.1126/scirobotics.abo6140