Laure d'Hauteville

Mécène de la Fondation Sorbonne Université

Je veux encourager les étudiants et étudiantes à poser des questions et à participer à des discussions constructives. Mon objectif est de les inspirer et de les préparer à une carrière enrichissante dans le domaine de l'art du Moyen-Orient.

Laure de Hauteville, mécène à Sorbonne Université, partage son parcours artistique. Cette expérience l'incite aujourd'hui à transmettre sa passion aux étudiantes et étudiants de l'établissement, où elle enseigne dans le master Expertise et Marché de l’Art dirigé par Rose-Marie Ferré. Son histoire inspirante et son engagement enrichissent la communauté universitaire, offrant aux étudiantes et étudiants une source d'inspiration et de savoir précieux.

Comment votre passion pour l'art et votre inspiration pour le Moyen-Orient/Afrique du Nord ont-elles commencé ?

Née dans une famille de collectionneurs et très portée sur la culture, depuis ma plus tendre enfance, mes parents m’emmenaient visiter les expositions dans les musées. Je n’étais pas toujours ravie car mes camarades allaient dans des parcs d’attractions que je trouvais certainement plus amusant que les musées ! Puis un jour, j’avais 12 ans, ma grand-mère m’emmène visiter une exposition sur l’Égypte au Louvre... Quelle merveilleuse découverte !

Cette exposition sur l'Égypte a été le déclic qui a suscité ma vocation pour l'art du Moyen-Orient. J’ai lu des livres, visité d’autres expositions. Il a été fascinant de voir comment, pour moi, une simple visite a pu influencer mon destin. L'art du Moyen-Orient est d'une richesse et d'une diversité extraordinaires. Il couvre une vaste période historique et géographique, et s'exprime à travers une multitude de formes et de techniques. De la sculpture monumentale aux miniatures raffinées, en passant par les céramiques décorées et les textiles chatoyants, chaque époque et chaque région a développé son propre style unique. Je trouvais cela très complet. Par la suite, j’ai préféré l’art contemporain, car plus proche de mon univers. Plus tard, à l’âge de 24 ans, j’ai décidé de me spécialiser dans l’art du MENA (Middle East and North Africa) et je me suis ouverte à un monde de découvertes. J’ai eu l'opportunité d'explorer des civilisations anciennes et fascinantes, de décrypter des symboles et des messages cachés dans les œuvres d'art, et de comprendre l'histoire et la culture du Moyen-Orient à travers un prisme unique.

Y a-t-il un mouvement artistique qui vous a particulièrement inspiré et / ou qui vous inspire encore aujourd’hui ?

Je me suis installée au Liban en 1991, juste un an après l’accord de Taëf, donc je n’ai pas connu la guerre à proprement dit, mais beaucoup de tensions et de règlements de comptes… Journaliste culturelle pour un magazine libanais, « le Commerce du Levant » (un peu comme en France, le magazine « Le Point ») j’ai rencontré et suis devenue amie avec une multitude d’artistes, j’ai visité toutes les galeries, les musées, et suis devenue la Conseillère artistique pendant une dizaine d’années d’une importante banque au Liban, la « Fransabank ».

Je suis passionnée particulièrement par la modernité des artistes des pays du Levant. Effectivement, c’est un domaine riche et diversifié qui reflète les multiples influences culturelles et historiques de la région. J’ai découvert une grande variété de styles et de techniques qui explorent des thèmes tels que l'identité, la politique, la religion, la guerre, la paix, les droits de l’homme, la liberté d’expression et la société…. là où les livres d’histoire se sont arrêtés au mandat français (1943), l’art a illustré la suite de l’histoire… Leurs créations jouent un rôle important dans le dialogue interculturel car elles permettent de créer des œuvres qui transcendent les frontières culturelles et encouragent la compréhension mutuelle.

Quelle a été votre plus grande découverte artistique pendant votre séjour au Liban ?

Des artistes extraordinaires, tels Dia Azzawi (Irak), Marwan Kassab-Bachi (Syrie), Shafic Abboud (Liban), Mona Hatoum (Palestine), Walid Raad (Liban), Saadane Afif (Maroc), Juliana Sérafim, (Palestine), Mona Saudi (Jordanie), Elie Kanaan (Liban), Paul Guiragossian (Liban/Arménie), Etel Adnan (Syrie), Simone Fattal (Syrie), Faisal Samra (Arabie Saoudite), Serwan Baran (Iraq), Mahmoud Saïd (Egypte), Ahmad Matter (Arabie Saoudite), Abdel Kader El Rayess (Emirats), Inji Efflatoun (Egypte), Ghada Amer (Egypte), Khaled Ben Slimane (Tunisie), Meriem Bouderbala (Tunisie), Ali Cherri (Liban), Ayman Baalbaki (Liban), Abdul Rahman Katanani (Palestine), Soha Shuman (Palestine)…. Et tant d’autres.

Quels messages aimeriez-vous transmettre à vos étudiantes et étudiants lors de vos interventions dans le master « expertise et marché de l’art » ?

La passion et l’engagement !

Mon enthousiasme et mes connaissances sur ces régions que le public ne connait pas vraiment et qui est fascinant. Aider les étudiants à développer des compétences analytiques et critiques en dehors de ce que les média nous disent. Leur expliquer que l’essentiel est l'expertise, l'évaluation, la recherche, la négociation, l’ouverture d’esprit et la communication, dans leurs recherches et la relation à l’ « autre », surtout dans ces pays. Promouvoir un dialogue interculturel afin de leur permettre d’échanger sur les différences, l'importance de l'éthique et de la responsabilité dans le marché de l'art. Le marché de l'art du Moyen-Orient est en pleine expansion et offre de nombreuses opportunités aux diplômés passionnés. La Sorbonne est très bien placée dans ces pays, comme l’Excellence. Les étudiants ont bien de la chance de porter ces valeurs.

Je veux les encourager à poser des questions et à participer à des discussions constructives. Mon objectif est de les inspirer, et de les préparer à une carrière enrichissante dans le domaine de l'art du Moyen-Orient. J’aurais aussi aimé monter des workshops avec eux et leur montrer des œuvres recelant des messages codés pour qu’ils comprennent mieux cette complexité et surtout, ô combien, la majorité de ces artistes ont été inspirés par la France et qu’elle reste chère dans leurs productions artistiques.

Quelles sont vos inspirations pour l’avenir de la Menart Fair ?

La prochaine édition de Menart Fair, du 20 au 22 septembre 2024, sera très engagée !

Menart Fair consacrera 100% de son édition 2024 à Paris, aux femmes artistes de l’art moderne & contemporain du monde arabe. Interrogeant l’héritage des pionnières, la foire proposera à trois commissaires invitées un regard sur la scène artistique des pays du MENA, Middle Eeast and North Africa, par l’accrochage d’œuvres de femmes. Loin d’être sous représentées dans le monde arabe, les artistes femmes interrogent la mémoire culturelle et ses structures de production, les échanges artistiques transnationaux, le statut de la femme dans des sociétés patriarcales. Certaines déjà consacrées par la scène internationale, telles Mona Hatoum, Ghada Amer ou Zineb Sedira, disent dans la singularité de leurs démarches, la faculté d’autocréation, la métamorphose de soi, la sortie de la contrainte sociale ou de genre. Elles disent aussi en quoi l’art est une projection vers l’universel, qui transcende les névralgies individuelles ou collectives. A l’heure où le conflit Israël Hamas déchire jusqu’au monde de l’art, c’est à l’universalité du langage de l’art que nous convoque l’imaginaire féminin. Voilé et dévoilé, il s’exprime dans des formes artistiques nouvelles qui rendent visibles chaque vérité.

Quels conseils donneriez-vous à une ou un étudiant qui souhaiterait s’impliquer dans le monde de l’art, que ça soit en tant que collectionneur, artiste ou encore organisateur d’évènements ?

Le plus important étant de développer ses connaissances et découvrir ses passions. Pour cela, il faut visiter des musées, les expositions dans les galeries, les foires en France, en Europe et si possible, en dehors de l’Europe, pour développer un œil critique. Il faut aussi assister à des conférences, des débats, et pourquoi pas, en organiser dans sa promotion ? Faire ensuite, de petits comptes rendus, pour apprendre à analyser les œuvres et identifier leurs caractéristiques. L’idéal serait aussi de s’abonner et/ou lire la presse artistique telles que JDA, QDA, TAN, La Gazette, Bx Art Magazine pour découvrir ce qui leur plait. Très vite, les étudiants vont se rendre compte de leurs centres d’intérêts : art ancien, moderne & contemporain, figuratif, abstrait, les deux…mais aussi l’art engagé, etc.

Il est aussi très important, dès le départ, de se constituer un réseau de personnes qu’ils pourraient rencontrer dans des galeries, auprès d’amis, ou amis d’amis, les réseaux sociaux, créer un blog ou une page spéciale, en donnant des informations sur ce qu’ils ont aimé, etc. Peut-être aussi rejoindre des associations artistiques comme, par exemple, Menart Friends ou l’Atelier des artistes en exil, etc.

De plus, pour commencer une collection, je dirai tout simplement : acheter ce que vous aimez et sans vous faire influencer. Cela peut commencer par des affiches, des cartes postales, puis un petit dessin, une petite sculpture, une toile, etc. A Drouot, par exemple, ou dans les maisons de ventes en province nous pouvons trouver des trésors à très bon marché. Ensuite, vous grandirez en même temps que votre « collection » et vous serez alors, dans le marché.

 

Photographie © Irène de Rosan