Laura Legall

Laura Legall

Alumna du CELSA Sorbonne Université, lauréate du prix Zeugma et du Prix Pépite pour l’Ile-de-France

L’audiovisuel a toujours été un moyen d’expression personnelle et une passion. Je raconte beaucoup de choses en images

Rencontre avec une entrepreneuse passionnée et passionnante, mue par la volonté de faire entendre les voix des personnes LGBTQIA+ et de normaliser les représentations queer.

Un parcours partagé entre la recherche et l’audiovisuel

Souhaitant concilier sciences humaines et sociales avec les disciplines de l’audiovisuel et du cinéma, c’est tout naturellement que Laura Legall s’est dirigée vers le CELSA Sorbonne Université. Elle intègre le Master 2 Médias, Innovation et Création avec un intérêt prononcé pour la production audiovisuelle. C’est à ce moment-là que les projets Entre nos mains (série de fiction ayant pour volonté de mettre en scène des personnes trans) et ADELPHES (société de production audiovisuelle proposant des représentations plus justes et bienveillantes des thématiques queer et LGBTQIA+) ont commencé à émerger. 

Il nous faut néanmoins remonter encore le fil, car tous deux sont issus d’une histoire très personnelle et intime. En effet, ayant grandi avec un demi-frère trans, Laura Legall a longtemps été témoin des violences et discriminations que pouvaient subir les personnes concernées. Partant du constat qu’un plus grand nombre de représentations audiovisuelles pouvaient s’avérer être un réel réconfort et une aide au quotidien, elle décide de se pencher sur la question de la mise en scène des transidentités dans l’audiovisuel, dans le cadre de son mémoire de master. « J’ai fait un travail énorme de recherche documentaire. J’étais obligée de passer par là pour pouvoir imaginer des représentations plus justes, bienveillantes, inclusives. » Deux projets ambitieux, nourris par un long travail de recherche et d’analyse, que Laura a concrétisé grâce à un accompagnement entrepreneurial personnalisé et la volonté farouche de mettre en avant les vécus des personnes trans. 

ADELPHES et Entre nos mains : faire entendre les questions de genre et de transidentité

Malgré un certain engouement dans les médias grand public pour ces thématiques, force est de constater que ces sujets restent minoritaires et cantonnés à des heures d’audience basses. Les représentations des personnes trans sont encore parfois très maladroites et stéréotypées. C’est notamment pour pallier cet écueil qu’elle décide de s’atteler à la réalisation de cette série de fiction, forte de son travail de recherche, et accompagnée de l’auteur-réalisateur Tadeo Escalante, qui a notamment réalisé la web-série Drama Queer. Entre nos mains souhaite montrer la réalité concrète des personnes trans : « On a cherché à écrire des personnages qui prennent la parole mais qui ne sont pas forcément militants. Le plus important, c’est de faire de leur identité un non-sujet. » Quant au choix du média, il est apparu comme une évidence : « L’audiovisuel a toujours été un moyen d’expression personnelle et une passion. Je raconte beaucoup de choses en images ». L’audiovisuel, et notamment le format sériel, est particulièrement accessible et permet de toucher un large public, en favorisant une réelle démocratisation des questions de genre. En somme, rendre cela « banal » et faire de cette thématique un non-sujet. C’est également une merveilleuse manière d’être au plus près de la réalité tout en évitant l’écueil du drame social et du misérabilisme (qui résulte souvent d’écritures encore très hétéronormées), tout en déployant un format foncièrement ludique et attractif.

L’entrepreneuse réaffirme le pouvoir de l’image et l’importance de la justesse des représentations, au-delà de tout stéréotype et en favorisant la diversité. « Les représentations passent par les images. Le stéréotype signifie que l’on fige une image. Si je donne à voir des personnages qui ressemblent à des gens dans la normalité (ou les normalités), cela permet de changer les représentations. » Le tournage de la scène teaser - réalisée en collaboration avec la société de production La Sucrerie, avec le soutien de la Chaire du Celsa, du FSDIE Sorbonne Université et du Crous Action Culture - s’est déroulé au sein de la Flèche d’Or, un lieu culturel militant et politique parisien, visant à lutter contre les oppressions systémiques. Une étape particulièrement importante (et émouvante !), qui a préfiguré les volontés du projet ADELPHES : offrir un espace de travail bienveillant et inclusif aux personnes LGBTQIA+, qui sont encore très souvent victimes de discrimination à l’embauche. Même si le format exact reste à préciser, les volontés politiques, elles, sont bien définies : « ADELPHES cherche à changer les représentations en incluant les personnes concernées ». Un travail essentiel, tant il est important qu’elles puissent avoir la parole sur les sujets qu’elles vivent au quotidien et être actrice et acteur de ces discours. 
 

« Comment passer de l’idée artistique et personnelle à la mise en œuvre entrepreneuriale et professionnelle : voilà mon évolution Pépite »

Pour donner vie à ses idées, Laura décide de présenter ces deux projets dans le cadre du FabLab, Formats audiovisuels de la Chaire Celsa, qui accompagne celles et ceux qui écrivent et développent des formats. Réalisation du pilote, « pitch » recherche de financement… : autant d’exercices auxquels elle a dû se prêter et qui furent particulièrement utiles tout au long de son parcours. Suite aux conseils avisés de Valérie Patrin-Leclère, l’entrepreneuse en devenir s’est ensuite lancée dans l’aventure Pépite. « C’est une belle voie de concrétisation des études et de professionnalisation. Les cours sont assez informels et on a un contact très proche avec tous les intervenants.» Grâce à ce dispositif, elle a pu appréhender le langage entrepreneurial et acquérir un ensemble de savoir être. Et Laura de conclure : « C’est un très bel accompagnement pour sortir du cadre de l’école, de la formation. Maintenant, je me sens complètement légitime. »

Lauréate du FabLab, du Prix Zeugma (à hauteur de 10 000 euros) et également du Prix Pépite Île-de-France 2022 (2 000 euros), ces trois récompenses marquent une réelle reconnaissance de son travail, témoignent de la volonté de mettre au premier plan les questions de genre dans le paysage audiovisuel et d’entendre les voix des personnes LGBTQIA+. Une reconnaissance à la fois personnelle, mais également sociale et politique, face à des minorités qui sont encore ignorées ou victimes de violence.

Au-delà de la formation et des récompenses, Pépite Sorbonne Université a également été l’occasion pour Laura de passer du statut d’apprenante à initiatrice : « Même dans ma relation avec les enseignants, je me sentais comme une personne capable. » Cet accompagnement est aussi une mise en réseau riche et fertile, permettant de travailler conjointement avec d’autres étudiantes-entrepreneuses et étudiants-entrepreneurs issus de diverses disciplines et aux profils variés, mais toutes et tous portés par leur volonté de faire aboutir leurs projets. Enfin, tout cela n’aurait pu avoir lieu sans le soutien d’une myriade de structures et de médias : le Gripic (Laboratoire de recherche en Sciences de l’information et de la communication du Celsa) au sein duquel Laura est accompagnée par la professeure Virginie Julliard,  XY média (média transféministe audiovisuel), Représentrans (annuaire d’artistes non-binaires et trans), Acceptess-T (association qui soutient, accompagne et défend les personnes trans), Act-Up, la DILCRAH (direction interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT) ou encore l’Initiative Genre de Sorbonne Université (initiative interdisciplinaire visant à fédérer les activités liées aux questions et études de genre). « Ce qui fait la force de ces projets, même si au début c’était un peu la faille, c’est que c’est personnel. » Parce que c’est un projet qui touche à l’humain, Laura n’a eu de cesse d’être portée par une tenace volonté de le faire aboutir.  

La suite de l’aventure ? 

Les Prix Pépite Île-de-France et Zeugma en poche, Laura déborde toujours autant d’idées. Concernant la série de fiction Entre nos mains, il faut désormais tourner l’épisode pilote mais aussi trouver une plateforme de diffusion ainsi qu’une boîte de production. Le projet ADELPHES n’en est qu’à ses balbutiements mais d’ores et déjà, elle songe aux différentes formes et activités que pourraient recouvrir ce projet, comme par exemple, la mise en place d’actions de sensibilisation aux questions de genre ou des activités dirigées vers les arts du spectacle. « Ce que je souhaite pour ma vie professionnelle, c’est créer du lien avec des gens qui ont besoin de parler et de prendre la parole » : un projet qu’elle aborde sereine et confiante. A-t-elle des conseils pour les étudiantes et étudiants qui souhaiteraient se lancer ? S’informer, foncer, croire en ses idées et ses projets, oser, et s’entourer des bonnes personnes ! Pour la suite, elle peut également compter sur la SATT Lutech - dont le but est d’accélérer l'innovation en transférant les technologies de la recherche publique d’Île-de-France vers le marché - pour laquelle ADELPHES sera le deuxième projet audiovisuel incubé. Voilà une belle promesse pour l’avenir ! 
 

Le Prix Zeugma

Les huit Pépites d’Ile-de-France, avec le soutien de Bpifrance et de la Région Île-de-France, proposent un concours pour soutenir des projets d’entreprises ou de création d’activité incluant une composante recherche et développement et qui bénéficie d’un partenariat avec une unité de recherche. Ce concours s’adresse aux étudiantes et étudiants entrepreneurs, doctorantes et doctorants, docteures et docteurs du périmètre des huit PEPITE de la Région Île-de-France.