Jonas August

Jonas August

Docteur Sorbonne Université et créateur d’Auxoway

En étant dans la recherche, nous devons trouver de nouvelles solutions, inventer de nouvelles expériences et mettre notre travail en valeur. La recherche et l’entrepreneuriat sont finalement assez liés dans leur vision et leur façon de faire. 

Jonas August a soutenu son doctorat en décembre 2022, en développant son sujet à l’interface de deux disciplines : la physique et la biologie. Afin de concrétiser ses recherches, il a fondé une start’up proposant des solutions aux semenciers avec l’aide de l’écosystème de Sorbonne Université autour de l’entrepreneuriat. 

Quel est votre parcours ?
Jonas August : Après les classes préparatoires en mathématiques / physique, j’ai intégré le magistère de physique fondamentale d’Orsay. En master 2, je me suis spécialisé en physique des plasmas et saisi l’opportunité de faire une thèse à l’interface entre la biologie et physique. J’ai évolué dans deux équipes : au Laboratoire de physique des plasmas avec Thierry Dufour et à l’Institut de Biologie Paris-Seine, dans le laboratoire Biologie du développement au sein de l’équipe « Biologie des semences » avec Christophe Bailly. 

Parlez-nous de votre sujet de thèse.
J.A. : Mon sujet traite de l’étude des effets d’un plasma froid d’air ambiant sur la physiologie des graines d’Arabidopsis, une espèce modèle en biologie. Il s’agit de comprendre les mécanismes d’actions fondamentaux des plasmas froids sur la germination et la dormance.

Le plasma est le quatrième état de la matière - l’état le plus abondant dans l’univers (99,9 % de la matière observable). C’est comme un gaz ionisé. Selon le degré d’ionisation de ce gaz, les plasmas peuvent être classifiés en deux catégories : les plasmas chauds et les plasmas froids. Les plasmas chauds, comme les étoiles, sont totalement ionisés. Les plasmas froids sont faiblement ionisés et produits en laboratoire en appliquant une décharge électrique dans un gaz. Les plasmas ont la particularité de générer des espèces réactives de l’oxygène et de l’azote.

J’ai montré que ces espèces réactives peuvent être transférées à travers les tissus de la graine et induire des phénomènes de levée de dormance et d’amélioration de la germination. L’enjeu fondamental de ma thèse a été de comprendre comment ses espèces sont transmises dans les tissus et d’appréhender les mécanismes physiologiques associés au niveau tissulaire et cellulaire.

Avec vos encadrants, vous avez créé Auxoway. Quelle a été l’origine de cette start’up ?
J.A. : Auxoway développe des procédés innovants utilisant les plasmas froids pour améliorer les propriétés germinatives et la décontamination des semences. Les résultats prometteurs que j’ai obtenus pendant ma thèse ont suscité l’intérêt des semenciers pour cette technologie.

Nous avons donc décidé de nous lancer dans la création d’une start’up pour développer des applications apportant des solutions à des problématiques industrielles. À terme, nous voulons transférer la technologie chez nos clients. Pour l’instant, nous avons des contrats de co-développement. Nous réalisons des preuves de concept et des recettes sur mesure. Nos clients ne connaissent pas du tout la technologie. Nous devons leur prouver que cela marche. Nous développons des protocoles de traitements au plasma froid adaptés aux problématiques proposées pour ensuite à terme transférer la technologie et construire des machines adaptées. 

Pourquoi les semenciers s’intéressent-ils à ce procédé ?
J.A. : Il y a plusieurs raisons pour lesquelles notre technologie intéresse les semenciers. Aujourd’hui, ils utilisent des produits phytosanitaires, chimiques qui vont être bientôt interdits et des procédés coûteux en énergie. Ils se retrouvent petit à petit sans solution pour lever la dormance, augmenter la vigueur germinative ou décontaminer les semences. Par exemple, les procédés conventionnels de prégermination nécessitent des étapes d’hydratation et de séchage des semences qui durent plusieurs jours alors qu’avec le plasma, elles sont inutiles. Nous traitons les graines sèches directement, les procédés sont courts, de l’ordre de la dizaine de minutes. Cela réduit fortement le coût énergétique et évite l’utilisation de produits chimiques. 

Comment Pépite et tout l’écosystème Sorbonne Université autour de l’entrepreneuriat est intervenu dans la création d’Auxoway ? 
J.A. : C’est Christophe Bailly qui m’a parlé de Pépite. J’ai trouvé que c’était une bonne opportunité : je pouvais travailler sur mon projet entrepreneurial en même temps que sur ma thèse. J’ai passé le comité d’entretien et je suis rentré dans la promotion 2021-2022 alors que la structure n’était pas encore créée.

Mon parcours à Pépite a été déterminant parce que j’ai assisté à des cours adaptés à mon projet et j’ai découvert le monde de l’entrepreneuriat. J’ai pu être accompagné par un mentor, Victor Perrin Turenne, un chargé d’affaires à la BPI, qui m’a aidé à structurer financièrement mon projet avec une vision à plus long terme. Pépite, c’est aussi un beau réseau. La Satt Lutech nous a aussi aidé dans le dépôt d’un brevet.

Nous avons créé la structure fin janvier 2022. Depuis janvier 2023, je suis président d’Auxoway et nous continuons ensemble, avec Thierry et Christophe, à travailler sur le projet.

Concrètement, de quelles aides avez-vous bénéficié ?
J.A. : J’ai reçu le Prix pépite Île-de-France en 2022 et le prix concours 2022-2023 innovation start’up de Végépolys Valley, le pôle de compétitivité d’Angers, un gros pôle végétal qui nous aide à accéder au marché, avec un réseau dans toute la France et à travers l’Europe. Je suis également accompagné par la BPI. Auxoway a obtenu la qualification Deeptech de BPI France et la bourse French Tech Emergence pour développer les premiers stades de l’entreprise.

Depuis septembre 2022, nous sommes incubés au Village by CA de Paris. Nous construisons notre projet, notamment notre business plan, et cherchons des investisseurs pour construire notre vision à court, moyen et long terme. Nous baignons dans un réel écosystème facilitateur.

Comment voyez-vous l’avenir ?
J.A. : Nos prochaines grandes étapes sont de chercher des investisseurs pour développer l’activité, de définir notre stratégie commerciale et de recruter du personnel avec des profils plutôt scientifiques, des techniciens, des ingénieurs mais aussi des profils business. Nous avons une grosse partie R&D à réaliser pour développer des machines transférables.

Pour le moment, je suis dirigeant non salarié, la première étape sera de me créer un poste. D’ici septembre 2023, nous comptons lancer notre campagne de recrutement. Nous avons signé déjà quelques contrats, nous générons du chiffre d’affaires, il y a donc un fort intérêt de la part des acteurs privés. Nous voulons, à plus long terme, devenir un acteur incontournable de l’innovation pour le végétal. 

Quels conseils donneriez-vous aux doctorantes et doctorants ?
J.A. : Choisir un sujet interdisciplinaire est une super expérience. Rassurez-vous, vous travaillerez dans une équipe qui vous aidera.

Deuxième chose, ce n’est pas parce que vous travaillez sur un sujet fondamental que vous ne pourrez pas valoriser ses travaux. Si vous avez une idée ou une envie, n’hésitez pas, c’est très enrichissant et des structures comme Pépite peuvent vous aider. Même si ce n’est pas lié à la thèse, même si elle n’aboutit pas, c’est toujours une bonne expérience. Pour réussir, il faut savoir faire autre chose et se vider la tête. Travailler sur des projets transversaux peut aider à se sentir mieux.

Autre conseil, allez discuter avec les autres doctorants pour voir ce qui se fait ailleurs. Vous pouvez trouver des analogies, des idées nouvelles. Personnellement, j’ai réussi à débloquer certains de mes problèmes avec des doctorants d’autres disciplines comme les neurosciences.

Au départ de ma thèse, j’étais loin de penser à créer une start’up. De fil en aiguille, cela s’est fait naturellement. En étant dans la recherche, nous nous remettons toujours en question et nous entreprenons continuellement. Nous devons trouver de nouvelles solutions, inventer de nouvelles expériences et mettre notre travail en valeur. La recherche et l’entrepreneuriat sont finalement assez liés, dans leur vision et leur façon de faire. 


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