Eric Thiébaud

Eric Thiébaut

Directeur de l'Observatoire des sciences de l'univers STAMAR

Au‐delà de l’acquisition de connaissances fondamentales, il est aussi important de mettre à disposition du décideur ou du gestionnaire les éléments scientifiques pour répondre à des enjeux sociétaux.

Professeur d’océanologie biologique, Eric Thiébaut  est directeur de l'Observatoire des sciences de l'univers « Stations marines » Sorbonne Université (OSU STAMAR), il encourage une recherche en prise avec les enjeux sociétaux.  

« Attiré par la culture naturaliste dès le collège, je voulais travailler très tôt sur des questions de biologie et d’écologie », se souvient Eric Thiébaut. Après un DEUG de sciences naturelles à l'université de Rouen, ce Breton d’adoption intègre la licence de biologie des organismes de l'université Pierre et Marie Curie. Une école d’été à la station biologique de Roscoff, puis une première campagne océanographique à la station de Villefranche-sur-Mer lui donnent le goût pour la conservation et la gestion de la biodiversité marine. « Là, j'ai définitivement attrapé le virus. C'était un milieu qui m'était familier », confie ce Dieppois d’origine.  

Fidèle à l’université Pierre et Marie Curie, devenue depuis Sorbonne Université, il y fait sa maîtrise de biologie des organismes et des populations, option écologie marine, son DEA d'océanologie biologique, puis sa thèse à Roscoff. Après une escapade de 9 mois en post-doc à l’université de Southampton (Royaume-Uni), il y est recruté en 1995 pour gérer les enseignements d'écologie marine et d'océanographie biologique.

À la station biologique de Roscoff qu’il rejoint définitivement en 2006, il s’intéresse aux mécanismes qui contrôlent la dispersion des larves. Avec des océanographes physiciens, il met en place des modèles biophysiques pour identifier les principaux facteurs qui régulent cette source de variabilité des populations marines. Ces travaux l’amènent à travailler sur les populations benthiques  côtières pour voir comment elles varient dans le temps et l'espace et à évaluer les conséquences des changements environnementaux et des pressions dues à l’activité humaine. « Avec le réchauffement climatique, nous assistons à des bouleversements de la biodiversité. Certaines espèces d'affinité d'eau froide vont disparaître de nos mers, comme le cabillaud, tandis que d’autres d'affinité d'eau chaude vont coloniser la façade Manche-Atlantique », explique Eric Thiébaut.

Les yeux dans la mer et les pieds sur Terre

Ses recherches le conduisent à participer à des missions d’expertise sur les écosystèmes marins en participant au conseil scientifique de l’Agence des aires marines protégées, au comité de pilotage d’un site Natura 2000 ou en contribuant à différents groupes de travail sur la sensibilité des habitats benthiques. « En tant qu'expert scientifique, mon travail est d’apporter de la complexité et un éclairage objectif pour alimenter une réflexion pluridisciplinaire avec des géographes, des économistes, des spécialistes des ressources halieutiques. Nos activités de recherche doivent répondre à des questions d'écologie et d'océanographie. Mais au‐delà de l’acquisition de connaissances fondamentales, il est aussi important de mettre à disposition du décideur ou du gestionnaire les éléments scientifiques pour répondre à des enjeux sociétaux et avoir une gestion raisonnée des espaces littoraux », indique l’enseignant-chercheur.

Depuis l’automne 2022, le professeur d’océanologie biologique siège également au conseil scientifique de l'Observatoire de l'éolien en mer afin de participer à l’évaluation de l'impact des éoliennes sur les milieux marins. « En France, le premier parc éolien en mer n’est installé au large de Saint-Nazaire que depuis six mois. Mais des parcs équivalents sont déjà déployés depuis de nombreuses années dans d'autres pays européens, en particulier les pays limitrophes de la mer du Nord¸ souligne le biologiste. L’une des missions du conseil scientifique sera de suivre les travaux de synthèse réalisés par ces pays sur les effets multiples de ces parcs (bruit, dégradation des habitats, champs électromagnétiques, risques de collision, etc.) et de promouvoir des projets de recherche originaux afin d’aider à la prise de décision politique ».

Convaincu de l’importance de faire une recherche en prise avec la société, Eric Thiébaut s’est depuis longtemps investi dans l’insertion professionnelle de ses étudiants. « Avec le responsable de scolarité du master Sciences de la mer, Alain Nierga, nous sommes partis du constat que nos étudiants se débrouillaient très bien pour poursuivre en thèse, mais étaient un peu naïfs sur le marché de l'emploi et la manière de s'insérer en dehors du doctorat. Nous avons donc essayé de les informer sur ce que devenaient les promotions précédentes et leur donner les clés pour rédiger un CV, analyser une offre d'emploi, rédiger une lettre de candidature, passer un entretien d'embauche, etc. Désormais ce module d’insertion professionnelle est obligatoire pour tous les étudiants de l’université, mais à l’époque nous étions précurseurs ! C'est important de les amener à s'interroger sur le monde professionnel dans lequel ils ont envie d'évoluer », rappelle le co-responsable du parcours « biodiversité et conservation des écosystèmes marins » du master Sciences de la mer.

Anticiper l’observation de demain

Eric Thiébaut dirige, par ailleurs, l’OSU STAMAR qui fédère les trois stations marines de Sorbonne Université : Roscoff, Banyuls et Villefranche-sur-Mer. « L’OSU a pour mission principale de coordonner la mise en œuvre d’actions d’observation à long terme des environnements marins dans les trois stations marines dont les expertises sont complémentaires, et de créer des synergies à travers des projets structurants », précise-t-il. Lancé à l’automne 2022, le projet Future-Obs, soutenu par le programme prioritaire de recherche Océan et climat, en est un exemple. Il réunit les 3 stations marines autour de l'observation de demain et regroupe 11 institutions de recherche dont le CNRS et 17 laboratoires partenaires. « Ce projet permettra de développer, d’ici six ans, des stratégies d'observation innovantes, afin de mieux décrire et prédire, de manière pluridisciplinaire, la dynamique des socio-écosystèmes côtiers dans lequel l’homme est une composante incontournable », conclut le directeur.