Clémence Bouvier

Clémence Bouvier

Lauréate du prix des internautes du concours MT180 Sorbonne Université 2023

Préparer sérieusement MT180 demande un investissement, mais cela nous permet de prendre du recul sur notre sujet ce qui est finalement du temps de gagné pour la rédaction de la thèse.

Passionnée par la cryptographie, Clémence Bouvier est doctorante en 3ème année dans l’école doctorale EDITE. Elle travaille sur les outils mathématiques cachés derrière les preuves à divulgation nulle de connaissance c’est-à-dire qui permettent de démontrer ce que l'on ne peut révéler, comme par exemple qu’un calcul est correct sans révéler les nombres qui ont été utilisés.

Clémence Bouvier, pouvez-vous nous retracer votre parcours en quelques mots ?
CB : Originaire de la Mayenne et passionnée par les mathématiques, j’ai d’abord fait une licence de mathématiques à l'université d'Angers. En dernière année, j'ai songé à m'orienter vers la cryptographie et me suis dirigée vers le master de mathématiques appliquées à la cryptographie proposé à l'université de Rennes. J'ai réalisé mon stage de deuxième année de master en cryptographie symétrique dans l'équipe Cosmiq de l'Inria Paris, sous la direction d'Anne Canteaut et Léo Perrin. Ce stage s'est naturellement poursuivi par une thèse.

Pourquoi avoir participé au concours "Ma thèse en 180 secondes" ?
CB : Je connaissais le concours et j'étais fascinée par la capacité des candidates et candidats à pouvoir relever ce défi. Mais à aucun moment, je n'ai pensé que je pouvais moi-même y participer. J'avais le sentiment que mon sujet sortait du cadre de ce qui est habituellement proposé. En novembre 2022, mon école doctorale a organisé une journée de rencontre entre doctorantes/doctorants et j'ai pu proposer une présentation de mon sujet en trois minutes. Les retours que j'ai eus m'ont finalement convaincue pour me lancer dans l'aventure. Cette journée aura été le coup de pouce qui me manquait car j'adore partager et transmettre mes connaissances.

Trois minutes pour résumer une thèse entière, cela semble court... Est-ce difficile de parler de ses travaux de thèse à un public néophyte ?
CB : Pour expliquer simplement quelque chose, j'ai pour habitude de donner plein de détails pour être sûre de ne pas perdre l'auditoire, mais en trois minutes ce n'est pas possible, il faut être concis et efficace et c'est toute la difficulté. De plus, quand je parle mathématiques, je me retrouve généralement face à des réactions du genre : "Moi les maths, j'ai arrêté de comprendre au collège", mettant fin à toute possibilité de captiver l'attention ensuite. C'est donc un défi supplémentaire que de trouver les bonnes images, les bons mots afin d'éviter le blocage immédiat dû à cette phobie des mathématiques.

Comment avez-vous vécu cette expérience ?
CB : J'ai pris beaucoup de plaisir dans la préparation du concours. C'est tout d'abord une belle aventure humaine durant laquelle j’ai rencontré d'autres doctorantes et doctorants, toutes et tous passionnés par leur sujet et cette envie de transmettre. Préparer sérieusement MT180 demande un petit investissement, mais cela nous permet de prendre du recul sur notre sujet, réfléchir au fil directeur qui lie les différents travaux menés pendant notre thèse, ce qui est finalement du temps de gagné pour la rédaction de la thèse.

Comment avez-vous été préparée à ce concours ?
CB : Pour la phase de sélection, j'ai réalisé une petite vidéo que j'ai envoyée à mes amis et ma famille. Pour le concours, j'ai fait de nombreuses répétitions avec mes collègues, si bien qu'ils auraient même pu faire la présentation à ma place ! J'ai aussi suivi la formation d'Alexandra de Kaenel, qui nous a bien préparés tant pour la gestion du stress, la posture, que le contenu du discours. Les retours des autres candidates et candidats étaient également très précieux. Enfin, comme pour chacune de mes présentations, j'ai beaucoup discuté avec mon miroir. Une autre méthode très personnelle que j'utilise quand je suis seule, c'est de m'entraîner devant le journal de 20h ! Avoir une image en mouvement devant soi est plus perturbant que de parler devant son miroir, cela oblige à être plus concentré, et on peut aussi s'entraîner à fixer le regard d'une personne en regardant le présentateur dans les yeux.

Quelles ont été les principales difficultés à surmonter ?
CB : Je dirais que la difficulté majeure était d'imaginer une façon simple d'expliquer mon sujet. Ce n'est pas évident de trouver le bon équilibre entre vulgariser et expliquer précisément ce que l'on fait. Au début de la formation, mon discours était assez technique, il a fallu réfléchir à des images pour expliquer la même chose, mais de façon plus abordable, comme par exemple le sudoku pour les preuves à divulgation nulle de connaissance. Je suis une personne de nature assez stressée, j'ai donc dû faire beaucoup de répétitions pour compenser : le stress de la présentation devant tant de personnes, de passer sur YouTube, la pression du chronomètre, l’angoisse du trou de mémoire, etc.

Que vous a apporté la participation à cette compétition ?
CB : Ce concours m'a énormément appris. Depuis le tout début de ma scolarité, l'oral a toujours été mon point faible. Etre sélectionnée parmi les 18 finalistes de Sorbonne Université était déjà une immense victoire. Remporter le prix des internautes m'a encore plus redonné confiance. J'ai aussi souvent tendance à me mettre en retrait et à me cacher derrière les autres, notamment dans le cadre professionnel. MT180 était mon projet, personne ne pouvait le faire à ma place. Je suis donc extrêmement fière d'avoir pu le mener à bien et avec autant de réussite.
Grâce à la formation, nous avons également reçu plein de conseils pour mieux aborder nos présentations. Ces quelques jours de préparation intense me serviront indéniablement pour de futurs exposés scientifiques ou présentations de vulgarisation et médiation.

Quels peuvent être les effets de ce concours sur l’image des doctorants et de la recherche ?
CB : Le concours apporte une visibilité aux doctorantes/doctorants, autre qu'une liste austère de publications. J'ai l'impression que pour de nombreuses personnes la définition d'un chercheur ou d'une chercheuse est une personne seule, isolée dans son bureau, lancée dans une course effrénée à la publication, ce qui peut paraître assez effrayant. Pour moi, la recherche est avant tout un partage et je crois que c'est l'image même renvoyée par le concours : celle de jeunes chercheurs passionnés, très heureux d'expliquer leurs travaux.

Retrouvez la présentation de Clémence lors de la finale