Alice Recher

Alice Recher

Escrimeuse de haut-niveau et étudiante en histoire de l'art

Encore taboue, la santé mentale est pourtant aussi sinon plus importante que la santé physique.

Porte-drapeau à 11 ans pour les championnats du monde d’escrime de 2010 au Grand Palais, c’est cette fois en tant que fleurettiste qu’Alice Recher, étudiante en Histoire de l’art, compte entrer sous la verrière de la Belle Epoque pour faire mouche aux prochains Jeux Olympiques de Paris.

Comment est née votre passion pour l’escrime ?

À cinq ans, alors que je regardais les JO d’Athènes 2004 avec ma famille, j’ai tout de suite voulu faire ce sport quand j’ai vu deux escrimeurs s’affronter sur une piste. À la rentrée, mes parents m’ont inscrite au Cercle d’Escrime de Suffren où le maître d’armes, Jean-Pierre Mazzella, m’a acceptée malgré mon jeune âge car je tenais un fleuret sans difficulté. À partir de ce moment-là, je n’ai jamais cessé de m’entrainer.

Quelles études faites-vous actuellement ?

Alors que je voulais au départ devenir chirurgienne en gynécologie obstétrique, mon intérêt pour l’art et les matières littéraires m’ont amenée à me tourner vers la licence d’Histoire de l’Art et Archéologie proposée par Sorbonne Université après mon bac scientifique. Aujourd’hui en master 1 de cette spécialité et à quelques mois de la soutenance de mon mémoire sur la couleur dans le cinéma de Jacques Demy, je m’interroge sur la suite de mes études. L’année de césure en 2024 pour les JO de Paris me permettra d’y réfléchir.

Comment conciliez-vous vos études et le sport de haut niveau et comment Sorbonne Université vous accompagne dans ce double projet ?

Depuis petite, j’ai réussi à concilier les deux. Et quand le rythme de mes entrainements et de mes compétitions a augmenté, mon statut de sportive de haut niveau (SHN), m’a permis d’avoir des dispenses d’assiduité et d’étaler sur plusieurs années la validation de ma licence 3 et de mon master 1.

Aujourd’hui, je vis et m’entraîne à l’Insep (l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance) en moyenne cinq heures par jour, cinq jours sur sept, sans compter les compétitions et les séances de rééducation dont j’ai besoin. Je travaille mes cours et mon mémoire le soir et, parfois, une ou deux heures avant mes entrainements ou quand une demi-journée se libère.

J’ai également eu la chance de bénéficier du programme de bourse Passeport pour les JO soutenu par Crédit Agricole d'Ile-de-France Mécénat et la Fondation Sorbonne Université. Cela m’a notamment permis d’acquérir le matériel nécessaire à mes recherches, et de gagner beaucoup de temps dans mon travail.

Que représentent les JO de Paris pour vous ?

Si je m’entraine depuis toutes ces années, c’est pour cette journée des possibles ! Le prestige est immense, mais c’est aussi l’occasion de surprises, de déclics même parfois.

Le fait que cela se passe à domicile, avec son public, crée une émotion intense qui peut donner beaucoup de force. Tirer au Grand Palais est aussi pour moi tout un symbole car j’y étais à 11 ans en tant que porte-drapeau pour les championnats du monde de 2010.

Comment vous y préparez-vous ?

Ma préparation passe d’abord par de la rééducation et un renforcement de ma cheville gauche dont j’ai été opérée après une entorse grave. Je dois ensuite trouver un équilibre entre préparation physique, entrainements spécifiques et compétitions afin de ne pas arriver exténuée sur une épreuve de coupe du monde – des épreuves pluriannuelles déterminantes pour la qualification aux championnats d’Europe, du Monde et aux Jeux Olympiques. Pour progresser, je remets régulièrement en question mon travail et je n’hésite pas à aller chercher ailleurs ce qui pourrait me manquer.

Le dernier aspect indispensable, c’est la préparation mentale. Je suis suivie par une psychologue de l’Insep depuis un an et demi pour garder « un esprit sain dans un corps sain ». Encore taboue, la santé mentale est pourtant aussi sinon plus importante que la santé physique.

Avez-vous un rituel avant chaque compétition ?

Oui, mon échauffement. Il est en grande partie basé sur de la mobilité : un moment en musique, qui me permet d’atteindre, selon mes besoins du moment, soit un certain niveau de concentration et de calme, soit un état de motivation extrême avec une grande soif d’en découdre.

Quel est votre souvenir le plus marquant lors d’une compétition ?

Mes souvenirs les plus marquants sont peut-être aussi les plus vagues. Il y a une sorte de dissociation, comme dans certains rêves, provoquée par l’euphorie. Je me souviens d’une compétition qui a été un déclic : le Challenge International des Hauts de Seine organisé par mon club BLR92 en janvier 2022. Les meilleures Françaises, dont la Championne du monde en titre et quelques internationales étaient présentes. Entre le Covid que j’avais attrapé peu de temps avant et mes douleurs à la cheville, mon entrainement s’était fragmenté. La compétition avait très mal débuté avec deux défaites en poules. Puis, j’ai dû combattre ma meilleure amie. Ce genre de rencontres me perturbent encore beaucoup. Ce n’est qu’après avoir été menée 14-7 (les matchs sont en 15 touches) que j’ai su me remotiver pour remonter et gagner le match ainsi que ceux qui suivirent.

Cette compétition était un combat permanent contre moi-même. Quand j’ai gagné la finale, je me souviens de mes cris, de la foule, du speaker, de cette sensation qui m’a suivie pendant quelques semaines. Plein de doutes et de peurs avaient disparu. Je retrouvais mon jeu, mes sensations, mon goût pour mon sport, après cinq ans de blessures successives.


Photographie © François Le Guen

Palmarès notable :

•    Troisième aux Championnats d'Europe U23 2022 - Fleuret Dames
•    Première aux Championnats d'Europe U23 2022 - Fleuret par équipe Dames
•    Première au Challenge International des Hauts-de-Seine 2022 - Fleuret Dames
•    Première à la Coupe du Monde de Zagreb M20 2017