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Condorcet démocrate?

Ce colloque analyse dans quelle mesure les conceptions de la citoyenneté, des institutions politiques, du vote, de la délibération ou encore de l’opinion publique chez Condorcet peuvent être qualifiées de démocratiques.

  • Du 30 juin. 2022 au 01 Juil. 2022

  • 14:00 - 18:15
  • En ligne.

L’objet de ce colloque est d’éclaircir et d’interroger la place que Condorcet accorde à la participation du plus grand nombre dans sa théorie politique. Si Condorcet rejette explicitement la solution qu’il nomme lui-même “la démocratie pure”, dans quelle mesure ses conceptions de la citoyenneté, des institutions politiques, du vote, de la délibération ou encore de l’opinion publique peuvent-elles être qualifiées de démocratiques ? Parvient-il véritablement à concilier l’exigence de faire participer le plus grand nombre à l’exercice du pouvoir politique avec la crainte, qu’il manifeste à de nombreuses reprises, de l’irrationalité du jugement populaire ?

La théorie politique de Condorcet
Depuis déjà plusieurs décennies, et la publication de l’article précurseur de Joshua Cohen, “An epistemic conception of democracy”, la théorie politique de Condorcet fait l’objet d’un renouveau d’intérêt, notamment parmi les défenseurs d’une approche épistémique de la démocratie. Les auteurs appartenant à ce courant portent logiquement leur attention sur le théorème du jury, exposé par le marquis de Condorcet dans l’Essai sur l’application de l’analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix, qui manifeste la possibilité que l’agrégation des jugements individuels produise une raison commune supérieure à la raison individuelle des votants.

Un projet démocrate...
Cependant, l’attention exclusive portée au théorème du jury aboutit à une vision tronquée du rôle que la théorie politique de Condorcet accorde à la participation du plus grand nombre. En identifiant la valeur épistémique des procédures démocratiques au seul moment de l’agrégation des voix après le vote, cette lecture ne permet pas de mesurer le degré de “démocraticité” du projet politique de Condorcet. En effet, si le théorème du jury révèle l’extrême sensibilité de la règle de majorité à la compétence moyenne des votants, il ne donne pas en soi une raison de défendre la supériorité de la démocratie. Il risque au contraire de fournir un argument pour renvoyer la mise en place effective des procédures démocratiques à un lointain avenir, lorsque le plus grand nombre sera véritablement éclairé. Dans l’intervalle, il conviendrait de confier le pouvoir à des ministres éclairés, capables de réaliser un programme de réformes allant dans le sens d’une démocratisation de la société. Mais n’est-ce pas là reléguer la démocratie au rang de simple utopie, valant pour une hypothétique société future?

...Ou élitiste ?
Une telle lecture de la théorie politique de Condorcet possède des partisans de renom. Keith Baker, auteur d’un ouvrage de référence sur Condorcet faisant aujourd’hui encore autorité, perçoit le philosophe mathématicien comme “un démocrate prudent”, dont le projet politique est foncièrement élitiste, car animé par la conviction que les décisions rationnelles “ne peuvent provenir que du petit nombre des hommes éclairés”. A la suite de Keith Baker, Sophia Rosenfeld situe Condorcet parmi les défenseurs, au siècle des Lumières, d’une conception foncièrement élitiste du savoir, et conduisant en dernière instance au règne politique des experts.

Cette interprétation se heurte cependant aux nombreux textes où Condorcet propose des mesures allant dans le sens d’une participation politique du plus grand nombre. Le philosophe mathématicien défend en effet, dès avant la Révolution française, la ratification de la constitution et de la déclaration des droits à intervalle régulier par le peuple et la mise en place d’un pouvoir de contrôle des assemblées primaires sur le corps législatif. Il accorde également une fonction centrale à l’opinion publique comme moyen d’orienter rationnellement les programmes de réformes politiques. On comprend que Nadia Urbinati considère la théorie politique de Condorcet comme une troisième voie parmi les théories de la représentation politique au XVIIIe siècle, entre l’élitisme libéral de Sieyès et la radicalité du projet démocratique de Robespierre. Pour Urbinati, Condorcet est le théoricien de la démocratie représentative au XVIIIe siècle, précisément parce qu’il est parvenu à réconcilier représentation et participation.
 

Programme

Organisateurs
- Gabriel Darriulat, doctorant contractuel à l'UFR de philosophie
- Céline Spector, professeure à l'UFR de philosophie
Organisé en partenariat avec l'Université Laval au Québec.

Modalités de connexion
30 juin : https://us02web.zoom.us/j/88450001611 (ID de réunion : 884 5000 1611)
1 juillet : https://us02web.zoom.us/j/86266085685 (ID de réunion : 862 6608 5685)