Le plasma, un traitement d'avenir
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Le plasma froid, un nouvel espoir contre le cancer

A l’interface entre biologie et physique, la médecine "plasma" offre de nouvelles perspectives pour le traitement du cancer.

Thierry Dufour, maître de conférences à Sorbonne Université, spécialiste de la physique des plasmas appliquée aux sciences de la vie 1, et Laura Fouassier, biologiste cellulaire à l’Inserm 2, se sont associés pour développer un projet visant à traiter par plasma froid un cancer du foie aujourd’hui incurable. Ils sont accompagnés par deux jeunes chercheurs Florian Judée, spécialiste dans l’interaction matière, plasmas et modèle vivant et Javier Vaquero, biologiste spécialiste du cancer du foie. Après avoir remporté l’appel à projets du labex PLAS@PAR et celui de Sorbonne Université, ces chercheurs viennent d’être lauréats de l’appel à participation lancé par Curamus, le site intégré de recherche sur le cancer (Siric) de Sorbonne Université.

A l’interface des stratégies thérapeutiques utilisées en médecine clinique, le traitement par plasma froid constitue un espoir pour soigner certains cancers rares et très résistants.

Quatrième état de la matière, le plasma est un gaz ionisé électriquement neutre. Il est constitué d’électrons, d’ions et de radicaux dont la combinaison donne lieu à un ensemble complexe de propriétés énergétiques, lumineuses, chimiques, de champ électrique et d’écoulement gazeux.

Alors que la radiothérapie utilise le rayonnement, que le traitement par hyperthermie induit de la chaleur et que la chimiothérapie nécessite l’ingestion de substances chimiques, le traitement par plasma froid vise à combiner leurs effets pour gagner en efficacité.

 
Les différents effets du plasma sur une tumeur

Les différents effets du plasma sur une tumeur © Thierry Dufour

« Notre consortium conjugue les talents de physiciens et de biologistes pour développer une thérapie "plasma" innovante visant à générer des effets anti-tumoraux significatifs, sélectifs et persistants », indique Thierry Dufour. 

Alors que les physiciens cherchent à identifier les différents leviers d’actions du plasma froid, les biologistes essaient, en parallèle, de comprendre comment les cellules tumorales répondent à ce nouveau traitement. Ils travaillent sur le cancer des voies biliaires, le cholangiocarcinome. Longtemps asymptomatique, ce cancer est souvent détecté trop tardivement ce qui réduit le champ des options thérapeutiques.

Le traitement par plasma froid réduit significativement la progression du cholangiocarcinome sans aucun effet toxique identifié. Grâce à nos expériences, nous avons observé, de manière reproductible, des réductions de la taille des tumeurs similaires à celles obtenus par chimiothérapie.

Florian Judée

Un projet interdisciplinaire au cœur du plasma et des cellules

Pour développer ce projet, les physiciens ont tout d’abord construit le dispositif thérapeutique au laboratoire de physique des plasmas (LPP). Ils ont développé deux sources de plasmas froids qu’ils ont ensuite installées au Centre de Recherche Saint-Antoine (CRSA) pour les tester sur un modèle murin. Là, en collaboration avec le dermatologue S. Guegan, les biologistes ont évalué l’effet du plasma sur la peau. Biologistes et physiciens ont ensuite recherché ensemble les paramètres optimaux permettant d’éviter tout risque de brûlure avant de sélectionner la source la plus efficace sur les tumeurs.

« Chacun apporte son expertise au projet, tout en faisant un effort de vulgarisation et de compréhension vis-à-vis de l’autre. Nous faisons sans arrêt des allers retours entre physique et biologie », précise Laura Fouassier.

Les résultats sont très encourageants. En appliquant le plasma froid quelques minutes sur les zones cancéreuses, les chercheurs ont observé une diminution significative de la croissance des tumeurs.

« Le traitement par plasma froid réduit significativement la progression du cholangiocarcinome sans aucun effet toxique identifié. Grâce à nos expériences, nous avons observé, de manière reproductible, des réductions de la taille des tumeurs similaires à celles obtenus par chimiothérapie », affirme Florian Judée.

Après avoir analysé les cellules traitées, les chercheurs ont identifié des zones de calcifications qui seraient, selon eux, le signe de mort cellulaire dans les tumeurs traitées avec les plasmas.  « L’une des hypothèses que nous privilégions est que les plasmas froids peuvent générer des espèces réactives de l'oxygène (ROS) capables d’altérer l’ADN des cellules cancéreuses et à terme d’induire leur mort par apoptose 3 », explique Javier Vaquero.

Calcifications observées dans les zones tumorales traitées par plasma

Calcifications observées dans les zones tumorales traitées par plasma © F. Merabtène, Plateforme histomorphologie, analyse réalisée par le Dr J. Augustin, Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, Hôpital Pitié-Salpêtrière-CRSA

Des perspectives prometteuses

Après seulement un an de recherche, deux articles sont en cours de publication et un brevet est déposé en collaboration avec Inserm Transfert pour la valorisation et le transfert technologique.

Par la suite, les scientifiques espèrent comprendre plus précisément les mécanismes d’action du plasma froid dans le traitement du cancer. Cela leur permettra d’optimiser cette thérapie pour, à terme, la tester sur d’autres types de tumeurs. Ils poursuivent, par ailleurs, le développement technologique du dispositif avec pour objectif de surmonter les limites qu’impliquent les approches cliniques conventionnelles actuelles.

« Nous avons consulté des chirurgiens, des oncologues, des endoscopistes et bien d’autres acteurs pour avoir le point de vue de cliniciens sur nos travaux. Ils semblent vivement intéressés par l’interdisciplinarité, l’audace et la vision de notre projet », concluent Laura Fouassier et Thierry Dufour.

Les enjeux sont très importants : une femme sur trois et un homme sur deux se verront diagnostiquer un cancer avant l’âge de 85 ans.

Meet with Florian & Javier, PLAS@PAR young researchers, Post-doc


1Laboratoire de physique des plasmas (LPP) dirigé par P. Chabert

Centre de recherche Saint-Antoine (CRSA), Equipe « Maladies fibro-inflammatoires d’origine métabolique et biliaire du foie » dirigée par C. Housset

3 L’apoptose est le processus par lequel des cellules déclenchent leur auto-destruction en réponse à un signal.