
Lutèce Dynamics révolutionne l’imagerie biomédicale
Issue des laboratoires de l’Institut de la Vision, la startup Lutèce Dynamics s’est construite autour d’une technologie innovante : la tomographie à cohérence optique plein champ dynamique.

Salvatore Azzollini, docteur de Sorbonne Université, est devenu le cofondateur et directeur général de cette entreprise prometteuse en imagerie biomédicale, capable de transformer profondément le monde de la recherche et de la clinique.
Une idée née du laboratoire
L’histoire de Lutèce Dynamics commence à Paris, dans le laboratoire dirigé par Kate Grieve à l’Institut de la Vision. Salvatore Azzollini, aujourd’hui directeur général, y arrive pour effectuer sa thèse après un parcours initial d’ingénieur optique en Italie, suivi d'une brève expérience dans le conseil. « Dès mon arrivée, l’idée de créer une startup était déjà présente, car mes collègues recevaient régulièrement des demandes d’acquisition de notre technologie lors de conférences », raconte Salvatore.
Grâce à un financement de l’agence nationale de la recherche obtenu par Kate Grieve, le laboratoire avait déjà recruté Tual Monfort, un postdoctorant qui deviendra cofondateur de Lutèce Dynamics. Celui-ci adapte alors une technologie initialement développée à l’Institut Langevin en un module « plug-and-play », compatible avec des microscopes commerciaux standards. « Notre objectif était d’amener cette innovation directement chez les biologistes », explique Salvatore Azzollini.
Une innovation technologique majeure
À la base de cette startup, il y a la tomographie à cohérence optique (OCT), une technologie d’imagerie non invasive développée dans les années 1990 aux États-Unis, initialement utilisée en ophtalmologie clinique. L’OCT permettait déjà d'observer le fond de l’œil avec une précision jusqu'alors inégalée. Mais au fil des années, les chercheurs ont perfectionné cette technique en améliorant sa résolution et sa rapidité.
C’est en adaptant cette technologie clinique à la microscopie que l'OCT plein champ a émergé. Contrairement à l’OCT classique qui scanne point par point l’organe, l’OCT plein champ capture directement des images en coupe, réduisant considérablement les temps d'acquisition tout en augmentant la résolution. « L’application principale de notre technologie concerne l'imagerie tridimensionnelle des cultures cellulaires, en particulier les organoïdes. Ces modèles, véritables avatars d’organes humains cultivés à partir des cellules du patient, possèdent le même patrimoine génétique que ce dernier. Ils offrent ainsi la possibilité de modéliser précisément des maladies génétiques ou de tester des médicaments directement sur des cellules représentatives du patient », explique Salvatore Azzollini.
Le chercheur Olivier Thouvenin, cofondateur de Lutèce Dynamics, a fait un pas supplémentaire en enregistrant des vidéos permettant d’observer les cellules dans le temps. « Nous avons découvert qu’en analysant les variations de la lumière réfléchie, par les cellules au cours du temps, il était possible d’obtenir des informations sur l’activité cellulaire, voire intracellulaire. Autrement dit, nous avons identifié une signature lumineuse directement liée à l’état de santé des cellules », détaille Salvatore Azzollini.
Cette découverte constitue une véritable rupture technologique en microscopie et ouvre la voie à une caractérisation non invasive des cellules. Contrairement à la microscopie traditionnelle, nécessitant l'injection de substances chimiques fluorescentes, la technologie développée par Lutèce Dynamics permet d'observer directement les cellules sur leur plaque de culture, sans aucune manipulation chimique préalable. « Nous envoyons simplement de la lumière vers l’échantillon, puis nous analysons la lumière réfléchie. Cela constitue un véritable changement de paradigme : les échantillons ne sont ni abîmés, ni modifiés, ni même préparés spécialement. Ils peuvent être observés directement de manière non invasive. Avec notre technologie, un même échantillon peut être observé tout au long de son évolution sans être détruit, ce qui est particulièrement intéressant pour modéliser des maladies ou développer de nouveaux médicaments », souligne-t-il.
De la thèse à la création d'entreprise
La volonté de valoriser commercialement cette technologie s'est rapidement concrétisée avec le dépôt de deux brevets dès la première année de thèse de Salvatore Azzollini. « Mon recrutement au laboratoire tenait probablement aussi à mon expérience dans le secteur industriel, qui me permettait d’avoir un double regard, technique et entrepreneurial, précise-t-il. Durant ma thèse, j’ai essentiellement perfectionné la partie optique, même si les bases étaient déjà bien établies, et co-développé le logiciel permettant de contrôler le microscope. Mon rôle a consisté à assurer la liaison entre les biologistes et les physiciens, en concevant des protocoles d’imagerie et d’analyse de données adaptés aux besoins spécifiques des biologistes. Par ailleurs, j’ai également exploré différentes applications en testant notre modalité d’imagerie sur divers modèles biologiques, notamment différents types d’organoïdes. »
Actuellement, Salvatore est le directeur général de Lutèce Dynamics aux côtés de plusieurs cofondateurs : Kate Grieve, la directrice du laboratoire ; Tual Monfort, qui a développé la technologie ; Olivier Thouvenin, maître de conférences à l’ESPCI et président de la société ; ainsi que Sacha Reichman, chef d’équipe à l’Institut de la Vision.
Un soutien institutionnel déterminant
Afin de structurer davantage leur démarche entrepreneuriale, Salvatore a suivi pendant sa deuxième année de thèse « My Startup program » de Sorbonne Université. « Ce programme de six mois m’a permis d’acquérir toutes les bases nécessaires à l’entrepreneuriat : propriété intellectuelle, aspects juridiques, modèle économique, comptabilité, etc. C’est là que j’ai réalisé mon premier pitch », se souvient-il. En 2024, il participe également au programme « Start-thèse » organisé par l’université.
Le projet a également rapidement bénéficié du soutien important de l’Institut de la Vision, habitué à accompagner de jeunes entreprises innovantes. « Nous avons été conseillés sur des aspects précis du développement entrepreneurial, notamment sur l’entrée sur le marché », explique Salvatore.
Côté financement, la recherche fondamentale avait été initialement soutenue par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et par l’ERC Consolidator Grant. Un autre financement décisif, un ERC Proof of Concept (POC), permet ensuite à l’équipe de contractualiser avec une entreprise spécialisée dans la conception de microscopes, lançant ainsi concrètement leur produit sur le marché.
Une reconnaissance nationale grâce au concours i-PhD
En 2024, Salvatore Azzollini reçoit le prix i-PhD décerné par la Banque Publique d’Investissement (BPI France). Ce prestigieux concours récompense les projets innovants issus de la recherche académique et offre aux lauréats un accompagnement personnalisé d’un an. « Grâce à ce prix, nous avons pu bénéficier d’un suivi très adapté, avec des sessions collectives et des coachings individuels ciblés sur nos besoins spécifiques », indique-t-il.
Prochaines étapes : développement de l'IA et levée de fonds
Aujourd’hui, Lutèce Dynamics aborde une phase décisive. L'entreprise a candidaté au concours i-Lab de la BPI afin de financer la R&D : « Nous souhaitons notamment étendre les tests de notre technologie à une plus grande variété d’échantillons biologiques. L’un de nos objectifs est aussi de renforcer la partie logicielle en intégrant des outils basés sur l’intelligence artificielle pour automatiser l’acquisition et l’analyse des images. Le but est d'avoir un système automatisé qui minimise au maximum l'intervention humaine, simplifiant ainsi l'expérience utilisateur », précise Salvatore Azzollini.
Sélectionnée par le magazine Challenge parmi les « 100 startups où investir en 2025 », Lutèce Dynamics prépare une levée de fonds pour la fin de l'année. Ces ressources permettront notamment de financer la production du premier module commercialisable, de renforcer l'équipe et de poursuivre le développement logiciel. Deux préventes auprès de partenaires stratégiques, l’une en France et l’autre aux États-Unis, sont déjà réalisées. « Ces premières ventes vont nous permettre d’affiner et de consolider encore davantage notre technologie, aussi bien au niveau matériel (hardware) que logiciel (software). L'objectif immédiat est donc de livrer et installer nos premiers modules chez ces laboratoires partenaires afin d'accélérer leur adoption », conclut Salvatore avec enthousiasme.