Jour de la Terre : le plastique comme thématique
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Jour de la Terre : le plastique comme thématique

Le mardi 23 avril, Sorbonne Université a célébré le Jour de la Terre sur un sujet d’actualité : le plastique. Cet événement a été l’occasion de réflexions et de discussions autour des défis liés aux plastiques, réunissant des scientifiques et des professionnels engagés. Ils étaient près de 120 étudiantes et étudiants, personnels et publics extérieurs à s’être rassemblés dans l’auditorium du Centre international de conférences de Sorbonne Université pour assister à la première édition de ce Jour de la Terre.

Première partie

Nathalie Drach-Temam, présidente de Sorbonne Université a ouvert la journée en soulignant la nécessité d'agir collectivement dans tous les domaines, que ce soit la formation, la recherche ou la vie étudiante. « Comme le dit notre collègue, le climatologue Hervé Le Treut, il est temps de passer d'une science de l'alerte à une science des solutions. »

Elle a également évoqué toutes les actions déjà mises en place par Sorbonne Université telles que la réalisation d'un bilan carbone et des audits énergétiques, le nouveau positionnement écoresponsable du campus de Saint-Cyr, le SPASER (un outil favorisant l'évolution des pratiques d'achats écoresponsables) et l'inscription de Sorbonne Université dans la démarche du label DD&RS - Développement Durable et Responsabilité Sociétale. Nathalie Drach-Teman a souligné le soutien aux initiatives locales ainsi que l'implication de chacune et chacun dans le tri des déchets et les éco-gestes. Elle a rappelé que notre engagement premier est à la fois scientifique et sociétal, et que notre communauté de recherche contribue aux travaux nationaux et internationaux sur le climat, la biodiversité, les océans et les matériaux, dont les plastiques. « Ces forces vives, réunies au sein de l’Alliance Université, sous la bannière des instituts pluridisciplinaires, sont les figures de proue de notre recherche d’excellence. »

Luc Abbadie, ancien directeur de l'Institut de la transition environnementale et co-auteur du rapport Jean Jouzel « Enseigner la transition écologique dans le supérieur » s’est ensuite exprimé. « Le plastique est omniprésent, on peut le traquer partout. Et pourtant, globalement, nos connaissances de ses effets restent faibles. » Après avoir évoqué le concept d'anthropocène (les activités humaines ont un impact significatif sur la planète), Luc Abbadie a posé des questions essentielles sur la conciliation entre développement social, économique et préservation de l'environnement, et a plaidé pour une réflexion approfondie sur notre rapport au vivant. Il a souligné l'importance de développer une pensée systémique, et a mentionné la formation à la transition écologique qui sera obligatoire, dès 2025, pour le public étudiant et les agents de la fonction publique.

L’intervenant suivant, Christophe Prazuck, directeur de l'Institut de l'Océan, a fait un état des lieux du plastique. « Chaque jour, un camion poubelle déverse son contenu dans l'océan, soit 11 millions de tonnes de plastique tous les ans. D'ici à 2040, la quantité de plastique pourrait doubler dans les océans », s’est-il alarmé. 

Il a enchaîné par une présentation du groupe Plastique qu’il anime - lancé en 2023 et regroupant une trentaine de chercheurs pluridisciplinaires -, soulignant l'engagement de Sorbonne Université dans ce sujet sociétal. Elle est d’ailleurs la seule université française à être accrédité par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). 

L’événement s’est poursuivi par une table ronde sur le sujet des plastiques dans notre société et l'apport de la recherche. 

Animée par la journaliste indépendante Dorothée Moisan, celle-ci a réuni des experts de divers domaines, notamment Sakina Mhaouty-Kodja, directrice de recherche CNRS à l'Institut de Biologie Paris Seine (IBPS) et présidente à l’Anses du groupe de travail sur les perturbateurs endocriniens, Katharina Rall, chercheuse auprès de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch, ayant travaillé sur les plastiques et les droits humains, Khashayar Saleh, professeur à l'UTC de Compiègne au laboratoire Transformations Intégrées de la matière renouvelable, spécialiste de la transformation de la matière, Cornelia Rumpel, directrice de recherche CNRS à l'Institut d'écologie et des sciences de l'environnement de Paris, spécialiste des pollutions des sols et Philippe Bolo, député démocrate du Maine-et-Loire, co-rapporteur de trois études sur la pollution plastique pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Chaque jour, un camion poubelle déverse son contenu dans l'océan, soit 11 millions de tonnes de plastique tous les ans.

Christophe Prazuck, directeur de l'Institut de l'Océan

Morceaux choisis

Cornelia Rumpel : « Il est indéniable que le compostage est une pratique bénéfique pour réduire les déchets et enrichir les sols en matière organique. Cependant, la contamination par des plastiques compromet son efficacité et peut avoir des conséquences néfastes sur les écosystèmes. L'introduction de plastique dans le compost est souvent le résultat de pratiques de tri inadéquates. Des études ont révélé que l'introduction de compost dans le sol entraîne au fil du temps une accumulation de microplastiques, nocifs pour la faune microbienne du sol. »

« Les sols sont trois à quatre fois plus pollués que les océans. »

Sakina Mhaouty-Kodja : « On trouve des phtalates à des niveaux non négligeables dans l'eau, donc dans l'urine, le liquide amniotique… Les substances comme le DEP, le DPP, le BPA, le DEHP présentent des risques pour la santé humaine et environnementale, perturbent le système endocrinien et diminuent la production de testostérone lors du développement fœtal. »

« Malgré les réglementations en place, il est pertinent de se demander si elles sont suffisantes pour réduire les risques pour la santé. Il est également nécessaire de questionner la pertinence des doses journalières tolérables et des réglementations pour limiter les usages et les contaminations. »

Katharina Rall : « En 2021, un rapport sur la situation en Turquie a révélé que le pays accepte les déchets venant de l'UE et d'autres pays. Nous avons mené des entretiens avec 64 personnes, dont 20 travaillaient dans des usines de recyclage et d'autres vivaient à proximité. Le témoignage d'un homme dans la vingtaine, qui avait travaillé dans une usine de recyclage pendant son enfance avant de ramasser des déchets dans la rue, évoque des problèmes respiratoires graves et des maladies de peau. »

« La Turquie reçoit de plus en plus de déchets de l'étranger, avec une augmentation des importations depuis 2018. Face à ces violations des droits humains, des actions sont nécessaires. » 

« Nous menons des plaidoyers et mettons en place des accords pour réguler l'exploitation avec un renforcement des contrôles. »

Khashayar Saleh : « C’est un constat : nous ne parvenons pas à remplacer le plastique par une alternative équivalente. La question est de savoir si nous pouvons nous passer totalement du plastique, ce à quoi la réponse est probablement non, étant donné qu'il existe un volume incompressible. Cependant, il est impératif de réduire sa production. Pour chaque tonne de plastique, 2 tonnes de pétrole sont extraites. »

« Il est nécessaire de sensibiliser, de mettre en place des filières de valorisation et de recyclage, et de travailler sur la substitution des plastiques par des matériaux biosourcés. Nous devons proposer des procédés plus sobres en ressources et s'engager dans une démarche d'écoconception, soutenue par une volonté politique. »

Philippe Bolo : « Nous devons faire preuve d'humilité dans notre action, en se basant sur des données factuelles fournies par des ONG et des entreprises, et sur la science. Il est essentiel d'évaluer les politiques publiques et les lois pour garantir leur bonne application et favoriser un dialogue sociétal. »  

« Les élus locaux ont un rôle crucial à jouer et doivent être sensibilisés aux effets de la pollution plastique. »  

« J’ai mis en place une coalition parlementaire internationale avec une vingtaine de pays dont le but est de coordonner les actions pour influencer les gouvernements et sensibiliser la société civile. »

Deuxième partie

La deuxième partie de la journée a été introduite par Guillaume Fiquet, vice-président Relations internationales, partenariats territoriaux et socio-économiques à Sorbonne Université, qui a insisté sur la nécessité de mutualiser les ressources pour former une génération de leaders capables de relever les défis climatiques. Puis, Mélodie Tran Thuan, vice-présidente Étudiantes et étudiants, a pris la parole pour saluer les initiatives étudiantes dans le domaine du développement durable.

Le public a ensuite découvert le réseau international étudiant pour le climat UniC, avec une présentation en multiplex depuis les universités partenaires de Sorbonne Université : l’université de Laval et celle de McGill au Québec, l’université de Rabat au Maroc et celle de Cheikh Anta Diop au Sénégal. Comptant plus de 1200 membres issus de 70 pays, UniC propose notamment d’outiller les étudiantes et étudiants pour renforcer leurs compétences en action climatique.

La fin de journée s’est poursuivie avec une série de courts-métrages sur le plastique, dont BAKELITE, par la championne d'apnée et chorégraphe Julie Gautier ou le petit film d’animation Bottle Cap

Enfin, une table ronde sur la sensibilisation à la problématique de la pollution plastique a clôturé la journée. L’occasion d’entendre Jean-Baptiste Fini, professeur et biologiste spécialiste des perturbateurs endocriniens au Muséum national d'Histoire naturelle, qui a travaillé sur une méthodologie innovante pour tester la perturbation endocrinienne potentielle des molécules migrant des contenants alimentaires (ANR PoLySafe).

Corinne Copin, médiatrice scientifique, est venue présenter le collectif Génération Mer qui réunit de nombreux acteurs des sciences participatives pour une gestion durable des océans. « Il faut sensibiliser du sommet des montagnes aux battants des lames », a-t-elle joliment rappelé. Pierre-Ange Giudicelli, alumnus de Sorbonne Université, a conclu la table-ronde en présentant l'association environnementale corse Mare Vivu, qu’il co-dirige. Engagée dans la préservation de la Méditerranée, elle promeut le zéro déchet et sensibilise la jeunesse aux enjeux environnementaux.

La Journée de la Terre à Sorbonne Université a permis d'aborder de manière approfondie les enjeux environnementaux liés à l'utilisation des plastiques, tout en encourageant la sensibilisation et la mobilisation pour des solutions durables.