Ce que font les lesbiennes à la littérature
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Ce que font les lesbiennes à la littérature

Aurore Turbiau, Sorbonne Université

On a vu ces derniers temps sur les réseaux se déchaîner une énième vague d’indignation contre certaines propositions féministes : en l’occurrence, contre la parution du livre d’Alice Coffin sur Le Génie lesbien – contre les propos qu’elle y tient, ou surtout contre ceux qu’on lui fait tenir en la caricaturant.

Pourtant, outre la question des femmes, c’est toute une forme d’hégémonie culturelle que dénonce Alice Coffin. Une hégémonie qui est en même temps masculine, blanche, hétérosexuelle – c’est-à-dire qu’elle redéploie sur le terrain culturel les dominations qui ont cours par ailleurs dans nos sociétés. Ça n’est pas un continent de la littérature ou de l’histoire de l’art qui est négligé par les canons officiels (médiatiques, universitaires, scolaires : ceux dont parle Alice Coffin), mais une multitude : globalement, collectivement en France, nous lisons très peu de femmes, très peu de noir·es, très peu de lesbiennes. Or c’était bien l’objet de son livre, que la polémique qui a été lancée contre elle a en partie fait oublier – polémique, il faut le rappeler, précisément antiféministe et lesbophobe car fondée sur un fantasme stéréotypé de « la haine des hommes ».

Il s’agissait au départ de parler du « génie lesbien » : de la place des lesbiennes, des rôles qu’elles jouent dans la constitution de la culture collective, et qu’on reconnaît peu. Sans détailler ici les idées qu’Alice Coffin développe dans son livre (il faudra le lire !), voici quelques pistes pour mieux connaître la littérature lesbienne – ses autrices, son histoire, ses théories.

Petit historique : de Sappho à Despentes

La grande poétesse lesbienne, celle que tout le monde cite comme figure tutélaire et image de l’insurpassable poétique, c’est Sappho, poétesse antique à la réputation mythique. On la connaît, heureusement, aujourd’hui : mais on ne connaît qu’une infime partie de son œuvre, la majorité ayant été détruite puis, au fil des siècles, abîmée par des traductions successives qui en niaient ou en déformaient le sens lesbien, ou par des lectures fétichisantes. En France, c’est notamment grâce au travail de Renée Vivien au début du XXᵉ siècle, poétesse lesbienne elle-même, qu’on a pu relire l’œuvre de Sappho, sans plus la trahir.

Reverie, de John William Godward, ou une vision fantasmée de Sappho.

Entre Sappho et Renée Vivien (ou Natalie Clifford Barney, écrivaine lesbienne proche de Vivien qui écrit à la même époque), dans l’histoire littéraire française des lesbiennes : le vide. Les « femmes qui aiment les femmes » ont vécu, elles ont sans doute écrit : on n’en a gardé que peu de traces. La plupart des histoires de la littérature française qui se sont penchées sur la question jusqu’à présent ne citent en fait en guise de textes « lesbiens » que des œuvres écrites par des hommes sur les lesbiennes. En premier lieu, de la littérature pornographique : de même que jusqu’à récemment, en tapant « lesbienne » dans un moteur de recherche, on avait plus de chances de tomber sur du contenu pornographique que sur du contenu culturel ou militant lesbien, on a plus de chances de trouver des figures de lesbiennes dans la littérature érotique masculine que dans la littérature classique.

Parmi les ouvrages littéraires, on cite La Religieuse de Diderot en tout premier chef, paru en 1760 ; puis La Fille aux yeux d’or de Balzac et Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier (parus tous les deux en 1835), et les « Femmes damnées » de Baudelaire (1857), quelques nouvelles de Maupassant. Jennifer Waelti-Walters parle d’un « male gaze » (regard masculin) sur les lesbiennes, seul regard considéré comme socialement et littérairement acceptable, le seul qui soit resté : en littérature, on ne connaît donc les lesbiennes que de cette manière voyeuriste, rarement pour en dire du bien ou les considérer avec respect. Elles sont en général soit des figures repoussoir de femmes monstrueuses, masculines, dénaturées (« dégénérées », comme dirait Michèle Causse), soit des paroxysmes de fantasmes sexuels.

Terry Castle dit aussi, en se fondant sur l’analyse des mêmes textes, que la représentation des lesbiennes en littérature, avant le XXe siècle, est impossible : elle n’est pas assimilable dans un récit traditionnel car, comme l’a montré Eve Kosofsky Sedgwick, le canon littéraire occidental s’est construit sur le question et la représentation des liens que les hommes entretiennent entre eux. Dans ce sens, la figure de la lesbienne est impossible car elle vient former une « nouvelle structure homosociale féminine » et par là questionne « radicalement », dans le récit, « la possibilité de la construction du lien social masculin » : d’où, montre Terry Castle, une tendance très nette des récits « lesbiens » à faire mourir ou disparaître les lesbiennes à la fin du récit (pour toutes ces analyses, je renvoie à la lecture de son livre The Apparitional Lesbian, et à celui de Sedgwick qui a été traduit en français, L’Épistémologie du placard).

La fin du XIXe siècle et le XXe siècle tout de même, enfin, voient surgir pour de bon les lesbiennes en littérature : pendant la Belle Époque et dans les décennies qui suivent, elles sont relativement nombreuses, ces femmes érudites et célèbres, lesbiennes ou bisexuelles, qui écrivent depuis leur expérience : Natalie Clifford Barney, Liane de Pougy (dont la correspondance vient d’être éditée), Renée Vivien, Lucie Delarue-Mardrus, Colette, Mireille Havet… Mais elles sont associées à un parfum de décadence et de scandale : elles sont sulfureuses, leurs livres ne sont pas à mettre dans n’importe quelles mains. On les oublie : peu à peu, leur lecture est réservée à des cercles d’initié·es, érudit·es de la culture lesbienne ou spécialistes de la littérature de la Belle Époque.

Natalie Clifford Barney, volontiers présentée comme autrice sulfureuse. Wikipedia

Les années 1960-1980 apportent un renouveau : en France les œuvres de Violette Leduc, puis de Monique Wittig surtout, donnent une nouvelle place aux lesbiennes en littérature – elles sont relativement peu lues, mais le symbole est là : en 1973, Monique Wittig, qui a reçu en 1964 le prix Médicis pour son roman L’Opoponax, publie Le Corps lesbien au sein des prestigieuses éditions de Minuit. Ces années-là, qui sont des années de grande effervescence féministe, théorique et politique, voient s’élaborer le courant du « lesbianisme politique » et l’idée d’une culture et d’une (ou d’) identité(s) lesbienne(s) : c’est vraiment à partir de là qu’on peut parler de littérature lesbienne sans risquer l’anachronisme.

Un réseau international d’autrices lesbiennes se constitue : elles voyagent et se rencontrent, Monique Wittig, Michèle Causse, Cathy Bernheim, en France, Nicole Brossard, Jovette Marchessault, Pol Pelletier, Marie-Claire Blais et d’autres au Québec, elles se rendent visite et s’inspirent (ou rejettent !) des idées des sœurs américaines – Kate Millett, Adrienne Rich, Ti-Grace Atkinson, Mary Daly, etc. Elles participent aux mêmes revues (Amazones d’hier, lesbiennes d’aujourd’hui, Feminist Issues, Masques, Lesbia, Vlasta…). Ensemble, elles portent de nouvelles propositions théoriques pour le féminisme et pour le lesbianisme, et de nouvelles visions de la littérature. Mais en dépit de cette grande effervescence, qui se joue largement à un niveau international, la littérature lesbienne reste une littérature d’initié·es.

Aujourd’hui, on est généralement capable de citer une ou deux autrices contemporaines françaises lesbiennes ou bisexuelles : on connaît, au moins de nom, Virginie Despentes. Quand on connaît bien le monde littéraire français, on cite un peu en vrac, sans toujours trop savoir à quel point il s’agit de littérature lesbienne ou non : Nina Bouraoui, Hélène de Monferrand, Anne Garréta, Constance Debré, Fatima Daas, Anne Pauly, Pauline Delabroy-Allard… Michèle Causse, en 1990, parlait d’une différence fondamentale entre les écrits lesbiens des années 1960-1970 et ceux que l’on pouvait écrire 23 ans après :

« Dire “Je t’aime” [d’une femme à une autre femme] en 1960 n’est pas dire “je t’aime” en 1990. Tout un mouvement féministe, tout un corpus littéraire soutiennent le mot en 1990. » (« Entretiens avec Michèle Causse », 2016, p. 143.)

Aujourd’hui la littérature lesbienne a une histoire, et s’est assurée un public pour la suivre – même si c’est sur des bases encore très incertaines, et hors des canons officiels.

L’histoire littéraire des lesbiennes : une histoire difficile à écrire

L’histoire littéraire des lesbiennes est extrêmement mal connue, particulièrement du grand public, mais même au sein des communautés féministes ou LGBT+.

Plusieurs phénomènes jouent dans cette ignorance : d’abord, le simple phénomène socio-historique qui fait que les « lesbiennes », à strictement parler, n’ont d’histoire que récente. Si les femmes se sont toujours aimées dans l’histoire occidentale, elles n’ont globalement qu’assez récemment accédé à la possibilité pragmatique de vivre hors du mariage hétérosexuel, et n’ont analysé leur condition et formulé de théories politiques qui leur soient propres que vers la fin du XXe siècle : les « lesbiennes » apparaissent comme identités politiques à partir des années 1970 environ. Difficile, donc, de parler de romans lesbiens ou d’autrices lesbiennes en regardant les siècles passés, difficile aussi de cerner la bisexualité.

Il y a aussi l’important phénomène du placard, et tout ce qui est lié à la lesbophobie latente de la société : quand bien même une femme aime des femmes, il est fréquent qu’elle ne soit pas connue du public en tant que lesbienne, soit qu’elle n’ait jamais fait son coming out, soit qu’elle ne parle jamais, dans ses œuvres ou les entretiens qu’elle donne, de cet aspect-là de sa vie – notamment pour éviter d’y être sans cesse assignée, pour éviter qu’on néglige de vraiment lire son œuvre. Qui sait, citant Marguerite Yourcenar comme l’une des grandes autrices du XXe siècle, qu’elle a vécu toute sa vie avec une femme ? Elle a toujours refusé d’en parler publiquement.

« Cela devient un texte à thème social et il attire l’attention sur un problème social. Quand cela arrive à un texte, il est détourné de son but premier qui est de changer la réalité textuelle dans laquelle il s’inscrit. En effet du fait de son thème il en est destitué, il n’y a plus accès, il en est banni (souvent simplement par la mise au silence, l’épuisement de l’édition), il ne peut plus opérer comme texte par rapport à d’autres textes passés ou contemporains. Il n’intéresse plus que les homosexuels. Pris comme symbole ou adopté par un groupe politique, le texte perd sa polysémie, il devient univoque. Cette perte de sens et le manque de prise sur la réalité textuelle empêchent le texte d’accomplir la seule opération politique qu’il puisse accomplir : introduire dans le tissu textuel du temps par la voie de la littérature ce qui lui tient à corps. » (Monique Wittig, La Pensée straight, 2018, p. 116.)

Puis, bien sûr, il faut compter, comme pour l’histoire littéraire des femmes en général, l’« oubli » progressif de leurs œuvres : elles ont plus de mal que les hommes à se faire éditer, à trouver un public, et quand bien même c’est le cas, on néglige souvent ensuite de valoriser leurs écrits, de les faire résonner avec d’autres œuvres contemporaines, de les rééditer, de travailler dessus, de les inscrire dans l’histoire de la littérature. Il est dangereux, pour une écrivaine, d’être femme, et plus encore d’être lesbienne et d’en parler.

Sujets et objets de la littérature : ce que font les lesbiennes à la théorie littéraire

On l’a dit ces jours-ci au sujet des œuvres « de femmes », cela risque de paraître encore pire pour des œuvres « lesbiennes » : mais enfin, pourquoi s’intéresser spécifiquement à ces œuvres-là, plutôt qu’en général à la littérature ? Ne risque-t-on pas d’oublier ce qu’est la vraie qualité littéraire d’une œuvre, à force d’idéologie ?

Or la littérature lesbienne est une vraie question de théorie littéraire. D’abord tout simplement parce qu’il faut la définir : à partir de quand peut-on dire qu’un texte est lesbien ou non ?. Ça n’est pas si simple, en raison de tout ce qui se joue historiquement, socialement et politiquement, derrière la littérature. Faut-il qu’une histoire d’amour ou une histoire sexuelle entre femmes soit représentée ? Pourquoi pas retenir ce critère, mais on acceptera alors parmi les « romans lesbiens » des œuvres parfois écrites par des hommes, parfois écrites par fétichisation des relations lesbiennes, parfois largement misogynes et lesbophobes.

Faut-il alors qu’il s’agisse d’une autrice, et qu’elle soit lesbienne ou bisexuelle ? Oui, mais d’abord comment savoir qu’une autrice est lesbienne ou bisexuelle, ou non ? – beaucoup sont encore dans le placard, beaucoup y sont restées toute leur vie. Et puis, quand bien même une autrice est lesbienne ou bisexuelle, elle ne parle pas forcément de relations lesbiennes dans son œuvre, elle peut décider de ne tisser aucun lien entre sa vie privée et son œuvre : ira-t-on forcer la chose en déclarant à sa place que son œuvre est lesbienne ?

Et que faire des multiples cas de textes qui sortent totalement des normes du « récit », brouillent le sens et empêchent qu’on y lise clairement des « histoires » lesbiennes ? Beaucoup des textes de Monique Wittig, Michèle Causse ou, dans le domaine québécois, Nicole Brossard, par exemple, apparaissent comme très difficiles à lire, sont parfois réputés illisibles : c’est un phénomène très récurrent chez les autrices lesbiennes, significatif d’un rapport singulier à la littérature. Pour certain·es chercheur·ses, il en devient critère de définition de la littérature lesbienne : pour celles et ceux-là, on peut parler de littérature lesbienne à partir du moment où un texte déconstruit en même temps les normes du récit et les normes du patriarcat – où il est subversif des conventions sociales et littéraires. Mais des critères de ce type en ont entraîné certaines à considérer, par exemple, des textes de Faulkner comme textes lesbiens.

À tout prendre, il est exclu de ne considérer les choses qu’à un niveau thématique : il ne suffit pas de parler de lesbiennes pour qu’un texte soit lesbien, il ne suffit pas qu’une autrice soit lesbienne pour qu’elle écrive un texte lesbien, il faut aussi qu’il y ait une question littéraire qui soit posée.

Ces questions occupent certain·e·s chercheur·se·s en théorie littéraire ; du côté des écrivaines elles-mêmes, on retrouve les mêmes interrogations, plus immédiatement liés à un problème d’écriture – et non seulement de théorie. Nicole Brossard le disait à Lori Saint-Martin : il est difficile d’écrire l’amour lesbien, quand on arrive au sein d’une langue et au sein d’une culture qui, jusqu’alors, ne lui ont pas laissé de place. Quels mots peut-on utiliser pour parler de la femme que l’on aime ou que l’on désire, lorsqu’on est soi-même une femme (narratrice ou autrice) ?

« [En littérature] L’amour a toujours été un élément déclencheur d’écriture et souvent de renouveau. L’amour nous fait perdre nos points de repère pour mieux nous les redonner dans l’essentiel de ce que nous sommes et de ce que nous avons reconnu dans l’autre. Tout devient possible et pourtant, comment traduire dans une langue chargée de la subjectivité masculine l’amour lesbien ? Comme s’il s’agissait de transposer dans la langue une dimension inconnue de l’amour dans laquelle deux femmes sont simultanément sujets d’intérêt l’une pour l’autre, c’est-à-dire symboliquement porteuses d’un sens positif. » (Nicole Brossard, « La lucidité, l’émotion », 2003)

La question fondamentale est celle du sujet de la littérature : qui écrit ? D’ordinaire, dans la culture scolaire, dans la culture universitaire, dans nos représentations collectives, « l’écrivain » est un homme ; par défaut, également, il est en général un homme qui aime les femmes (je renvoie à la culture scolaire qui nous parle naïvement de l’universalité du thème de « l’amour » dans telle ou telle œuvre – universalité presque systématiquement déclinée au masculin, orientée vers la fascination qu’exerce « la » femme).

Les femmes, elles, sont ordinairement objets : elles sont là parce qu’elles sont les êtres aimés, ou parce qu’elles sont les muses – mais elles ne jouent pas de rôle actif, elles représentent ce que l’on désire.

D’un point de vue littéraire, l’écriture des lesbiennes pose un faisceau de questions complexes à la littérature. Si, femmes, l’on veut écrire, il faut à la fois qu’on puisse devenir sujets de la littérature – qu’on trouve une place dans l’histoire littéraire, qu’on trouve d’autres mots pour s’y situer ; si, lesbiennes ou bisexuelles, on veut écrire l’amour d’une femme pour une autre, il faut en plus pouvoir peindre l’autre comme objet à son tour – mais loin des traditions misogynes qui retirent aux femmes, en littérature, leur capacité d’agir. Pour Michèle Causse, il s’agit là d’un « inédit » absolu de la littérature :

« L’existence lesbienne ne peut pas être un plagiat. Elle est dans la nécessité de s’inventer et de se dire dans l’inédit. Parce qu’elle ne s’est pas dite. » (Michèle Causse, op. cit., p. 142)

Le précieux travail des militant·es : n’éliminer personne, rétablir un équilibre

La littérature lesbienne est un sujet d’études littéraires qui mérite largement qu’on s’y intéresse : beaucoup trop mal connu, il pose des questions qui sont pourtant cruciales non seulement pour les communautés lesbiennes, mais pour la société dans son ensemble, pour la culture et la manière dont collectivement on la construit – et, d’un point de vue beaucoup plus précis, pour la recherche en théorie littéraire.

Les ressources sont rares : l’histoire littéraire des lesbiennes n’a pas été faite, ou elle est restée inaccessible. Les ouvrages cités dans cet article, même quand ils ne s’intéressent spécifiquement qu’à la littérature française, appartiennent presque tous à la recherche anglo-saxonne ; quelques rares ouvrages parus en France sur la question sont restés confinés dans les vieux stocks des librairies (je pense par exemple à la traduction du livre de Dolores Klaich, Femme et Femme, jamais réédité et manifestement très rarement lu, aux éditions des Femmes), ou sans qu’on daigne leur accorder le statut d’ouvrages de référence, fiables et nécessaires pour construire l’histoire littéraire. Les références bibliographiques se transmettent hors des circuits institutionnels, par bouche-à-oreille.

Un étudiant nous demandait naïvement il y a quelques mois, à une amie et à moi, de lui donner quelques références de manuels ou d’histoires littéraires synthétiques à consulter pour se renseigner sur l’histoire de la littérature lesbienne : nous n’avons pas su lui répondre, il n’y en a pas à notre connaissance dans le domaine français. En fait, sans le travail et la recherche des militant·es – journalistes, comme Alice Coffin, ou chercheur·ses, libraires, bibliothécaires, archivistes, etc. – qui s’efforcent de donner de leur temps pour aller chercher ces ressources quand elles sont difficiles d’accès, on n’y arriverait pas. Le travail de journalistes comme Alice Coffin est précieux – loin d’éliminer quoi que ce soit de la culture générale, il empêche que des pans entiers de notre histoire et de nos réflexions collectives soient envoyés aux oubliettes et méprisés par l’effet de l’ignorance. Donnons la conclusion à Michèle Causse :

« Sans un regard lesbien, encore aujourd’hui, nombre de lesbiennes seraient enterrées. […] Les femmes, les lesbiennes peuvent bien écrire tout ce qu’elles veulent, aucun homme ne les aurait entérinées, ne les aurait nommées. Il a fallu cette énorme revanche historique de féministes nanties d’outils critiques pour que tout d’un coup cette écriture émerge. » (Michèle Causse, op. cit., p. 153.)The Conversation

Aurore Turbiau, Doctorante en littérature comparée, membre du collectif Les Jaseuses, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.