Conférence 4 - Pierre-Jean Benghozi

Lors de cette conférence, Pierre-Jean Benghozi nous a montré comment Internet et les technologies de l’information et de la communication ont conduit à l’émergence d’un nombre considérable de fraudes et de plagiats dans le domaine de la recherche, que ce soit par une plus grande accessibilité aux données et aux écrits mais aussi du fait de l’existence de logiciel permettant la détection de similarité. Il a abordé également les conséquences de ces escroqueries tant sur le plan scientifique que sur le plan humain. Enfin, il a insisté sur l’importance et l’urgence de poser un cadre formel et légal à la lutte contre la fraude et la pénalisation du plagiat au niveau institutionnel, national et international.

Un aperçu de la conférence

Dans le monde de la recherche où la pression à la publication se fait de plus en plus intense, dans un monde où les moteurs de recherche favorisent les échanges et la circulation des articles ainsi que le traçage des références, nous sommes confrontés à un nombre exponentiel de cas de plagiats et fraudes de tous types, que ce soit dans les communications scientifiques, les thèses, les ouvrages et même dans les articles de revues soumis à relecture. Ce phénomène concerne l’ensemble du monde de la recherche, des étudiantes ou étudiants aux enseignantes-chercheuses ou enseignants-chercheurs, toutes disciplines confondues.
La réalité de ces tromperies, véritables escroqueries scientifiques, a longtemps été minimisée voire occultée ce qui a conduit à des non-dits et à des souffrances souvent non exprimées mais toujours présentes. Ce silence n’a pas contribué à résoudre le fond du problème qui se pose désormais comme une réalité. La multiplication des cas, qu’ils soient constatés par les revues ou dénoncés, par les pairs rend l’inaction impossible. Les exemples existant dans d’autres domaines montrent que l’absence de politiques volontaristes et de dispositifs collectifs induit des risques de crise non négligeables, à l’échelle d’une communauté disciplinaire voire même au niveau des grandes institutions. 
Les cas de fraude sont toujours source de souffrance. Pour les scientifiques intègres d’abord, puisqu’ils se donnent du mal pour produire des résultats « dans les règles de l’art » et se voient « dépassés » dans les revues et lors des promotions par des collègues peu scrupuleux. Mais aussi pour les fraudeurs ou fraudeuses et les responsables de plagiat, qui peuvent se voir cloués au pilori, au-delà de l’importance de leur faute, notamment lorsqu'elles ou ’ils ne sont pas en capacité de reconnaître et prendre la mesure de leurs erreurs.
En l’absence d’instances de médiation reconnues, l’expérience montre que la communauté académique se trouve le plus souvent démunie pour traiter la situation quand de tels cas émergent. En effet, un certain nombre de questions se posent : qui est en capacité de traiter la fraude et le plagiat, dans quel cadre, avec quelle légitimité, avec quelle force d’intervention ? Avec l’essor des technologies de l’information et de la communication, ce phénomène ne peut que s’accroître et cela à cause de la facilité de la copie d’une part et de l’amélioration de la traçabilité d’autre part. Aussi, dans une telle configuration, l'enjeu est moins de donner une définition ou caractérisation des pratiques de fraude et de plagiat que d’élaborer des propositions de prises en charge collectives des plaintes et des conflits dans des cadres formels trans-institutionnels et trans-nationaux.
 

Le conférencier

Ancien élève de l’Ecole polytechnique (Paris), titulaire d’un doctorat et d’une HDR en économie de l’Université Paris Dauphine, Pierre-Jean Benghozi est membre du Collège de l’Autorité des communications électroniques et des postes (ARCEP). Directeur de recherche CNRS et professeur à l’Ecole polytechnique (Paris), il y a dirigé, jusqu’en 2013, le Pôle de Recherche en Economie et Gestion et la Chaire « Innovation et Régulation des Services Numériques » qu’il avait fondé.
Pr Benghozi est l’un des précurseurs et un expert reconnu internationalement des recherches sur l’économie numérique et les industries de contenus. Ses travaux ont porté plus spécifiquement sur le développement et l'usage des TIC dans les grandes organisations ainsi que sur l'analyse des chaines de valeur et des modèles d'affaires associés aux marchés du commerce électronique, notamment dans les industries créatives. Pr. Benghozi est l'auteur de de plus de 150 publications académiques internationales et de nombreux ouvrages sur ces questions, en France et à l'étranger. Au titre de ses activités d’enseignement-recherche, il s’est également profondément impliqué dans l’administration de la recherche et a eu de nombreuses responsabilités universitaires : direction de laboratoire, présidence de section du Comité National de la Recherche Scientifique, présidence de la Société Française de Management… Il enseigne également dans plusieurs grandes universités parisiennes et étrangères.
Pr Benghozi a toujours été très impliqué dans les questions de plagiat, d’intégrité et de médiation scientifique : il a notamment dirigé ou accompagné plusieurs projets novateurs dans le domaine de règlement des conflits et est régulièrement sollicité comme expert. Dans ce cadre, il est à l’origine du dispositif contre le plagiat académique de la Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises (FNEGE). En 2015, Pierre Jean BENGHOZI a été nommé au grade de chevalier de l'Ordre du mérite.