Emmanuel Flamand-Roze © P. Kitmacher

Emmanuel Flamand-Roze

Neurologue à la Pitié-Salpêtrière et professeur à Sorbonne Université

Les mentalités ont évolué et il est important de réfléchir à des propositions pour repenser notre monde

Neurologue spécialisé dans les maladies de mouvement à la Pitié-Salpêtrière et professeur à Sorbonne Université, Emmanuel Flamand-Roze œuvre aussi bien à soigner qu’à rechercher des solutions pour insuffler du renouveau dans la médecine. 

Du haut de ses 52 ans, Emmanuel Flamand-Roze est un homme d’expérience. Neurologue spécialisé dans les maladies de mouvement à la Pitié-Salpêtrière et professeur à Sorbonne Université, son parcours professionnel atteste d’une volonté de faire bouger les lignes. Quitte à casser les codes. Comme l’illustre "The Move", un programme d’enseignement qu’il a lancé en 2014 et inspiré du télécrochet The Voice. Ici, pas de chanteur en devenir, mais des étudiants imitant des symptômes liés à des maladies neurologiques à grand renfort de mimes. Une prestation réalisée en équipe sous l’égide d’un coach, et présentée devant un public et un jury, lequel élit à l’arrivée la meilleure simulation. « C’est ma femme qui a eu l’idée, se souvient Emmanuel Flamand-Roze. J’échangeais avec elle à propos de mon souhait d’allier la pratique à la théorie. C’est une méthode d’enseignement plus amusante pour les étudiants, et surtout plus efficace pour la mémorisation à long terme. C’est en faisant ou en voyant faire les choses qu’on les retient davantage ». 

Un concours international de "The Move"

Autre but recherché par "The Move" : en finir avec la « neurophobie », un terme qui désigne la crainte des étudiants en médecine de se frotter à la neurologie, une spécialité qu’ils jugent trop déroutante. « Je suis content car cet exercice a réussi à vaincre cette idée reçue. Il a même suscité des vocations chez certains étudiants », se réjouit Emmanuel Flamand-Roze. La méthode novatrice de "The Move" a ainsi été saluée par le Collège des Enseignants de Neurologie. Elle s’est même frayée depuis lors une place tenace dans les programmes d’enseignement. Depuis 2017, des étudiantes et étudiants du monde entier s’affrontent chaque année lors d’un concours international organisé au sein de l’Institut du cerveau à Paris (APHP/Inserm/CNRS/Sorbonne Université). 

Une expérience originale qui en dit aussi long sur les intentions d’Emmanuel Flamand-Roze : celles de s’adapter aux nouvelles aspirations tant des étudiantes et étudiants, « plus prompts à se mettre en situation qu'à apprendre une grande quantité de connaissances désincarnées », que celles des patients et des soignants. « On est à une époque où l’on a besoin de se réinterroger, assure le neurologue. Les mentalités ont évolué et il est important de réfléchir à des propositions pour repenser notre monde. Et la médecine en France n’échappe pas à ce phénomène ». 

Le serment d’Augusta : un podcast sur la médecine de demain

Quoi de mieux alors qu’un support en vogue pour incarner une réflexion globale sur l’avenir ? À l’automne 2022, Emmanuel Flamand-Roze co-écrit avec la réalisatrice Olympe de Gê le podcast « Le serment d’Augusta », en référence au serment d’Hippocrate et à Augusta Klumpke, la neurologue et première femme reçue au concours de l’internat des Hôpitaux de Paris en 1886. Une série en six épisodes infusée de questions sociétales et qui aborde entre autres notre relation au corps, à la santé ou encore au travail par le prisme des soignants et des soignés. « À travers ces témoignages sur les différents sujets, on se rend compte du poids des normes et de leurs conséquences aussi bien pour les soignants que pour les patients », explique Emmanuel Flamand-Roze. Le Serment d’Augusta, qui a déjà enregistré plus de 150 000 écoutes, est devenue une unité d’enseignement pour les étudiantes et étudiants de Sorbonne Université, avant d’être expérimentée à la faculté de médecine d’Angers et de Paris 13 à partir de septembre 2023. Mais ce podcast se veut avant tout grand public. « Ce sont des sujets qui nous concernent tous », décrit le neurologue. « Nous sommes tous amis ou parents de quelqu’un qui est soigné, et l’on passera tous un jour ou l’autre dans le cabinet d’un médecin ». 

Des patients, Emmanuel Flamand-Roze en accueille au sein de la clinique des mouvements anormaux située au sein de la Pitié-Salpêtrière. Il y a notamment créé un programme de transition pour les adolescents sur le point de passer aux unités adultes. « Pour eux, c’était comme s’ils arrivaient dans un autre monde, décrit le neurologue. En arrivant chez les adultes, ils étaient soignés aux côtés de personnes dont les pathologies pouvaient les choquer et les heurter. Il y avait besoin de les accompagner et de pouvoir leur proposer une prise en charge holistique qui prennent en compte les préoccupations et difficultés propres à leur âge, leurs projets de vie ».

Un programme intitulé "Jump", dont le nom résume la personnalité d'Emmanuel Flamand-Roze : à savoir, concevoir ses expériences comme un grand saut. À la fois vers le changement du rapport avec le patient, mais aussi des mentalités dans le milieu médical.