Journée de l'endométriose
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Endométriose : une prise en charge est possible

À l'occasion de la semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, et deux ans après le lancement de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose en France, le Dr Kamila Kolanska fait le point sur cette pathologie qui touche près d’une femme menstruée sur dix.

Kamila Kolanska

Gynécologue-obstétricienne et responsable de l’unité d’assistance médicale à la procréation (AMP) de l’hôpital Tenon, le Dr Kamila Kolanska est chercheuse au centre de recherche Saint-Antoine et membre du centre expert d’endométriose de Sorbonne Université.

Qu'est-ce que l'endométriose ?

Kamila Kolanska : L’endométriose se caractérise par le développement de cellules de l’endomètre (la muqueuse utérine) en dehors de l’utérus. Elles peuvent migrer et former des nodules dans divers endroits de la région pelvienne (péritoine, ovaires, trompes, ligaments…), le tube digestif ou, plus rarement, dans d’autres parties du corps, comme la plèvre.

Ces cellules réagissent aux hormones de la même manière que l'endomètre de l’utérus en se desquamant lors des règles. Les saignements de ces nodules, qui entraînent une inflammation et la formation de tissu cicatriciel, provoquent des douleurs abdominales et parfois des difficultés à être enceinte.

Comment cette pathologie affecte-t-elle la vie quotidienne des femmes qui en souffrent ?

K. K. : L'endométriose n’est pas une maladie grave, sauf dans de rares exceptions quand les atteintes touchent, par exemple, le système digestif ou le système urinaire avec parfois des complications rénales. En revanche, elle impacte le quotidien et la qualité de vie des femmes qui en souffrent et qui doivent faire face à des douleurs parfois invalidantes. Certaines femmes, très symptomatiques, ne peuvent même pas se lever pendant leurs règles. Heureusement, ces cas ne représentent pas la majorité des femmes atteintes d’endométriose.

Il y a encore quelques années, cette problématique était largement méconnue. On sous-diagnostiquait souvent les douleurs menstruelles, les considérant comme une composante normale des règles. Mais aujourd’hui, une prise en charge est possible. Il est donc important que les femmes qui en souffrent soient orientées vers des spécialistes pour évaluer la nécessité d'un traitement adapté.

Quelles sont les différentes prises en charge possible des patientes ?

K. K. : Il existe plusieurs approches pour permettre aux patientes de bien vivre avec l'endométriose et de combattre les symptômes. Cela va de la gestion de la douleur, à la prise en charge de l'infertilité, en passant par la chirurgie.

En ce qui concerne la gestion de la douleur, les options vont de la simple prescription d’anti-inflammatoires aux traitements hormonaux tels que les pilules en continu, voire, dans des cas exceptionnels, une ménopause artificielle. La paramédecine joue également un rôle, avec des approches telles que l'ostéopathie, la psychologie, l'acupuncture, la kinésithérapie, la sophrologie ou encore la nutrition. En effet, une bonne alimentation peut contribuer à atténuer l'inflammation.

Toutes les formes d'endométriose ne nécessitent pas une intervention chirurgicale. Cependant, dans certains cas où les lésions sont étendues, en particulier au niveau digestif, des traitements chirurgicaux peuvent être envisagés. Il est préférable que ces chirurgies, souvent lourdes avec des risques de complications, soient réalisées dans des centres de référence.

L'endométriose est aussi souvent associée à des problèmes de fertilité, n’est-ce pas ?

K. K. : Le mécanisme expliquant le lien entre les lésions d'endométriose et l'infertilité est encore mal compris, mais parmi les femmes atteintes, environ une sur deux connaîtra des problèmes de fertilité, comparé à une sur 10 dans la population générale.
Cela signifie aussi que la moitié des femmes conserve une fertilité normale, quelles que soient les lésions spécifiques de l'endométriose. Certaines peuvent avoir des lésions étendues et concevoir facilement, tandis que d'autres, avec des atteintes mineures découvertes fortuitement, peuvent rencontrer des problèmes de fertilité.

Vous êtes responsable d’une unité d’AMP. Quelles sont les options de traitement disponibles pour maximiser les chances de conception lors d’une endométriose ?

K. K. : Pour les femmes atteintes d'endométriose et désirant une grossesse, nous intervenons pour raccourcir le délai de conception spontanée, passant de la recommandation générale d'attendre un an à un délai de six mois.

Selon les études, la fécondation in vitro (FIV) est à privilégier par rapport à l'insémination dans le cadre de l’endométriose. Alors que l'insémination offre environ 15 à 20% de chances de grossesse, la FIV offre une probabilité de 40%, sous réserve de disposer d'un embryon de bonne qualité. Bien que les patientes atteintes d'endométriose nécessitent parfois un traitement plus intensif parce qu’elles répondent moins bien ou ont un peu plus de mal à obtenir des embryons de bonne qualité, les chances de grossesse sont comparables à celles des femmes non atteintes d'endométriose, une fois l’embryon obtenu. La question de la chirurgie peut également se poser après plusieurs échecs de FIV pour réduire l'inflammation.

Il est important de ne pas retarder les projets de grossesse car l’AMP n'est malheureusement pas infaillible. Quelle que soit l'étiologie de l'infertilité, l'âge demeure un facteur aggravant, car la réserve ovarienne diminue progressivement. Entre 35 et 38 ans, cette diminution s'accélère, et à partir de 38 ans, elle connaît un déclin significatif. Si une femme envisage une préservation médicale de la fertilité, il est donc recommandé de le faire avant 35 ans.

Dans certaines situations d’endométriose très symptomatique et étendue associée à l’infertilité, une prise en charge chirurgicale première peut s’envisager en fonction de l’âge de la femme et de l’ensemble du bilan d’infertilité.

Vous faites partie du centre expert d’endométriose de Sorbonne Université. Pouvez-vous nous présenter son rôle dans la lutte contre l’endométriose ?

K. K. : Cette structure offre la possibilité d’avoir une prise en charge complète de l’endométriose au sein d’un même service. Des radiologues spécialisés en échographie et IRM se consacrent au diagnostic. Ils travaillent en étroite collaboration avec les chirurgiens et gynécologues du centre, dont certains possèdent une double formation en chirurgie gynécologique et digestive. Des urologues sont également présents pour les atteintes urinaires. Les chirurgiens sont formés pour intervenir et retirer les lésions d'endométriose, en préservant au mieux la fertilité. Les spécialistes de l’unité d’endocrinologie et médecine de la reproduction aident à guider les femmes dans les choix de traitements hormonaux. Le service d'AMP intervient en cas d'infertilité. Des anesthésistes spécialisés contribuent également à mieux gérer la douleur.

Chaque semaine, des réunions réunissent l'équipe complète pour discuter des situations complexes. Cette collaboration interdisciplinaire permet de prendre en charge les difficultés à tous les niveaux.

Ce centre a également une activité de recherche. Sur quoi porte-elle plus précisément ?

K. K. : Nous sommes engagés dans des protocoles de recherche clinique, et la publication de travaux concernant la préservation de la fertilité, la chirurgie de l'endométriose, la compréhension des causes de cette pathologie, etc.

Dans le domaine de l’AMP, nos efforts se concentrent principalement sur des études cliniques, notamment en ce qui concerne la perception de la douleur. Nous travaillons également sur le lien avec d'autres pathologies pour mieux comprendre la relation entre infertilité et endométriose.
Nous faisons également des études translationnelles. Des chercheurs du centre ont dernièrement évalué l’efficacité diagnostique et l’utilité clinique du test salivaire Endotest® pour les situations complexes de diagnostic de l’endométriose. Ce test pourrait être une alternative à des méthodes diagnostiques plus invasives et permettrait de réduire le temps d’errance diagnostique qui est aujourd’hui de 7 ans en moyenne.