Andreas Feron Focus

Andreas Feron

Alumnus de la faculté des Sciences et Ingénierie et créateur de possibles

Chaque client nous apporte de nouveaux challenges techniques et nous permet de nous dépasser

Alumnus du master de physique de Sorbonne Université, Andreas Feron est une sorte de Géo Trouvetou 2.0. Ancien fabmanager du FabLab SU, il nous reçoit dans sa micro-fabrique du 11e arrondissement. Au milieu des imprimantes 3D qui tournent à plein régime, il nous raconte comment il a créé Mako, une « usine compacte » au service des startups.

Andreas Feron

Andreas Feron © Pierre Kitmacher - Sorbonne Université

Du FabLab SU à la création de Mako

« On vient des FabLabs », commence Andreas. Au sein de Sorbonne Université, cet étudiant en physique franco-américain s’intéresse très tôt au PMClab. Il s’investit dans ce laboratoire associatif et coopératif qui vise à accompagner les étudiants de faculté des Sciences et Ingénierie dans le développement de leurs projets. Il y rencontre son associé, Royce Florian, avec qui il joue à l’apprenti sorcier. A travers des expériences de physique électriques et explosives, ils mettent à l’épreuve, sous le regard indulgent de leurs encadrants, la théorie qu’ils apprennent en cours. « Avec le temps, l’association s’est structurée en FabLab. Avec Royce, nous nous sommes retrouvés à gérer cette structure, précise le jeune entrepreneur. Responsables d’une quarantaine d’emplois étudiants, nous nous investissions à 200% dans cette structure qui prenait de plus en plus d’ampleur. »

En parallèle de son master de physique, Andreas intègre, avec le soutien financier de Sorbonne Université, la Fab Academy où il lie connaissance avec le fabmanager de l’école Polytechnique. Ce dernier lui propose un stage au sein du département Entreprenariat et Innovation de l’école, puis l’embauche comme responsable de l’espace de prototypage de l’X. « C’était une expérience incroyablement stimulante, raconte Andreas. Les élèves de l’X venaient me voir avec des projets complètement délirants et géniaux : éolienne volante, avion à effet de sol… Ils me challengeaient tous les jours et je les accompagnais dans la création de leurs prototypes ».

A force de côtoyer les startups incubées à l’X, le jeune fabmanager rejoint l’une d’elles. Au bout d’un an, il prend goût à l’esprit startup et se lance avec son associé, Royce, dans la création de son entreprise en 2018. « Nous avons investi en tout et pour tout 5000 euros. Nous recevions nos premiers clients dans ma chambre d’étudiant, se souvient le jeune entrepreneur. Puis nous avons déniché un ancien squat que nous avons transformé en boutique-atelier avec l’accord du propriétaire. Aujourd’hui, en moins d’un an, nous avons déjà une centaine de clients ».

Un savoir-faire au service des startups

« Notre boîte réunit un showroom, un espace de coworking et un atelier de fabrication », explique Andreas.

Du squat passé, il ne reste que la légende. L’espace est convivial avec sa devanture de style atelier. Dans la boutique, des étagères remplies de prototypes en tous genres : des tours Eiffel en papier, un étrange stylo, un torse en plâtre peint, une grille en carton pour la rééducation des yeux.

L’idée d’Andreas et de son associé : aider les startups qui ont besoin de créer des prototypes pour valider leur projet et le présenter auprès d’investisseurs. Ils sont ouverts à tous les projets. Leur première commande concernait le développement d’un prototype de stylo qui produit du chaud ou du froid pour un vernis thermochromatique (qui change de couleur en fonction de la température). Depuis, les deux associés se sont attaqués à des projets de plus grande envergure. Ils ont par exemple conçu et fabriqué une machine de récupération des emballages qui rend les consignes de façon automatique pour une biocoop.

Choisis pour fabriquer l’ensemble des trophées remis cette année aux startups participant au concours Hello Tomorrow, ils travaillent également pour des artistes qui s’intéressent au monde numérique. « Nous voyons avec eux ce qui leur pose problème et nous leur apportons des solutions techniques qui leur ouvrent d’autres horizons. Grâce à un système de photogrammétrie, nous avons par exemple scanné, pour un artiste, sa sculpture afin d’en obtenir un modèle numérique. Puis nous en avons fait un moule 3D à partir duquel nous avons pu couler une pièce en plâtre que nous vendons dans notre showroom », explique Andreas. Dans l’arrière-boutique, nous découvrons un véritable atelier. Imprimante 3D, découpeuse laser, four haute température, mini-fonderie, pompe à vide, tout est là pour expérimenter de nouveaux possibles.

Notre objectif est de mettre en place une fabrication décentralisée pour éviter que des objets fabriqués en Chine ne soient livrés à des milliers de kilomètres à l’autre bout du monde

Les deux associés y travaillent le plâtre, le métal, la céramique, le plastique, le silicone… « Chaque client nous apporte de nouveaux challenges techniques et nous permet de nous dépasser, se réjouit Andreas. Dès que nous avons le temps, nous faisons des expériences et des mesures physiques pour optimiser nos process et nos machines. »

Une ambition disruptive

Mais derrière les murs de cette « usine compacte » aux allures de garage-atelier américain, les deux entrepreneurs ont une ambition plus grande. Celle de proposer une alternative au modèle industriel actuel en relocalisant la production au plus près du lieu de vente. "Notre objectif est de mettre en place une fabrication décentralisée pour éviter que des objets fabriqués en Chine ne soient livrés à des milliers de kilomètres à l’autre bout du monde", précise Andreas.

Pour cela, le jeune entrepreneur souhaite créer, d’ici deux ou trois ans, une communauté d’espaces comme le sien à travers le monde, à commencer par Boston dont son associé est originaire. « Si un client de Boston veut acheter une table produite par Mako à Paris, indique Andreas, il suffira de transférer à nos collègues américains un fichier numérique. Ils pourront le télécharger et fabriquer directement la table sur place, au lieu de la faire fabriquer à l’autre bout du monde. »

A terme, le jeune entrepreneur envisage de développer un showroom virtuel qui permettra à n’importe quel client dans le monde, d’acheter un modèle numérique de l’objet. Grâce à la réalité augmentée, chacun pourra personnaliser l’objet avec d’autres couleurs, formes ou matières et participer ainsi au processus de conception.

Bien sûr, « notre business plan ne marchera au départ que sur des produits de niche, de décoration, de luxe, ou encore d’art », souligne Andreas. Mais à terme, ce jeune homme plein d’enthousiasme et de persévérance, espère bien changer la façon dont les gens consomment et participer ainsi à la réduction de l’empreinte carbone si nécessaire aujourd’hui.