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Carnet de santé de la mémoire

Lauréat des trophées Lutech

Avec 225 000 nouveaux cas chaque année en France, la maladie d’Alzheimer gagne du terrain. Pourtant seulement 1 patient sur 3 serait diagnostiqué à un stade précoce de la maladie 1. Deux chercheuses du laboratoire Neuroscience Paris Seine-IBPS 2, Laure Rondi-Reig et Anne-Lise Paradis, ont proposé le projet « Carnet de santé de la mémoire » dont l'objectif est d'alerter sur l’apparition des premiers troubles mnésiques 3. Grâce à cette innovation, elles font partie des trois lauréats 2018 ayant reçu le trophée de la Satt Lutech.  

Laure Rondi-Reig et Anne-Lise Paradis

Laure Rondi-Reig et Anne-Lise Paradis © Sorbonne Université - Pierre Kitmacher

Aux commandes d’une manette de jeu vidéo, une personne est invitée à parcourir un labyrinthe virtuel à la recherche d’un cadeau virtuel. Dans cet environnement numérique, elle doit ensuite se souvenir du chemin parcouru pour atteindre le plus directement son objectif. Un logiciel analyse les données de navigation. En fonction de ses résultats, la personne pourra alors situer ses capacités mnésiques par rapport à celles du reste de la population à un âge donné, comme elle le ferait, pour le poids ou la taille, avec un carnet de santé.

« Thermomètre de la mémoire, cet outil se veut être un instrument de mesure de la mémoire quelles que soient la langue ou la culture du patient », explique Laure Rondi-Reig.

A terme, les chercheuses souhaitent développer ce dispositif sous forme d’application permettant à chacun de suivre et contrôler chez soi ses capacités mnésiques. Les personnes pour lesquelles l’application aurait détecté des troubles pourraient ensuite consulter des spécialistes dans un Centre Mémoire afin de réaliser une analyse plus poussée et établir un véritable diagnostic.

Dans cette perspective, Laure Rondi-Reig et Anne-Lise Paradis sont accompagnées par la Satt Lutech sur les aspects financiers, juridiques, économiques, de gestion de projet et de prospection.

Se souvenir de son chemin

Issue des travaux de l’équipe Cervelet, Navigation et Mémoire, cette solution technologique teste la mémoire impliquée dans la navigation spatiale 4. En effet, plusieurs études ont montré que les patients souffrant d’un déficit cognitif léger ou de la maladie d’Alzheimer étaient touchés, dès les premiers stades, par une désorientation spatiale.

« L’une des premières régions cérébrales impactées par la maladie d’Alzheimer est l’hippocampe, indique Anne-Lise Paradis. Cette région est à la fois impliquée dans la création de nouveaux souvenirs et dans la représentation de l’espace. Si la fonction de l’hippocampe est altérée, des troubles de mémoire et d’organisation temporelle et spatiale apparaissent. »

Il existe deux stratégies pour nous souvenir des chemins parcourus. Nous pouvons soit nous rappeler les différents éléments de l’environnement en les mettant en relation les uns avec les autres (« l’endroit où je veux aller se situe entre la Seine d’un côté et la cathédrale et l’université de l’autre côté »), soit nous souvenir de l’organisation temporelle des événements indépendamment des indices visuels (« j’ai d’abord tourné à gauche, puis à droite »). Or l’altération de cette seconde stratégie, appelée « mémoire séquentielle », est spécifique de la maladie d’Alzheimer. Parce qu’il permet de tester les deux stratégies de mémorisation, ce logiciel pourrait être utilisé par les cliniciens pour établir un diagnostic différentiel entre la maladie d’Alzheimer et d’autres types de démences.

L’une des premières régions cérébrales impactées par la maladie d’Alzheimer est l’hippocampe. Cette région est à la fois impliquée dans la création de nouveaux souvenirs et dans la représentation de l’espace. Si la fonction de l’hippocampe est altérée, des troubles de mémoire et d’organisation temporelle et spatiale apparaissent.

Anne-Lise Paradis

Des déplacements virtuels pour prévenir les troubles cognitifs

Simuler le mouvement dans de grands espaces grâce à la réalité virtuelle constitue l’autre intérêt de ce jeu. Pour le sujet âgé par exemple, se déplacer virtuellement permettrait d’entraîner sa mémoire spatiale tout en limitant le risque de chute et de difficulté physique.

« Observer le mouvement ou le simuler activent des zones cérébrales communes avec le réseau impliqué dans l’exécution du mouvement », rappelle Laure Rondi-Reig.

Selon les chercheuses, se déplacer, même virtuellement, permettrait d’intégrer les informations nécessaires à l’élaboration de nos représentations spatiales et de stimuler une région cérébrale appelée le cervelet. D’après leurs recherches, l’activation de cette structure pourrait influencer l’activité de l’hippocampe et peut-être aider à préserver à terme la mémoire. Outil de dépistage, le Carnet de santé de la mémoire aurait, ainsi, un potentiel préventif pour protéger les capacités cognitives et mnésiques des personnes âgées.


1 Selon France Alzheimer

2 Sorbonne Université, CNRS, Inserm

3 Relatif à la mémoire

4 La navigation est la capacité à se localiser dans un environnement et à trouver son chemin vers un but.