Humanités Numériques : structurer, former, transformer

Comment/dans quel contexte s’est constituée l’initiative Humanités Numériques ?
Andrea Del Lungo : L’initiative HN est née d’une volonté de structurer et d’unifier les forces vives dans le domaine des humanités numériques à Sorbonne Université, dans un contexte de mutation profonde des pratiques en SHS. Portée par des équipes pionnières comme OBVIL, OBTIC, CERES, Plemo3D ou ModERN, elle s’est concrétisée à la suite de deux journées de rencontres qui ont réuni chercheurs, ingénieurs et partenaires au sein de l’Alliance Sorbonne Université. Ce moment fondateur a fait émerger une vision commune : bâtir un espace interdisciplinaire à la hauteur des défis scientifiques, techniques et éthiques posés par le numérique.

L’interdisciplinarité est au cœur des initiatives et instituts. Comment se traduit-elle concrètement pour vous ?
Motasem Alrahabi : L’interdisciplinarité constitue le fondement même du domaine des humanités numériques, dont l’objectif est de renouveler les approches, les méthodes et les perspectives heuristiques de la recherche. Elle se manifeste par une collaboration active entre historiens, linguistes, informaticiens, sociologues, littéraires et bien d’autres, réunis autour de projets transversaux à fort enjeu. Elle se concrétise par des séminaires thématiques, des ateliers pratiques, des journées d’étude conçues pour encourager l’échange approfondi, en s'appuyant sur l’expertise d’un comité exécutif qui rassemble la pluralité des entités disciplinaires impliquées. Ce cadre de travail partagé permet le développement de démarches croisées, là où les savoirs se confrontent, se complètent et se transforment.

Quels sont les objectifs de l’initiative ?
A.D.L. : L’initiative HN poursuit une ambition claire et structurante : fédérer les ressources et les outils existants pour bâtir une infrastructure partagée, durable et évolutive. Elle vise à accroître la visibilité de l’écosystème HN, en consolidant les partenariats régionaux, nationaux et internationaux. Elle s’engage à proposer des formations innovantes, pensées pour les chercheurs, les étudiants et les professionnels, afin de répondre aux nouveaux besoins du champ. Enfin, elle porte une réflexion épistémologique de fond sur les humanités numériques et l’intelligence artificielle, explorant leurs méthodes, leurs limites et leurs promesses.

Quels axes/enjeux de recherche avez-vous définis ?
M.A. : L’initiative déploie ses efforts autour de plusieurs orientations complémentaires. Elle vise à approfondir les fondements épistémologiques des humanités numériques, en croisant les regards critiques sur les méthodes, les outils et les finalités. Elle travaille à rendre visible et lisible un écosystème encore dispersé, en créant des passerelles entre structures, projets et disciplines. Elle inscrit résolument ses pratiques dans une logique de science ouverte, attentive à l’interopérabilité des données et à la diffusion des savoirs. Elle encourage l’expérimentation pédagogique et la recherche collective à travers des formats transversaux comme les écoles d’été, ateliers ou séminaires. Enfin, elle accompagne les jeunes chercheurs grâce à un programme doctoral innovant qui intègre les méthodes numériques au cœur de la formation.

Quels sont les enjeux en termes de formation ?
A.D.L. : La formation, conçue comme un levier de transformation durable, est au cœur de l’initiative. Elle vise à accompagner une nouvelle génération de chercheurs, de professionnels et d’enseignants dans l’usage critique, réflexif et technique des outils numériques. Cela se traduit par la création de nouveaux modules aux niveaux licence, master et doctorat, spécifiquement conçus pour les humanités numériques. Ces parcours ont pour objectif de développer des compétences hybrides, articulant rigueur disciplinaire, culture numérique et capacité d’adaptation aux évolutions du monde académique, éducatif et culturel.

Quel impact les recherches réalisées au sein de l’institut peuvent-elles avoir sur la société ?
M.A. : L’impact sociétal de l’initiative HN se mesure dans sa capacité à relier recherche, innovation et responsabilité. En facilitant l’accès aux savoirs, elle participe à leur démocratisation, tout en valorisant les patrimoines culturels et historiques à travers de nouvelles formes de médiation numérique. Elle contribue aussi à l’émergence de compétences hybrides, particulièrement recherchées dans les secteurs éducatifs, culturels et technologiques. En promouvant la science ouverte et l’éthique des données, elle alimente les réflexions publiques sur les usages du numérique, influençant durablement les politiques de recherche et de formation.