Salomé Nashed

Salomé Nashed

Lauréate du prix Jeune Talent France L'Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science

Je savais que si je ne suivais pas cette voie, je le regretterai toute ma vie.

Atteinte d’une maladie dégénérative de la rétine, Salomé Nashed a aujourd’hui réalisé son rêve : devenir biologiste. Animée par une force à toute épreuve, la doctorante de la faculté des Sciences et Ingénierie a décroché le prestigieux prix Jeune Talent France L'Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science.
 

Malvoyante profonde depuis son enfance, Salomé Nashed a soulevé des montagnes pour faire de sa passion, la biologie, son métier. Lauréate du prix Jeune Talent France L'Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science avec 34 autres jeunes chercheuses, la scientifique de 26 ans a d’abord suivi une licence de sciences du vivant puis un master de biologie moléculaire et cellulaire avant de se spécialiser en génétique et épigénétique à Sorbonne Université. 

Aujourd’hui, elle poursuit sa carrière en dernière année de doctorat au laboratoire de biologie computationnelle (LCQB). Là, elle cherche à identifier, grâce à des techniques de bio-informatique, les signaux qui permettent à la cellule d’envoyer les protéines vers les mitochondries1. « La cellule est comme un bureau de poste d’où partent plein de colis. Mon objectif est de décoder les adresses qui sont sur les étiquettes de ces colis », explique-t-elle. A très long terme, ses travaux contribueront à faire avancer la recherche pour le traitement des maladies mitochondriales. 

Mais le chemin est encore long vers la clinique. « En sciences, il y a tellement de choses que l'on ignore. On cherche finalement toujours à l'aveugle », ironise la jeune femme souffrant de l’amaurose congénitale de Leber. Cette maladie provoque la mort des cellules rétiniennes de la vision centrale. « Avec le temps, le trou noir au centre de ma vision s’étend. Je perçois des silhouettes, des ombres, mais je ne peux pas identifier un objet ou un visage », décrit la jeune femme. 

Le réel au bout des doigts

La biologie étant une science basée sur l’observation, le défi de choisir cette discipline était grand. Mais au bac, son 20/20 en sciences de la vie et de la Terre, la conforte dans sa décision de suivre sa passion. « La biologie est une science, et en même temps il y a dans le vivant quelque chose d'insaisissable. Le fait qu'il y ait une telle biodiversité ou qu'une seule cellule puisse donner un embryon qui devient un jour un être humain me fascine », raconte-t-elle avec l’enthousiasme de ses débuts.

Pour surmonter son handicap, Salomé Nashed a dû redoubler d’ingéniosité durant ses études : construction en LEGO, achat d’animaux en plastique, utilisation de pâte à modeler, dessins dans la main, tous les moyens sont bons pour essayer de se représenter par le toucher ce qu’elle ne peut pas voir. « En biologie du développement, j'allais voir la prof à la fin du cours et je lui montrai ce que j'avais fait en pâte à modeler pour qu'elle le corrige. Si beaucoup d’enseignants étaient sceptiques au début de l’année, à la fin du semestre, ils étaient nombreux à venir me voir en me disant : "J'ai expliqué cette notion au tableau, tu n'as pas dû comprendre : donne-moi ta main, je vais te montrer". » Pour les travaux pratiques, pendant que son binôme s’occupait des manipulations, elle gérait les calculs, la rédaction des rapports, l’interprétation des résultats. Pour les examens, c'était plus compliqué : « Il fallait dessiner des schémas. Je devais être irréprochable sur la partie dissertation car je savais que j'allais perdre énormément de points sur le reste. »

Ne pouvant pas faire de stage en recherche expérimentale, Salomé se tourne vers la bio-informatique pour analyser les données, les comprendre, les interpréter. En autodidacte, elle se forme à la programmation à l'aide de tutoriels et de forums. A la fin de son master, son directeur lui propose de continuer en thèse. « Frédéric Devaux a été un catalyseur dans ma vie. Il m'a encouragée et m'a aidée à trouver un stage. Aujourd'hui, je fais ma thèse dans son équipe au sein du LCQB », souligne-t-elle, reconnaissante.  

Salomé Nashed

Écouter sa passion

Au laboratoire, Salomé Nashed a rapidement trouvé sa place. « Je travaille en collaboration avec des biologistes expérimentalistes. Je traite leurs données et je leur soumets des hypothèses à partir des analyses que j’ai réalisées et qu’ils vérifient par le biais de l'expérimentation. Quand nos résultats concordent, c’est un grand moment de joie ! » Pour analyser les données, Salomé utilise un logiciel de synthèse vocale qui lit le contenu de son écran et une plage braille branchée à son ordinateur. Ce système d’écriture, elle l’a appris à la fin de l’école primaire quand elle est entrée à l'institut national des jeunes aveugles à Paris. Un institut qui l’a aidée à adapter sa vie au quotidien, mais dans lequel elle n’a pas voulu poursuivre sa scolarité, préférant intégrer un cursus classique pour ne pas s’enfermer dans son handicap.

Salomé Nashed récolte aujourd’hui les fruits de sa ténacité : lauréate l’an dernier du prix Thierry Célérier qui soutient une jeune femme atteinte d'un handicap dans son projet scientifique, le prix Jeune Talent France L'Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science récompense cette année la qualité de son travail. « C'est un bel encouragement pour continuer dans la recherche en tant que femme. Cela m'a également permis de me dire que j'étais légitime dans le domaine de la biologie », ajoute la doctorante qui déplore que la science manque encore de modèles féminins. 

Pour Salomé Nashed, qui souhaite continuer en post-doctorat puis passer les concours, ces prix seront l’occasion de financer le matériel nécessaire à la poursuite de ses recherches : « Une plage braille, indispensable dans mon travail, coûte 4 500 €. Je sais qu'à n'importe quel moment il peut y avoir des problèmes de compatibilité avec des logiciels dans la suite de ma carrière. » Ce risque, loin de la décourager, ne lui fait pas peur : « Tant que je peux continuer, je continuerai car j'aime trop ce que je fais », affirme la doctorante.  

Alors quand on demande à Salomé Nashed ce qu’elle conseillerait aux jeunes filles qui hésitent à se lancer dans une carrière scientifique, sa réponse est simple : « Je leur dirais de foncer, de suivre leur passion, et surtout de ne pas écouter ceux qui croient que ce n'est pas possible ». 


1 Organites intra-cellulaires qui produisent l'énergie dont les cellules ont besoin pour assurer leur activité.

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