Camille Martial

Camille Martial

Orthophoniste et entrepreneuse

Il est important d’avoir un projet porteur de sens. Cette vision à long terme nous permet de tenir dans les moments difficiles.

Diplômée du master d'orthophonie de la faculté de Médecine, Camille Martial a lancé Cérébro, une plateforme qui propose aux orthophonistes des applications, du matériel, des formations et des revues de littérature pour améliorer la prise en charge des patients.  

Comment est né le projet Cérébro ?

Camille Martial : Il a débuté lors de mon stage de deuxième année avec Vincent Vidmaire qui est aujourd’hui mon associé. À cette période, je m’interrogeais sur l’efficacité des exercices que l’on proposait aux patients. J'ai commencé à beaucoup lire sur la neurologie, et j’ai découvert la pratique basée sur les preuves. Pour adapter au mieux la prise en charge, cette méthode tient à la fois compte du patient (de sa situation, histoire, préférences, disponibilités, etc.), de l’expertise du clinicien (des exercices qui ont marché avec d'autres patients, du contexte de la prise en charge, etc.) et des preuves scientifiques issues des études.

Pour la mettre en place, cette approche demande un lourd investissement : il faut réaliser une veille scientifique et construire des outils qui permettent de mesurer de façon chiffrée l’efficacité de la thérapie. Ce travail chronophage freine souvent les orthophonistes qui sont déjà débordés par le nombre de patients à suivre. Pendant mon stage, nous avons donc eu l’idée avec Vincent de développer une plateforme qui leur offre des revues de littérature, du matériel clinique et des applications de rééducation permettant d'automatiser les calculs et le suivi des patients.

Comment l'avez-vous développé ?

C. M. : Durant mon stage, j’ai commencé à lire des articles scientifiques et à construire des tâches qui permettent de mesurer l’efficacité clinique d’une thérapie. L’année suivante, nous avons lancé le développement de la plateforme et nous avons commencé à construire le matériel de rééducation. Nous avons été rejoints par Théo Benvenuti, notre développeur et futur associé, qui a développé notre site internet et une première application de rééducation à destination des patients aphasiques et des orthophonistes.  

Il existe déjà des applications dans le domaine de l'orthophonie. Quelle est votre plus-value ?

C. M. : Notre originalité tient au fait que nous avons adopté une pratique basée sur les preuves pour proposer des exercices de qualité qui reposent sur une revue de littérature. Nous proposons également de suivre la progression de nos patients et d’avoir une évaluation clinique sérieuse avant et après la thérapie grâce à des outils rigoureux.  En fait, nous avons construit les outils dont nous rêvions pour notre pratique en cabinet. Dans une volonté de transparence, nous mettons également à disposition des utilisateurs nos méthodes d’analyse, nos critères d'exclusions et toutes les informations sur la façon dont nous construisons nos outils.

En 2021, vous avez intégré le D2E (diplôme étudiant-entrepreneur) à la faculté des Lettres. Que vous a apporté cette formation ?

C. M. : Ce diplôme porté par le Celsa m'a permis d'avoir un encadrement et des ressources. Quand nous nous sommes lancés dans l’aventure entrepreneuriale avec mon associé, nous n’avions aucune compétence dans le domaine. Grâce au D2E, j’ai acquis des notions essentielles à l’entrepreneuriat et réalisé mes premiers entretiens exploratoires auprès d’orthophonistes pour recueillir leurs besoins.
J’ai également été accompagnée pendant un an par une mentore qui m’a aidée dans l’avancement du projet et la préparation des entretiens importants. Cet accompagnement bienveillant a été essentiel pour garder confiance en notre projet.

Comment avez-vous concilié votre formation et le développement de votre projet entrepreneurial ?

C. M. : En parallèle de mes études paramédicales, j’ai terminé la licence Humanités et sciences humaines de l’université Paris-Nanterre que j’avais commencée avant d’entrer en orthophonie. En 2021, j’ai également suivi le diplôme universitaire de Réhabilitation neuropsychologique à la faculté de Médecine pour me former de façon plus spécifique sur la rééducation orthophonique des personnes victimes d’AVC, de traumatismes crâniens, de maladies neurodégénératives ou de troubles neurologiques.

J’ai beaucoup travaillé le soir et le week-end pour réussir à gérer à la fois les stages, les cours, le mémoire, la préparation de mon avenir professionnel, le D2E et le projet Cérébro. Aujourd’hui, le plus dur est derrière moi car je viens de valider mon master.  

Quelles sont vos perspectives ?

C. M. : Nous avons déployé Cérébro en septembre 2021 auprès de plusieurs orthophonistes qui se sont abonnés à la plateforme. Nous avons reçu de bons retours utilisateurs, ce qui est motivant pour la suite. La vente des licences permet de financer le développement de nouvelles applications. La prochaine sera consacrée aux troubles de la production lexicale sur les verbes, puis nous travaillerons sur une application portant sur les troubles de la production et de la compréhension syntaxiques. À terme, nous couvrirons les autres troubles neurologiques (mémoire, attention, etc.). Nous voudrions également monter une plateforme d'entraînement à domicile pour les patients. Nous avons lancé les premières demandes de financement et sommes finalistes de la bourse Déclic Jeune de la Fondation de France.

En parallèle, nous souhaitons, avec mon associé, garder un pied dans la pratique clinique avec les patients. Je viens d’ailleurs de décrocher un poste dans une structure spécialisée en neurologie pour la rentrée.

Quels conseils donneriez-vous à un étudiant ou une étudiante qui veut monter son entreprise ?

C. M. : Il est important d’avoir un projet porteur de sens. Cette vision à long terme nous permet de tenir dans les moments difficiles. Il est également nécessaire de s’entourer de gens bienveillants pour nous accompagner sans jugement. Le D2E est pour cela idéal.