Éloge du retard

Par Hélène L'Heuillet

Albin Michel

Une angoisse nous hante : être en retard. Nous vivons notre vie quotidienne, notre travail, l’éducation de nos enfants, et même nos vacances dans une telle crainte du retard que nous finissons par être en avance sur tout, par tout anticiper, et par fabriquer tant de précocité que le sentiment de vivre nous abandonne. Nous avons perdu le sentiment du temps, et avec celui-ci le sentiment de notre existence. Ce livre nous montre qu’il n’est pourtant pas difficile à retrouver. 
Être en retard, c’est faire l’école buissonnière, prendre des chemins de traverse, ne pas aller droit au but, c’est introduire d’infimes variations qui peuvent faire dérailler les rouages bien huilés de nos vies trop machinales. C’est finalement vivre. Face aux valeurs dominantes de nos sociétés modernes – fluidité, flexibilité, urgence et vitesse – et aux pathologies qui en découlent, le retard, un « laps » de temps qui nous permet de ressaisir notre condition temporelle, devient une véritable stratégie de résistance.


Hélène L’Heuillet est psychanalyste et maîtresse de conférences en philosophie à la faculté des Lettres de Sorbonne Université. Elle a notamment publié, chez Albin Michel, "Du voisinage. Réflexions sur la coexistence humaine" (2016) et "Tu haïras ton prochain comme toi-même. Les tentations radicales de la jeunesse" (2018).