Alice AGOSTINI

Doctorante en histoire de l’art au sein du centre André Chastel

Henri E. Ciriani (1936-) dans le champ de l’histoire. D’une morale architecturale à l’esthétique du quotidien

Doctorante en histoire de l’art au sein du centre André Chastel, Alice Agostini étudie l’œuvre d’Henri Ciriani (1936-), architecte français d’origine péruvienne et Grand Prix National d’Architecture. L’importance de l’architecte Henri Ciriani est indéniable en France, pourtant sa carrière commence très tôt dans sa ville natale, la capitale péruvienne Lima. Né en 1936, il termine ses études à l’Univesidad Nacional de Ingenieria en 1960, dans le bâtiment de l’architecte italien Mario Bianco. Ciriani est un étudiant talentueux. Ses professeurs le remarquent et l’aident à trouver un emploi au Ministerio de Fomento y Obras Públicas.

Thèse sous la direction de Jean-Baptiste Minnaert, professeur des universités, Faculté des Lettres de Sorbonne Université.
Crédit photo : Alice Agostini, Lima, Pérou

"En 1945, le député et futur Président du Pérou, Fernando Belaunde Tierry, entame un programme de réalisation de logements sociaux en 1963, pour laquelle Ciriani travaillera. J’ai eu l’occasion au cours de ma thèse d’aller dans les Unidades Vecinales, ces grands ensembles qui remodèlent le pays sepuis les années 1940."

"Ciriani participe à la deuxième partie du projet de logements sociaux de Matute. La visite de ces logements m’a fait prendre conscience de l’importance du béton armé, des espaces communs et des circulations très travaillées, éléments caractéristiques de l’architecture de Ciriani. Au cours de mon séjour au Pérou, j’ai également visiter les grands ensembles réalisés par Ciriani dans les années 1960. D’ailleurs, des étudiants en architecture de l’UNI ont pu profiter des explications de l’architecte et réaliser des dessins. Depuis 2009, Ciriani tient des conférences dans plusieurs villes du Pérou et donne des cours dans l’Universidad Peruana de Ciencias aplicada (UPC)."

"J’ai pu me rendre à San Felipe, dans le quartier de Jésus María. Cet ensemble résidentiel dessiné dans un premier temps par Ciriani et destiné à la classe moyenne a été réalisée à la demande du Président Belaunde, Il est constitué d’un plan central où quatre tours de 18 étages composent une structure en croix grecque avec des maisons individuelles et multifamiliales aux alentours."

"L’ensemble de San Felipe est considéré comme une icône de l’architecture péruvienne, emblème du mouvement moderne dans le pays. L’espace se trouve révolutionné, et Ciriani travaille pour la première fois un volume vertical plutôt que la barre horizontale à laquelle il était habitué. Une autre nouveauté est représentée par les voies de circulations aériennes qui connectent les logements, éléments qu’il reprendra plus tard en France."

"Ciriani consacre toute sa vie à une architecture publique à vocation sociale. Ce n’est qu’en revenant au Pérou qu’il répond à des commandes privées. La casa Santilliana, réalisée pour le mariage de son neveu, est sa première maison de plage, qui gagne le prix de la Biennale national en 2000. Le béton, toujours protagoniste, définit un espace qui tourne autour d’un patio, où le palmier devient le pilier central."

"Dans toutes les architectures que j’ai pu visiter de Ciriani, le béton armé joue un rôle essentiel : à la casa Madonna il reste nu, brut, mais il se marie avec des matériaux plus nobles. Cette combinaison des matériaux devient le cadre où la lumière naturelle dessine les espaces, qui n’ont plus besoin d’un éclairage artificiel. Pour ce projet de maison de plage, Ciriani utilise pour la première fois le plan libre. Les projets de maisons de plage de Ciriani sont considérés comme des exemples parfaits d’architecture moderne. Toutefois, elles manifestent aussi le manque de moyens et la crise politique du Pérou contemporain qui ne s’intéresse plus, contrairement aux années de Belaunde, à l’architecture publique. Ces projets privés célèbrent la vie d’une classe bourgeoise, assise face à l’océan, qui n’est pas la même que celle à qui Ciriani avait dédié ses grands ensembles."