Tableau de Nicolas Poussin avec l’instrument de diffraction X (Musée de Rouen) © LAMS
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La chimie, du laboratoire au musée

Avec le laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale (LAMS), la chimie s’invite au musée.

Créé en 2012, ce laboratoire dirigé par Philippe Walter poursuit des recherches en chimie des matériaux du patrimoine autour de deux objectifs : étudier l’évolution des matériaux utilisés dans la création artistique et analyser la synthèse des composants anciens pour alimenter la recherche et développement d’aujourd’hui.

 

Un laboratoire de chimie au service de l’art

Des grottes préhistoriques à l’Antiquité égyptienne, en passant par la peinture de chevalet, les équipes du LAMS cherchent à décrypter les processus de création artistique. Chimistes, égyptologues, philologue, archéologues, historien de l’art et restaurateur d’art œuvrent ensemble pour percer les secrets des ateliers d’artiste.

Ils étudient, de façon transverse, l’origine des pigments, la sélection des matériaux, leur mélange, la façon dont sont représentées les couleurs et la lumière, etc. Autant d’indices pour comprendre l’évolution des techniques artistiques. « L’interdisciplinarité et la complémentarité des compétences du laboratoire permet de faire avancer nos connaissances sur l’histoire matérielle des œuvres d’art », indique Philippe Walter.

Des méthodes de pointe développées dans un laboratoire mobile

Philippe Walter et son équipe ont développé un laboratoire mobile hautement perfectionné permettant de se rendre au plus près des œuvres dans les musées et les sites archéologiques.

A l’aide d’instruments de mesure qui tiennent dans une petite valise et ne pèsent que quelques kilos, ces archéologues de l’art fouillent minutieusement les strates de peinture. Bien loin de la simple radiographie utilisée au début du 20e siècle, ces nouvelles méthodes de spectrométrie* permettent en peu de temps d’obtenir de nombreux renseignements. « La spectrométrie de fluorescence permet d’identifier les éléments chimiques tandis que la diffraction des rayons X rend possible la reconnaissance des minéraux. Avec la résonance magnétique nucléaire, nous obtenons des informations sur les liants et certains pigments. Enfin, grâce à l’imagerie hyperspectrale, nous sommes capables de voir dans l’infrarouge et faire apparaître ce qui se trouve sous les couches visibles », explique Philippe Walter.

La combinaison de ces différents dispositifs portables et non invasifs permet d’obtenir la composition fine des matériaux utilisés dans les œuvres.

Construire une histoire de l’art à partir des matériaux utilisés

L’objectif n’est pas seulement de décrire la palette des pigments utilisés dans une œuvre, mais aussi de construire une véritable histoire des matériaux de l’art. Pour cela, les scientifiques élaborent, sur plusieurs années, tableau par tableau, artiste par artiste, des hypothèses sur les choix esthétiques des peintres et l’évolution de leurs pratiques. « Nous étudions des aspects très précis. Nous regardons, par exemple, la couleur des ombres d’un vêtement dans les tableaux de Nicolas Poussin », précise Philippe Walter.

Grâce à des mesures effectuées sur des zones claires ou sombres dans le tableau, les chercheurs ont ainsi montré que, contrairement à ses prédécesseurs, Nicolas Poussin n’utilisait pas le même pigment pour représenter une couleur identique dans l’ombre et dans la lumière. « Avant lui, Raphaël ou Léonard de Vinci ajoutaient un glacis noir sur une couleur uniforme pour créer la zone d’ombre. Nicolas Poussin avait, grâce à des avancées dans le domaine de l’optique et de la compréhension du fonctionnement de la vision, compris la distinction qui existe entre un pigment et sa couleur apparente telle que nous la percevons », précise Philippe Walter.

Des collaborations variées à travers le monde

Pour travailler sur ces œuvres, le laboratoire a mis en place de nombreuses collaborations avec des musées, comme par exemple, le musée national de Capodimonte à Naples ou le Palais Barberini à Rome. Il intervient également sur des sites archéologiques comme les tombes de l’époque de Ramsès II à Louxor.

Le LAMS collabore également avec d’autres structures. Il a fondé, avec l’Atelier du Temps Passé spécialisé dans la conservation-restauration d’œuvres d’art, le Lab4art (laboratoire-atelier d’analyse non invasive pour l’authentification des œuvres d’art). Cette structure permet d’associer l’expertise scientifique du laboratoire et le savoir-faire de l’atelier pour développer des méthodes innovantes et fournir des données utiles à l’authentification des œuvres d’art.

 

 

 

*La spectrométrie est l'étude de la façon dont la lumière interagit avec la matière et permet de déterminer sa composition chimique. Il existe plusieurs types de spectrométrie qui sont complémentaires dans l’analyse de la matière (spectrométrie de fluorescence des rayons X, imagerie hyperspectrale visible et proche infrarouge, spectrométrie par résonance magnétique nucléaire, etc.)

Crédits photo : Tableau de Nicolas Poussin avec l’instrument de diffraction X (Musée de Rouen) © LAMS