Biodiversité

Covid-19. Quel impact du confinement sur la biodiversité ?

Avec le confinement, animaux sauvages et plantes ont profité du calme retrouvé.

Nathalie Machon est spécialiste d’écologie urbaine au centre d'écologie et des sciences de la conservation1 et travaille en lien avec l’institut de la transition environnementale de Sorbonne Université. Elle revient sur l’impact qu’ont eu ces deux mois sur la biodiversité urbaine.  

Quelles observations avez-vous faites sur la faune et la flore en ville pendant le confinement ? 

Nathalie Machon : Durant ces deux mois, la végétation a repris ses droits dans les espaces publics. Cela ne signifie pas qu’il y a eu une plus grande diversité d’espèces, mais que celles déjà en place ont été beaucoup plus visibles que d'habitude car elles n’ont pas été coupées. 

Concernant la faune, nous avons vu certains animaux sauvages profiter du ralentissement soudain des activités humaines pour s’aventurer dans les villes : des chevreuils dans les jardins privés, des sangliers sur la croisette à Cannes, des dauphins dans les ports italiens, des baleines dans les calanques de Marseille, des phoques sur les plages de Dunkerque, etc. Si les animaux ont été plus visibles qu’à l’ordinaire, je ne crois pas, en revanche, que l'impact du confinement a été fort sur leur population car il a été trop bref.  

Quelles méthodes utilisez-vous pour observer cette biodiversité ?  

N. M. : Les études se basent sur des inventaires. Lorsqu’ils concernent de grands espaces ou s’étendent sur de longues durées, nous faisons appel à des bénévoles qui peuvent nous renseigner sur ce qui se passe autour de chez eux. C’est l’objectif du programme de sciences participatives Vigie-Nature porté par le Muséum d’Histoire naturelle et l’Alliance Sorbonne Université. En s'appuyant sur des protocoles simples et rigoureux, il propose à chacun de contribuer à la recherche en découvrant la biodiversité à travers différents projets : « l'Observatoire de la biodiversité des jardins », « Lichens go ! », « Sauvages de ma rue », etc. 

À partir des observations transmises par les bénévoles sur la flore et la faune, nous pouvons faire des synthèses et voir quels liens existent entre biodiversité, pratiques humaines et structure de la ville. Avec le confinement, le nombre de données recueillies a baissé, les sorties étant limitées : nous avons reçu 660 données contre 3000 à 4000 habituellement. Nous espérons qu’avec le déconfinement, cela va reprendre.  

Quelles conclusions peut-on tirer sur l’impact du confinement sur la biodiversité ? 

N. M. : Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, mais je ne pense pas que l'incidence soit énorme. Avec l’arrêt de la tonte dans les espaces publics, on peut imaginer que certaines espèces végétales, habituellement décapitées avant même d’avoir donné des fleurs, des fruits et des graines, ont été préservées pendant ces deux mois. Elles seront donc peut-être davantage présentes l'année prochaine, même si la sécheresse qui a eu lieu en avril, risque d’avoir empêché la pousse de certaines plantes. 

En cessant de faucher et de tondre la flore sur la voie publique, on a également protégé un certain nombre d’insectes qui y vivaient et on leur a permis de boucler leur cycle naturel. L’augmentation du nombre d'insectes signifie plus de nourriture pour les oiseaux. En laissant pousser la végétation, il peut y avoir aussi plus d'escargots dans les plantes et donc plus de nourriture pour les hérissons, qui ont d’ailleurs été moins victimes de la circulation durant le confinement. 

Par ailleurs, même si la chasse a été partiellement autorisée dans certains endroits pour protéger les cultures, il y a eu globalement moins de chasseurs à cette période. Cela aura probablement une répercussion sur certaines populations animales.  

Mais il y a une contrepartie à tout cela. Car il est probable que, pendant ces deux mois, beaucoup de personnes ont davantage tondu, désherbé et utilisé leurs stocks de produits phytosanitaires dans leur jardin privé.    

Quelles mesures mises en place durant le confinement devraient être, selon vous, poursuivies pour protéger la biodiversité ?    

N. M. : D’une manière générale, il faut intervenir de façon raisonnable sur la biodiversité et laisser davantage de place aux espaces végétalisés, y compris sur la voie publique. Au lieu de tout bétonner, il serait intéressant de laisser les plantes pousser sur des espaces comme les ronds-points, les parkings, ou encore végétaliser les toitures ou les façades. Ce serait également une bonne chose de réduire la tonte entre avril et juin pour permettre aux espèces de boucler leur cycle naturel.

J’espère que cette parenthèse liée au confinement aura permis de sensibiliser les citadins à l'intérêt de biodiversité. Ils ont pu voir les espaces publics enherbés et se rendre compte que, même si on ne tond pas, si on n'arrache pas, si on ne fauche pas, il est agréable de voir ces fleurs sauvages au printemps pousser sur les talus. Peut-être auront-ils envie que cette flore urbaine soit gérée de façon moins drastique. 

Quels risques sont à craindre pour la biodiversité avec le déconfinement progressif des activités humaines ? 

N. M. : La reconquête brutale de l'espace par les humains risque d’être douloureuse pour les espèces qui s'étaient senties en confiance avec la diminution des activités, du bruit et des voitures. C’est le cas notamment pour les animaux qui sont nés à la fin de l'hiver et qui n'avaient encore rien connu de l'agressivité humaine.   

Quel rôle joue la biodiversité en ville pour les citadins ? 

N. M. : Au-delà du bien-être psychique et corporel qu’elle procure, la végétation a une véritable utilité en ville. Elle absorbe une partie des gaz à effets de serre et des polluants, dans le sol, dans l’air et dans l'eau. Elle permet de réguler la température en période de canicule. Rappelons qu’à l’été 2003, le taux de mortalité était significativement plus fort dans les quartiers non végétalisés.   

Elle a également un impact direct sur notre santé. Il a, par exemple, été montré que les enfants souffrent moins d'allergie dans les quartiers végétalisés qu’ailleurs, la grande diversité de plantes permettant de diluer les pollens allergisants (comme ceux des pelouses). 

Les gens ont compris qu'ils avaient besoin de nature et ils sont désormais prêts à l'excepter. Les mentalités évoluent et nous ne sommes plus dans la ville d'autrefois où le moindre brin d'herbe était arraché. D’ailleurs, depuis l’arrêt de l’utilisation des produits phytosanitaires dans les espaces publics, l’écosystème urbain est le seul écosystème de toute la planète qui se porte mieux maintenant qu'il y a quelques années.  


CESCO (Sorbonne Université/Muséum d’Histoire naturelle/CNRS)