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Covid-19. Comprendre la réponse immunitaire pour mieux lutter contre le virus

Professeur à la faculté de Médecine de Sorbonne Université et membre du centre d'immunologie et des maladies infectieuses (Cimi), Guy Gorochov dirige le département d’immunologie biologique de la Pitié-Salpêtrière. Il nous explique comment les recherches qu’il mène actuellement sur la réaction immunitaire des patients atteints du Covid-19 vont aider à mieux comprendre et endiguer les formes graves de la maladie. 

Avec l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), vous avez participé à la création de la bio-banque COVIDef qui rassemble des données cliniques et biologiques de patients atteints du Covid-19. Quels sont ses objectifs ?

Guy Gorochov : Née d'un effort partagé par de nombreux collègues de l’AP-HP, la bio-banque COVIDef a pour objectif d’archiver plusieurs milliers d’échantillons sanguins de malades atteints du Covid-19 de manière à les mettre à disposition de la communauté médicale et scientifique.

Cette initiative a permis de mutualiser les moyens humains, administratifs et logistiques de manière à répondre rapidement aux questions qui se posent sur ce nouveau virus. Les patients qui entrent dans cette cohorte sont prélevés plusieurs fois afin d’avoir des données sur l'évolution de la maladie. Grâce à l’action des unités de recherche clinique, nous recueillons également leur histoire clinique et leurs antécédents.

COVIDef permet donc d'avoir accès à une grande collection biologique, ainsi qu’aux données correspondantes gérées et administrées de façon standardisée, à l'échelle de plusieurs hôpitaux. 

Chez certains patients atteints du Covid-19, la dégradation brutale de leur état de santé après quelques jours d’évolution de l’infection pourrait être associée à un "orage cytokinique". Expliquez-nous ce phénomène que vous étudiez.

G. G. : L’organisme sécrète des cytokines, des protéines essentielles à la bonne communication entre les cellules du corps, et notamment à l’orchestration des défenses immunitaires. En cas d'infection virale, les cytokines du groupe des interférons de type 1, participent au déclenchement de la réponse immunitaire innée. Cette réponse, qui survient dans les heures qui suivent la pénétration du virus, représente la première ligne de défense de l’organisme. Elle permet aux cellules de se re-programmer pour lutter contre l’agent pathogène et éviter sa multiplication. Cette réponse est normale, mais elle doit s’éteindre rapidement pour éviter de susciter une inflammation délétère.

Chez certains patients atteints du Covid-19, cette réponse se dérégule et se prolonge de manière anormale et désorganisée dans le temps. On parle alors d’orage cytokinique. C’est ce dont souffrent nombre des patients sévères admis en réanimation. L’inflammation persiste alors trop longtemps et de façon trop intense, au point d’aboutir à des défaillances organiques parfois mortelles.

Vous travaillez sur les marqueurs de l’inflammation dans la gravité de la maladie. En quoi consistent vos recherches ?

G. G. : Au début de l’épidémie, nous pensions que ce qui amenait les malades en réanimation correspondait à une réponse immunitaire stéréotypée. Mais ce n'est pas le cas. Il y a plusieurs types de réponses anormales à l’origine des formes graves du Covid-19. Et chacune va nécessiter une prise en charge spécifique. L’orage cytokinique dont nous parlions n’a pas toujours la même allure. Chez certains patients nous constatons par exemple une persistance anormale des sécrétions d’interférons de type 1, alors que chez d’autres, c’est l’absence même d’interférons qui pose problème.

Les études que nous sommes en train de mener au sein du Cimi1, à travers le projet i-COVID soutenu par Sorbonne Université, ont trois objectifs principaux : obtenir une image de la réponse immunitaire face à la maladie, identifier les facteurs aggravants et liés à la sévérité du Covid-19, et envisager des stratégies thérapeutiques et vaccinales contre le virus.

Vous venez de déposer un article sur la réponse immunitaire face au Covid-19. Pouvez-vous nous en dire plus ?

G. G. : Nous nous sommes en premier lieu intéressés à un aspect encore peu étudié de la réponse immunitaire : celle des anticorps IgA2. Dans l’organisme, nous avons plusieurs types d'anticorps dont les IgG (immunoglobulines G) et les IgA. Si les premiers sont dominants dans le sérum, les IgA se retrouvent surtout dans la salive, le lait maternel, les larmes et les sécrétions respiratoires et gastriques. Produits au niveau du système immunitaire muqueux, ils nous protègent contre les infections des muqueuses respiratoires et gastro-intestinales, tandis que nous induisons, par la vaccination intra-musculaire, principalement des IgG.

En étudiant en parallèle ces deux réponses immunitaires, nous avons constaté que la réponse IgA était initialement dominante dans le Covid-19 car le virus pénètre d’abord par les muqueuses respiratoires. Si nous avons observé que ces anticorps ont un très fort pouvoir neutralisant contre le virus, reste encore à savoir combien de temps ils sont actifs.

Nous pensons que même si leur taux diminue très vite dans le sang, il est probable que les IgA continuent à être sécrétés au niveau local, à la surface des muqueuses, pour constituer une barrière contre le virus.

Pour vérifier cette hypothèse, nous allons mesurer leur présence dans la salive. En réalisant ces analyses, nous espérons participer au développement d’un nouveau test immunitaire bien plus facile à mettre en œuvre qu’une prise de sang.

Ces anticorps peuvent-ils également avoir une perspective thérapeutique ?

G. G. : Il est assez facile de les isoler et de les produire en masse. Déjà, plusieurs grands laboratoires pharmaceutiques ont commencé des programmes pour développer une méthode de sérothérapie à partir d’anticorps monoclonaux. Elle consiste à injecter, de façon préventive, les anticorps obtenus à partir du clonage d’anticorps de patients guéris du Covid-19 à des personnes non immunisées. Cette immunothérapie passive, qui bloque la pénétration du virus dans l’organisme, permettrait, par exemple, de protéger les soignants en cas de seconde vague.


1 Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses (Sorbonne Université, Inserm, CNRS) 
2Sterlin D, Mathian A, Miyara M, Mohr A, Anna F, Clear L, Quentric P, Fadlallah J, Ghillani P, Gunn C, Hockett R, Mudumba S, Guihot A, Luyt C.E, Mayaux J, Beurton A, Fourati S, Lacorte J.M, Yssel H, Parizot C, Dorgham K, Charneau P, Amoura Z, Gorochov G. IgA dominates the early neutralizing antibody response to SARS-CoV-2. medRxiv. 2020